Saint-Cloud, le 23 février 2016
LETTRE OUVERTE À MME. MARINE LE PEN, PRÉSIDENTE DU FRONT NATIONAL
Madame la Présidente,
Me plaçant exclusivement sur le terrain politique, mais n’ayant plus de contacts, ni avec vous, ni avec les dirigeants du Front National, je vous adresse cette lettre ouverte pour vous faire connaître mon point de vue.
Exclu comme adhérent, je demeure, nonobstant votre dernier recours en cassation contre les procès que vous avez perdus, en particulier celui du « Congrès postal », Président d’honneur du Front National que j’ai fondé il y a quarante-quatre ans, et que j’ai dirigé jusqu’en 2011 avec le soutien et la participation de dizaines de milliers de militants dont les efforts et les sacrifices ont permis la pérennité d’une formation aujourd’hui au premier rang de la politique française.
C’est sous de fallacieux prétextes (interviews à RMC et Rivarol) que j’ai été exclu du Front National ainsi que de votre groupe parlementaire au Parlement Européen où je siège pourtant depuis trente-deux ans. Le complot, puisqu’il s’agissait d’une manœuvre secrète, conçu depuis le congrès de Lyon, à l’initiative, ou, en tout cas, avec le soutien des ambitieux du Carré.
Personne ne peut nier que cet épisode extraordinaire a causé dans le mouvement un malaise profond.
Certains militants sont partis, d’autres ont été épurés, qui avaient fait connaître leur désapprobation publiquement. Le moral de l’appareil en demeure profondément affecté.
Or, si l’on considère que seul le Front National peut, en provoquant un sursaut salvateur aux élections présidentielle et législatives de 2017, arracher notre pays au désastre qui s’annonce, il est indispensable qu’il soit réuni.
La rupture, que certains proclamaient comme totale et définitive, n’a pas atteint son objectif, si celui-ci était la « dédiabolisation ».
Jean-Marie, écarté ! Voici Marine en première ligne : votre retrait stratégique de l’espace médiatique risque d’être irréversible, je le note en passant.
Plus que de ma personne – encore que ! – l’exclusion s’est voulue celle de la ligne politique que j’avais incarnée naguère : une ligne droite, non d’extrême droite, mais d’extrême droiture, fidèle à ses principes et à ses objectifs nationaux. Chargé des péchés de ladite extrême droite, j’ai été, comme dans l’Ancien Testament, chassé dans le désert. Morte la bête, effacés les péchés !
Ce fut une mauvaise action, et, plus grave, une mauvaise affaire.
Une mauvaise action, parce qu’injuste et blessante, elle sous-entendait une accusation d’antisémitisme politiquement invalidante, jusqu’alors lancée par les ennemis du FN, mais désormais consolidée puisque reprise depuis nos propres rangs. Victime de cette infamie diffamatoire, en dépit des blessures intimes, et plaçant la France et les Français d’abord, je dirai à l’instar du Roi Henri IV : « La violente amour que je leur porte m’a rendu plus facile le pardon ».
Mauvaise action, ce fut aussi une mauvaise affaire… En effet, le sursaut de la France ne peut être espéré que de la victoire préalable du candidat national, et celle-ci exige une unité sans faille du Front National, fer de lance de la nécessaire majorité patriotique. Or, à l’image du vase brisé de Sully Prudhomme, la fêlure peut devenir brisure.
J’avais espéré que « le séminaire » marquerait une évolution vers l’unité. Las ! La montagne accouchait d’une souris, et quelques rats s’essayaient au grignotage : l’un voulait supprimer le nom Front National, l’autre le défilé du 1er mai…
La force d’un mouvement politique se mesure lors des élections. Les dernières régionales ont placé le Front en tête des formations françaises, avec six millions huit cent mille voix. Mais cette force est surtout constituée par le nombre, la qualité et l’organisation des militants.
C’est sur eux qu’il faut prendre appui dans les circonstances décisives. La démocratie comporte des faiblesses, mais aussi des avantages réels. Il n’y a au FN que deux échelons démocratiques parce qu’élus par le Congrès :
La présidence, chef de l’exécutif.
Le Comité Central, composé de 120 membres, dont 100 élus, et 20 nommés par la présidence, véritable parlement du FN. Il doit être statutairement réuni une fois par an ; il ne l’a pas été en 2015 ! J’en demande aujourd’hui expressément la réunion avant les vacances de l’été 2016, avec à l’ordre du jour la question de mon exclusion, l’unité d’action, la stratégie électorale en 2017.
Gagner la bataille de 2017 est un impératif catégorique. La victoire sera une gageure, un de ces miracles qui ont permis au long de l’Histoire la pérennité de la France.
Il faut refermer au plus tôt la faille ouverte, qui, déjà, suscite les ambitions chez de potentiels candidats qui, par leur seule présence, menaceraient vos chances de figurer au second tour.
J’ai le sentiment d’avoir au long de cette année tout fait pour aider à l’unité. Cette lettre est un dernier effort avant qu’il ne soit définitivement trop tard. Par exemple, l’un des nombreux organismes que j’ai fondés, « Cotelec », a aidé par ses prêts les candidats aux élections régionales. J’avais appelé au succès de tous ces candidats, même ceux qui s’étaient compromis dans mon exclusion, montrant ainsi clairement que je mettais l’intérêt de la France et du Front National au-dessus de ma propre et légitime sensibilité.
Des demandes pressantes me conduisent à organiser, si possible à l’intérieur, ou en parallèle avec le Front National, un rassemblement des volontés patriotiques fidèles à la ligne politique d’un changement décisif.
Si notre démarche n’aboutit pas, conscients des terribles dangers qui menacent notre patrie, nous ne baisserons pas les bras, et agirons alors et à regret en dehors du Front National.
Nous espérons de tout cœur que le bon sens, celui du bien commun, l’emportera, et que votre candidature, renforcée par les forces patriotiques en leur totalité, arrachera la victoire.
Jean-Marie LE PEN
Président d’honneur du Front National