Le 20 septembre dernier Le Monde, dans sa rubrique des « décodeurs », publiait un article de Maxime Vaudano sous le titre racoleur « La sortie de l’euro prônée par le Front national nous ruinera-t-elle ? ». Ce papier contient des ambiguïtés et des erreurs, parfois si énormes, que l’on se demande s’il ne ressort pas d’une rubrique humoristique des « déconneurs ». Je n’aurai pas eu vocation à le commenter si je n’étais cité, et souvent mal cité, dans le cours de cet article. Me voici donc contraint de rétablir les faits, une fois pour toute.
1. Au sujet de la dette publique.
L’article se focalise sur la dimension juridique du problème et présente comme un « scénario radical » la redénomination en Francs des montants de dette souveraine souscrit dans des contrats de droit français. Il m’attribue une position mais sans donner les raisons qui fondent cette dernière :
« L’économiste Jacques Sapir n’a aucun doute sur le sujet : « un principe juridique s’impose à tous », et ils perdront devant les tribunaux. ».
En fait, les OAT et autres bons du Trésor émis en droit français stipulent que c’est dans la monnaie ayant cours légal en France que ces dettes seront remboursées. La monnaie ayant cours légal fut le Franc, puis l’Euro, et pourrait parfaitement redevenir le Franc. Il convient de regarder quelle est la jurisprudence internationale en la matière, depuis la fin des années 1920. Elle est constante sur ce point : un État rembourse dans « sa » monnaie, du moment qu’il a emprunté dans celle-ci, et peu importe le nom de cette dernière. C’est ce que l’on appelle la « lex monetae », mais ce principe est en réalité antérieur au nom juridique sous lequel il est connu. Si la France décidait donc de sortir de l’Euro et de rétablir le Franc, la conversion se ferait de droit, automatiquement. La meilleure preuve est donnée par un des arguments présentés par Vaudano :
« Meilleure preuve : la mesure radicale prise fin 2011 par la Banque d’Angleterre : suggérer aux institutions financières d’intégrer systématiquement dans leur contrat une clause de sortie de la zone euro, pour réduire l’incertitude en cas de changement de monnaie de leurs débiteurs. ».
Si la Banque d’Angleterre a fait cette suggestion, c’est en réalité pour protéger des investisseurs britanniques contre l’application du principe juridique cité. S’il y avait eu en la matière ce que les juristes appellent un « doute raisonnable » que les dettes puissent être remboursée dans une autre monnaie que celle du pays considéré, la BofA n’aurait pas eu besoin de faire cette recommandation. En la matière, le problème n’est pas celui d’un possible conflit entre la loi française et la loi européenne. L’Euro, d’ailleurs, n’est pas assimilable à une mesure relevant du droit européen, mais d’un droit particulier de coordination des Etats membres, ce que vérifie la structure de la Banque Centrale Européenne qui n’a pas supplanté les Banques Centrales des différents États. Il eut suffi au rédacteur de l’article de consulter des juristes qualifiés en la matière, ce qu’il n’a visiblement pas fait.
Lire l’intégralité de l’article sur russeurope.hypotheses.org