Le 29 mai 2005 à la question posée par référendum « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ? », le peuple français répondait « non » à plus de 54 %. Une décision qui fut piétinée par les parlementaires, réunis en congrès le 4 février 2008 à l’initiative de Nicolas Sarkozy.
Malgré une propagande médiatique à sens unique en faveur de la Constitution européenne – y compris le Charlie Hebdo de Philippe Val –, le fait marquant fut le renversement de l’opinion tout au long de la campagne (plus de 65 % de « oui » dans les sondages en octobre 2004, 50 % en mars 2005) à mesure que les Français s’appropriaient la question, via notamment un espace d’expression qui pour la première fois devait s’imposer dans le débat public : Internet. Et, au lendemain du rejet de la Constitution européenne, le cri de Serge July dans Libération sonnait comme l’écho d’un passé déjà lointain :
« Un désastre général et une épidémie de populisme qui emportent tout sur leur passage, la construction européenne, l’élargissement, les élites, la régulation du libéralisme, le réformisme, l’internationalisme, même la générosité. »
C’est ainsi que le résultat du référendum de 2005 fut analysé, en partie à juste titre, comme une réplique du 21 avril 2002.
Politiquement la campagne avait vu l’effacement du clivage gauche/droite, le texte ayant été soutenu par les partis dit « de gouvernement » c’est-à-dire le PS, l’UMP, et, à l’exception du PCF, par la quasi-totalité des partis représentés au Parlement, de l’UDF aux Verts en passant par le Parti radical de gauche.
Le Front national, le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement, le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers ainsi que les formations trotskistes avaient soutenu le « non ». Toutefois, toute union sacrée contre l’Union européenne fut sapée dès l’automne 2004 par l’appel des 200 pour un « Un non de gauche, en rupture avec le système libéral » signé par l’ensemble des syndicats et des partis « de gauche », de la LCR à la minorité du PS en faveur du « non ».
Comble du cynisme, le courant s’opposant à la Constitution européenne au sein du PS fut encadré par Laurent Fabius, Premier ministre lors de la signature de l’Acte unique européen en 1986, qui instaurait au sein de l’union européenne la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux, c’est-à-dire le dogme libéral. Un « non de gauche » qui s’arrogea la victoire pour mieux masquer le refus du peuple français de déléguer sa souveraineté aux instances européennes au nom de la construction d’une Europe fédérale.
Mais la récupération par les organisations de gauche du refus de la Constitution européenne ne résista pas longtemps à l’analyse sociologique des résultats du vote. Le 29 mai 2005 fut en effet un révélateur supplémentaire de l’ampleur du fossé entre des élites bénéficiaires de la mondialisation (cadres supérieurs et professions libérales) ayant majoritairement voté « oui » aux côtés des improductifs (retraités et étudiants) quand les ouvriers et employés, forces productives attachées à leur patrie, rejetaient en masse le texte du traité.
L’annonce des résultats sur France 2 le 29 mai 2005 à 22h00 :