Si les pays occidentaux font face depuis plusieurs décennies à une morosité industrielle, le secteur tertiaire connaît une agitation constante, par exemple à travers les activités liées à l’événementiel et aux loisirs.
Dans ces nouveaux marchés, il arrive fréquemment que deux courbes ascendantes se rencontrent : c’est ainsi que le numéro un mondial du poker en ligne, PokerStars, devient le partenaire officiel de l’Olympique lyonnais, sept fois champion de France de football depuis 2002 [1].
PokerStars possède une structure à l’image de la globalisation économique contemporaine. Initialement « costaricaine », la société est aujourd’hui domiciliée sur l’Île de Man, au Royaume-Uni. Elle fait partie d’un groupe dirigé par Mark Scheinberg, qui a placé récemment à sa tête un gros bonnet du secteur du jeu d’argent : Rafi Ashkenazi, l’ancien dirigeant de Playtech. Au niveau France, c’est un Balkany, fils du célèbre député-maire de Levallois-Perret, qui gère les activités de PokerStars [2].
Si la compagnie a pu fuir les fiscalités nationales, elle n’a pas su en fuir les lois : en 2011, PokerStars, sa filiale Full Tilt Poker et leurs managements ont été inquiétés dans un colossal procès pour violation de la loi américaine relative aux jeux d’argent sur l’Internet, fraude bancaire, et blanchiment d’argent [3].
Ce procès révolutionna le milieu du poker en ligne. L’arrêt momentané des activités du groupe aux USA a eu de lourdes conséquences pour de nombreux joueurs et les tournois de poker que PokerStars sponsorisait [4]. Si en juillet 2012 un accord a été trouvé pour les compagnies avec le département américain de la Justice, des poursuites pénales restent en cours pour un certain nombre de dirigeants.
Le partenariat avec l’Olympique lyonnais ne se limitera pas à de la figuration passive de logo : des événements feront vivre le sponsorship. PokerStars organisera des tournois de poker qui permettront aux vainqueurs de gagner des produits de merchandising à l’effigie du groupe ou des places pour des matchs.
Voila donc une belle occasion pour les fans de football d’allier deux loisirs certainement distrayants. Comme pour les arts, on peut cependant regretter l’invasion continue et multidimensionnelle du marché et de sa logique méconnaissant toute morale, qui vient ici par exemple, au travers d’une activité éthiquement médiocre et gérée par une compagnie à la probité douteuse, fusionner avec le monde du sport grand public.
Parallèlement au sponsorship polymorphe, la bête mercantile, dans sa nouvelle mue de finance mondialisée, s’est aussi intéressée au secteur sous d’autres angles. En 1983, un premier club anglais, Tottenham Hotspur, entre en bourse [5]. Depuis, les appels de fonds sur le marché sont devenus une vraie norme, parfois sur des places boursières à l’autre bout du monde.
Certains richissimes acquéreurs prennent des parts conséquentes dans des clubs, avec des intentions assurément philanthropiques, comme le Qatar avec le PSG ou George Soros avec Manchester United [6].
Bien que portant toujours des noms de ville ou de région, les clubs sportifs sont aujourd’hui de grandes structures rationalisées et financiarisées, soumises à des impératifs de Return On Equity imposés par les opérations de LBO [7]. En football, les équipes sont composées de joueurs venant des quatre coins du monde. Ils sont d’ailleurs tellement mobiles que la cocasse proposition de Hollande des 75 % d’impôts a dû immédiatement s’automutiler d’une exception, pour ne pas affecter la « compétitivité » et « l’attractivité » du championnat français… On se croirait dans les colonnes des Échos Entreprises & Marchés.
De nombreux fans diront que c’est le prix évident d’un beau spectacle. Quelle opportunité ratée, pourtant, de véhiculer des valeurs nobles ! Que restera-t-il au final de l’esprit sportif et de son authenticité au sein du sport grand public ? Certainement rien. De sombres histoires de dettes , de rachats, de positionnement produit, de compétitivité coût... Étrangement, ces termes rappellent la ruine de notre savoir-faire industriel...