Le peuple britannique n’a pas cédé au chantage et à la peur orchestrés par les milieux financiers dominants. Son vote courageux a montré qu’il mettait la démocratie, c’est-à-dire le contrôle des décisions qui le concernent, au-dessus de tout. L’Angleterre a montré encore une fois son esprit d’indépendance et son caractère qui est justement ce pour quoi nous l’aimons. De Gaulle avait raison : elle continue de vivre au rythme de l’anglosphère et du monde, même si son peuple est incontestablement un grand peuple européen.
Je demande aux dirigeants des vingt-sept pays européens de l’Union d’accueillir avec fair-play et sans esprit vindicatif la décision souveraine du peuple britannique. La négociation d’un statut d’association de la Grande-Bretagne au marché unique européen, sur le modèle norvégien, peut intervenir dans les deux ans qui viennent, délai donné par l’article 50 des traités européens. Je rappelle que la Norvège, avec une population de 5 millions d’habitants (onze fois moins que la Grande-Bretagne), acquitte, pour avoir accès au marché unique, une contribution annuelle de 432 millions d’euros.
Allons à l’essentiel : le Brexit peut être un service rendu à l’Europe. Il doit donner une deuxième chance à l’idée européenne : celle d’une refondation démocratique qui articulerait la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire. Il me paraît clair qu’il faut outiller la seule instance européenne aujourd’hui démocratiquement légitime : le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement, afin qu’il dispose des services lui permettant de préparer et de suivre ses décisions. La Commission verrait ainsi redéfinir ses missions. Il faudra surtout restreindre le champ des interventions européennes à l’essentiel et laisser respirer la démocratie.
La deuxième réforme fondamentale à mes yeux est celle du Parlement européen. Celui-ci doit procéder des Parlements nationaux où vit la démocratie représentative fondée sur le sentiment de l’appartenance nationale. Il faut créer un continuum entre les démocraties nationales et une démocratie européenne qui reste, pour l’essentiel, à construire. Car il faut assurer un contrôle démocratique de l’exercice des compétences déléguées.
Je demande la réunion à bref délai d’une conférence chargée de redéfinir les institutions européennes et de repenser le modèle de développement qui résulte notamment du traité budgétaire dit TSCG de 2012 qui plombe la croissance européenne. Le modèle mercantiliste allemand (l’excédent extérieur correspond à plus de 10 % du PIB) est intransposable aux autres pays européens. Il faut concevoir un modèle européen de développement où l’Allemagne met ses surplus au service de la croissance européenne… et allemande.