Pierre Mendès-France et Pierre Poujade sont deux hommes du paysage politique français qui ont fait l’objet de postérités bien différentes. Le premier a donné son nom à des lycées, des parcs, des universités, le second a donné son nom à une expression commune, le poujadisme, servant à désigner tout ce qui transpire le populisme, le corporatisme mesquin et l’égoïsme petit-bourgeois.
Si Mendès-France est toujours tant cité et adulé par la classe politique, ce n’est pas pour son opposition au traité de Rome [1] ou son gênant support acharné à l’Algérie française [2], mais bien pour son image d’homme de gauche de l’entre-deux-guerres, d’homme fort de la Quatrième République et bien sûr de résistant sous Vichy.
Pierre Poujade est devenu à la fois célèbre et détesté par la presse en 1953, lorsqu’il créa l’Union de défense des commerçants et artisans. Son combat de protestation contre la pression fiscale et de résistance à l’apparition de la grande distribution et de la consommation de masse était plus syndical et corporatif que politique [3]. Notre actualité, marquée par les problèmes de la malbouffe et le délirant scandale de la viande de cheval, fait puissamment écho à sa cause, décriée dès sa naissance et pour toujours par les intellectuels et journalistes bien-pensants.
Tout comme Jean-Marie Le Pen [4], Pierre Poujade se montrait très critique envers Pierre Mendès-France, dont il suspectait des allégeances autres que l’intérêt national. Voici par exemple sa fameuse apostrophe de 1955 :
Des livres entiers de lamentations ont été dédiés à l’antisémitisme qu’aurait subit Pierre Mendès-France [5]. Un antisémitisme présenté comme d’autant plus injuste que Mendès-France s’est toujours déclaré comme étant détaché de toute l’influence religieuse et communautaire de ses origines.
Pour autant, tout aussi détaché fût-il, Mendès-France passa une bonne partie de sa fin de carrière politique à s’intéresser au conflit israélo-palestinien. En outre, il fut l’une de ses nombreuses personnalités juives qui, en France (comme l’avait dénoncé Céline [6]) ou ailleurs (aux États-Unis par exemple, comme l’avait dénoncé Ford [7]) se montrèrent curieusement patriotes et bellicistes pendant l’entre-deux-guerre. Mendès-France a ainsi critiqué le Front populaire pour son non-interventionnisme vis-à-vis de la guerre d’Espagne, et a sans cesse fait preuve d’hostilité débordante envers l’Allemagne nazie, au point de s’exprimer contre la participation de la France aux jeux Olympiques de Berlin en 1936 [8].
Une fois la guerre tant désirée déclarée, Pierre Mendès-France se serait montré digne de ses opinions et aurait cherché à se battre, en vain. Volonté fortuitement non-assouvie que les diverses biographies et articles à son sujet s’assurent de bien mettre en avant [9]. Les faits, eux, paraissent assez contradictoires, puisque Mendès-France s’est réellement réfugié en Algérie, puis plus tard à Londres, pour « résister ».
- Pierre Mendès-France et Pierre Poujade en couverture du magazine Time, respectivement en juillet 1954 et mars 1956