« Pour moi, lire n’avait pas le même sens que la moyenne de nos prétendus intellectuels. Je connais des gens qui lisent interminablement livre sur livre (…) sans que je puisse cependant dire qu’ils ont de la lecture. Ils possèdent un amas énorme de connaissances, mais leur esprit ne sait ni les cataloguer ni les répartir. Il leur manque l’art de distinguer dans un livre les valeurs à se mettre pour toujours dans la tête et les passages sans intérêts – à ne pas lire si possible, ou tout au moins à ne pas traîner comme un lest inutile. Lire n’est pas un but, mais le moyen pour chacun de remplir le cadre que lui confèrent ses dons et ses aptitudes. (…) Le second but de la lecture doit être d’acquérir une vue d’ensemble sur le monde dans lequel nous vivons. (...) il est nécessaire, non pas que ces lectures prennent place dans la série des chapitres ou des livres qui conservent la mémoire, mais viennent s’insérer à leur place comme le petit caillou d’une mosaïque et contribuent ainsi à constituer, dans l’esprit du lecteur, une image générale du monde. Sinon, il se forme un mélange de notions désordonné et sans grande valeur, malgré toute la fatuité qu’il peut inspirer à son malheureux propriétaire. (...) il n’a plus, bien souvent, qu’à finir dans un sanatorium ou bien politicien. (...) Au contraire, celui qui sait lire discerne instantanément (...) ce qui mérite d’être conservé, soit en vue de ses besoins personnels, soit comme matériaux d’intérêts général. Ce qu’il acquiert de la sorte s’incorpore à l’image qu’il se fait déjà de telle ou telle chose, tantôt la corrige, tantôt la complète, en augmente l’exactitude ou en précise le sens. Que soudain la vie pose un problème, la mémoire de celui qui a su lire lui fournit aussitôt une opinion basée sur l’apport de nombreuses années ; il la soumet à sa raison en regard du cas nouveau dont il s’agit, et arrive ainsi à éclairer ou à résoudre le problème. La lecture n’a de sens qu’ainsi comprise. »
Nous sommes bien loin, à la lueur de ces lignes, de la lecture théorique savante et élitiste, recouverte d’une couche épaisse de poussière que nombre d’entre nous, dans notre imaginaire collectif, répugnons à vouloir balayer, tellement elle paraît rebutante sous bien des aspects. Nous sommes aussi forts éloignés de son opposé actuel, la lecture « hobby » des vacances et du dimanche, simple loisir culturel des gares et des cafés, des plages ensoleillées et des fauteuils moelleux au coin de cheminées. Hitler replace ici le livre à sa plus noble place et fonction, à savoir un formidable moteur d’enrichissement personnel, et un vecteur de compréhension du monde dont nous faisons partie. Les lectures nous présentent devant des portes, jalouses gardiennes des trésors qu’elles renferment : à l’esprit du lecteur de créer son propre jeu de clés afin d’accéder à ces perles, qu’il assemblera patiemment, au fur et à mesure de sa vie, en un collier précieux de sagesse et de connaissances qui lui sera propre.
La littérature de la fiction, de l’action, des émotions brutes (romans modernes, nouvelles, BDs) a aujourd’hui majoritairement remplacé dans les rayons – et les parts de marché – la littérature de l’Homme et du monde, des idées transcendantes et de la raison sensible (essais sociologiques, philosophiques, économiques, mémoires, recueils de poésie, études et recherches historiques etc.). L’art de lire est devenu reflet, sans profondeur, de son époque : un art passif de consommer comme tant d’autres. On lit pour se vider l’esprit, alors qu’il faudrait à l’inverse le nourrir. On lit pour l’alourdir et briller en mondanité et en politique, alors qu’il faudrait lui donner une base solide sur laquelle il pourrait prendre appui pour s’envoler vers des idées et des convictions empreintes de beauté, de courage, de noblesse, d’humanité.
Pour en revenir au satanique ouvrage sujet de de l’article, on peut clairement établir, suite à l’extrait cité au début, que l’argument classique selon lequel une lecture, étiquetée comme non-correcte ou hérétique par rapport à la doxa en vigueur, peut être à l’origine de pensées entraînant des actes répréhensibles chez une personne est un argument irrecevable et des plus fallacieux, ici facilement démonté par Hitler. Un livre ne peut empoisonner et gangrener un cerveau formé à la « vraie » lecture, comme la définit justement notre auteur. La faute en incomberait plutôt à l’esprit trop peu aiguisé du lecteur, lame grossière qui n’a pas été correctement travaillée puis acérée alors que cette tâche et responsabilité revenaient aux maîtres forgerons de l’éducation, devenus maintenant modernes artisans de la médiocrité, de l’ignorance et de la désinformation.
Hitler écrit d’ailleurs, à propos du lectorat des médias et des journaux – ces derniers ayant selon lui justement la charge de « l’éducation des adultes » – ces remarques suivantes :
« Il est possible à cet égard de diviser, en gros, ses lecteurs en trois tranches :
Ceux qui croient tout ce qu’ils lisent.
Ceux qui ne croient plus rien du tout.
Les cerveaux qui examinent avec un sens critique ce qu’ils ont lu et qui jugent ensuite.Le premier groupe est numériquement de beaucoup le plus grand. Il comprend la grande masse du peuple et représente, par la suite, la partie intellectuellement la plus simple de la nation. (...) Ceci peut constituer un avantage quand ils sont éclairés par des auteurs sérieux et épris de vérité ; mais c’est un désavantage, si ce sont des canailles ou des menteurs qui prennent soin de les renseigner. [1] »
La polémique entourant la réédition ou non de Mein Kampf depuis sa tombée dans le domaine public n’a donc pas lieu d’être. Les instances craignent que les lecteurs non instruits à l’art de bien lire (la majorité) ne deviennent des « fachos néo-nazis » ou, inversement, que celui doté d’un minimum de réflexion et de bon sens ne découvre, par sa curiosité d’esprit, que le portrait officiel brossé du dictateur et de son livre comportait des « zones d’ombres » intéressantes, mais volontairement cachées pendant des années par les fervents défenseurs du « plus jamais ça ».
Le débat politico-médiatique autour de l’œuvre ne montre réellement qu’une chose : le système éducatif ne nous apprend pas à penser intelligemment… donc à lire intelligemment. C’est en partant de ce constat que se justifie l’existence de ce faux débat.
Si tout le monde savait vraiment lire, tout le monde pourrait lire Mein Kampf.
Aussi, penchons-nous sur ce texte selon les principes exposés par l’auteur lui-même dans ses pages. Appliquons la maxime « l’art de lire et d’étudier est de conserver l’essentiel et d’oublier l’accessoire » [2] à son propre support… Nous serons de la sorte capables de séparer le bon grain de l’ivraie, et de ne garder que la plus substantifique moelle des nombreux sujets et réflexions abordés par l’homme le plus diabolisé au monde.
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