Le 20 février 1856, les principautés roumaines mettaient fin à cinq siècles d’esclavage des Roms. 160 ans plus tard, cette page honteuse de l’histoire, passée sous silence dans les manuels scolaires, représente toujours une plaie ouverte.
« Ces 500 ans d’esclavage ont marqué une période tragique dans l’histoire de la Roumanie (...), une période durant laquelle les Roms ont été privés du statut d’êtres humains », déplore Delia Grigore, ethnologue et activiste rom, dans une interview à l’AFP.
La présence des Roms dans les provinces roumaines de Valachie et de Moldavie fut pour la première fois attestée dans un document datant de 1385, lorsque le prince Dan « fit don de 40 foyers d’Atsiganes (Tsiganes) au monastère de Tismana ».
Selon l’historien Viorel Achim, « les Tsiganes avaient à l’époque le statut d’esclaves dans toute la région, de l’Empire byzantin à l’Empire ottoman ».
S’ils bénéficiaient de la liberté de mouvement, à la différence des serfs, « les Tsiganes étaient traités comme des objets appartenant à un maître », qui pouvait être l’État, un boyard ou un monastère, souligne-t-il.
« Tous les Tsiganes sont nés esclaves »
Selon M. Achim, le terme de « Tsigane »"est petit à petit devenu synonyme d’« esclave », perdant toute connotation ethnique. C’est ainsi que des Roumains, des Hongrois ou des Slaves réduits en esclavage furent nommés « Tsiganes » à l’époque. Les Roms ont néanmoins représenté l’essentiel des quelque 250 000 esclaves que comptaient les deux principautés au milieu du XIXe siècle. Le code pénal de Valachie stipulait que « tous les Tsiganes sont nés esclaves ».
En 1848 est adoptée une proclamation déclarant que « le peuple roumain se libère de la honte de détenir des esclaves et déclare la liberté des Tsiganes », un premier pas vers l’affranchissement total de 1856.
Plusieurs artistes se sont penchés ces derniers temps sur cette période, à l’instar du réalisateur Radu Jude dont le film Aférim ! a reçu un Ours d’argent à la Berlinale en 2015. Mais le sujet reste largement tabou dans la société roumaine.
« L’esclavage des Roms est une page d’histoire disparue. Je ne sais pas comment il est possible de passer sous silence ces 500 ans », s’insurge Alina Serban, diplômée de la Royal Academy of Dramatic Art de Londres et auteur de plusieurs spectacles de théâtre.