En ces temps incertains de Troisième (et, espérons, dernière) Guerre mondiale, on a tous besoin de se détendre. Les soldats, après la journée de boulot, soufflent un peu, picolent, jouent aux cartes, enlacent des femmes. Nous, après une journée harassante à traquer la désinformation, on a besoin de relâcher nos muscles neuronaux hypertendus, et le canard de Dov Alfon est un excellent médicament pour ça.
Alfon dans la culture
Chaque jour, dans les pages Culture de Libé, on trouve du gaz hilarant qui s’échappe du bousier.
Avant toute chose, précisons qu’on n’est pas asiatophobes. La bimbo sexy de France Télévisions dit avoir été persécutée à cause de ses origines. On dirait presque qu’elle a souffert d’antisémitisme !
"Vous mangez du chien”, “les femmes asiatiques sont dociles”, “vous êtes des bosseurs”…
Voilà les clichés qui collent à la peau des personnes asiatiques. La journaliste @EmiliETN dénonce ce racisme ordinaire dans son documentaire “Je ne suis pas chinetoque”. Elle raconte. pic.twitter.com/0BUveDirvj— Brut FR (@brutofficiel) February 3, 2024
Ceci étant dit, passons à Noah. Noah n’est pas un woke comme les autres, c’est un woke-poète. Ce qui suit, on l’a lu en diagonale. Ça casse le sens ? D’accord mais le texte n’en a pas non plus.
C’est un premier recueil de poèmes (après Inventair/e en 2023, autoédité) et en cela une manière de se présenter. Lisons par exemple « Mauvais trans » en entier : « je suis un garçon trans/ le monde voudrait que je sois à fond cul / queer party musique drogue./ comme Preciado au fond./ mais moi j’aime Jean Ferrat/ et Jacques Prévert/ et je pleure en écoutant des poèmes. » On a parfois l’impression que c’est écrit sur un coin de table et livré tel quel, bon ou moins bon peu importe (« mais vraiment quand tu as joui/ j’aurais pu crever mille fois/ sans problème ») et puis on pense l’inverse : qu’il a sans doute fallu des lustres pour réussir à formuler cet « adieu ». « adieu/ ma toute vieille maman/ je te donne rendez-vous/ après notre mort/ quand tu seras toute jeune/ et moi un tout vieil homme/ et tout sera oublié, pardonné. » La mère, « maman », qui « a des gens » et « pense qu’elle rend service à ces gentes », n’a pas le beau rôle, même si c’est un rôle important et ambigu (« maman, est-ce que tu me retrouveras, est-ce que tu me reconnaîtras avec ce nouveau nom ? »). En affirmant son opposition, le « fils trans » passe semble-t-il sur l’autre bord (contre toutes les formes de domination) et témoigne poétiquement d’une rencontre des luttes. Pour lui, nouvelle vie et nouveau look, « sourcil rasé », « tatouage au poignet ».
Un autre extrait, piqué dans le dernier paragpraphe :
« je voudrais que tu viennes avec tes bras de déménageuse gouine tatoués d’un profil de triton, d’une ancre marine et d’un clitoris rouge et que tu emmènes un à un les biens de ma famille. »
Ça tombe bien que Trouong parle de clitoris, car c’est la mode. Le Monde nous explique, le 3 février 2024, que le cunnilingus est « la star des séries ». Le sujet est si important qu’il a donné lieu à une « enquête ».
Longtemps grand absent des scénarios, cet acte sexuel est de plus en plus mis en scène. Au point de devenir une sorte de figure imposée pour qui veut filmer le coït sans passer pour un vieux croûton.
Ce travail colossal qui mérite le Pulitzer est signé Audrey Fournier, et sur son historique dans le journal des Lobbies et des Marchés on ne voit que des articles sur les séries (original), les homos (très original) et le sexe (encore plus original). Son boulot a consisté à extraire de toutes les séries possibles les scènes de sexe bucco-génital. On sent que l’enquête sur le pouvoir hyper profond n’est pas loin.
Il y a une loi à laquelle aucun journaliste médiocre ne déroge, c’est l’expert. Quand on est mauvais, ou que son article est mauvais, on fait appel à un expert. Ça veut dire en creux qu’on n’est pas expert soi-même. Vous allez voir que l’universitaire appelé à la rescousse est, lui, véritablement un expert, et que l’argent public n’a pas été dépensé en vain dans ses recherches.
« La libération sexuelle des séries n’a pas encore eu lieu », relève néanmoins Benjamin Campion, enseignant-chercheur à l’université Paul-Valéry-Montpellier-III, dont le travail sur la représentation du sexe dans les séries de la chaîne câblée américaine HBO a fait l’objet d’un livre, HBO et le porno (Presses universitaires François-Rabelais, 2022). « HBO, par exemple, a la réputation d’une chaîne plus libre, et pourtant les représentations y restent très conventionnelles, souligne-t-il. On y voit essentiellement des relations hétéros, et le plus souvent des pénétrations vaginales. » Quantitativement, le cunnilingus arrive en quatrième position dans ses statistiques, loin derrière ladite pénétration vaginale, mais aussi derrière la fellation et la masturbation : « Seulement trente-huit occurrences sur les dizaines de séries HBO que j’ai étudiées sur vingt ans. C’est moitié moins que les fellations. »
Benjamin a raison : il faudrait plus de scènes homos, trans et même pédos, ça changerait un peu du sempiternel amour courtois de ces gros ringards d’hétéros.
On a trouvé une vidéo du chercheur ès cunnis !
Voilà, c’était le haut niveau culturel avec Trouong, Fourniaise et Camfion. Attendez, on a failli oublier Claire Ferrero, « conseillère en sexualité et coordinatrice d’intimité sur les plateaux de tournage à Los Angeles » ! Interrogée par Fourniaise, Fourrero met le doigt sur un point important :
« L’inconvénient du cunnilingus, c’est qu’il est souvent aveugle à la caméra. On voit ou on devine plus le sexe masculin dans la fellation, ou alors on voit au moins une tête qui bouge… Dans une scène de cunnilingus, c’est beaucoup moins explicite. »
Pourquoi pas une caméra miniature sur la langue, à la manière d’un piercing, pour que ce soit plus « explicite » ?
Merci à la bande des quatre de nous avoir divertis. Et à bientôt pour un nouvel épisode de On trouve toujours plus woke que soi !