L’accord qui empêche l’Iran d’obtenir une arme nucléaire rend « notre monde plus sûr », a annoncé le président Obama le 2 avril [1]. Le même jour, pourtant, le Commandement de la US Air Force pour l’ « attaque globale » communiquait le lancement expérimental opéré (avec des têtes non-nucléaires) dans le Pacifique de deux Minuteman III, missiles balistiques intercontinentaux à tête nucléaire, comme « aide-mémoire visuel à la fois pour nos adversaires et pour nos alliés » du fait que l’« US Air Force peut attaquer n’importe où, à tout moment, avec une rapidité et une précision plus grandes que jamais ».
Cela confirme ce que le New York Times documentait en septembre dernier [2], à savoir que « l’administration Obama est en train d’investir des milliards de dollars dans la modernisation de son arsenal nucléaire ». Le plan pluriannuel, dont le coût est prévu à environ 1 000 milliards de dollars, prévoit la construction de 12 nouveaux sous-marins d’attaque (chacun pouvant lancer, avec 24 missiles balistiques, jusqu’à 200 têtes nucléaires sur autant d’objectifs), 100 autres bombardiers stratégiques (avec chacun environ 20 missiles ou bombes nucléaires) et 400 missiles balistiques intercontinentaux avec de puissantes têtes nucléaires. Dans ce plan entre aussi l’amélioration des 70-90 bombes nucléaires USA stockées en Italie, ignorées par la haute-représentante de l’Union européenne, Federica Mogherini, qui, pendant qu’elle fait les louanges de l’accord sur le nucléaire iranien, tait le fait que l’Italie, en hébergeant des armes nucléaires que des pilotes italiens aussi sont entraînés à utiliser, viole le Traité de non-prolifération.
Ainsi sont rendus vains les pas limités sur la voie du désarmement établis par le nouveau traité Start, signé à Prague par les États-Unis et la Russie en 2010. La Chine comme la Russie sont en train de potentialiser leurs forces nucléaires, y compris pour neutraliser le « bouclier anti-missiles » avec lequel les États-Unis veulent acquérir la capacité de lancer une première frappe nucléaire et ne pas être touchés par des représailles. Selon la Fédération des scientifiques américains (FAS), les USA gardent 1 920 têtes nucléaires stratégiques prêtes au lancement (sur un total de 7 300), face aux 1 600 russes (sur 8 000). Avec celles françaises et britanniques, les forces nucléaires de l’OTAN disposent d’environ 8 000 têtes nucléaires, dont 2 370 prêtes au lancement. En ajoutant les chinoises, pakistanaises, indiennes, israéliennes et nord-coréennes, le nombre total des têtes nucléaires est estimé à 16 300, dont 4 350 prêtes au lancement. Et la course aux armements nucléaires se poursuit avec la modernisation continue des arsenaux. De ce fait l’aiguille de l’ « Horloge de l’apocalypse », le pointeur symbolique qui sur le Bulletin of the Atomic Scientists indique à combien de minutes nous sommes du minuit de la guerre nucléaire, a été déplacé de moins 5 en 2012 à moins 3 en 2015, au même niveau qu’en 1984 en plein Guerre froide [3].
Le risque est particulièrement haut qu’un jour puissent être utilisées des armes nucléaires au Moyen-Orient, où le seul pays qui les possède est Israël qui, à la différence de l’Iran, n’adhère pas au Traité de non-prolifération. Selon les estimations, les forces armées israéliennes possèdent 100 à 400 têtes nucléaires, y compris des bombes H, avec une puissance équivalente à presque 4 000 bombes d’Hiroshima. Les vecteurs comprennent plus de 300 chasseurs étasuniens F-16 et F-15, armés aussi de missiles israélo-étasuniens Popeye à tête nucléaire, et environ 50 missiles balistiques Jericho II sur rampes de lancement mobiles. Israël possède en outre 4 sous-marins Dolphin, modifiés pour l’attaque nucléaire, fournis par l’Allemagne, qui en septembre dernier a remis le quatrième des six prévus.
Tandis qu’il oriente les projecteurs sur l’Iran, qui ne possède pas d’armes nucléaires et dont le programme nucléaire civil est vérifiable, l’appareil politico-médiatique laisse dans l’ombre le fait qu’Israël possède un puissant arsenal nucléaire, hors de tout contrôle, et que les États-Unis ont signé des accords pour la fourniture à l’Arabie Saoudite, au Bahreïn et aux Émirats arabes de technologies nucléaires et de matériau fissile avec quoi ils peuvent se doter, dans l’avenir, d’armes nucléaires. L’Arabie Saoudite a officiellement déclaré[[http://www.independent.co.uk/news/world/politics/iran-nuclear-talks-prospect-of-deal-with-iran-pushes-saudi-arabia-and-israel-into-an-unlikely-alliance-10145019.html qu’elle n’exclut pas de construire ou acheter des armes nucléaires, avec l’aide du Pakistan dont elle finance 60 % du programme nucléaire militaire.
En toute légalité : le Pakistan n’adhère pas au TNP et peut donc faire ce qu’il veut de ses bombes nucléaires, en les fournissant en sous-main à la monarchie saoudite.