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Meurtres et pouvoir mafieux inquiètent les Serbes dans un Kosovo divisé

Dix ans après l’indépendance du Kosovo, l’assassinat d’un politicien constitue « un signal d’alarme », d’après l’UE.

 

La police surveille aujourd’hui le bureau d’Oliver Ivanovic, devant lequel se trouve un petit autel de fleurs et de bougies marquant l’endroit où le politicien serbe du Kosovo a été abattu en janvier dans la ville de Mitrovica.

Quand ils sont arrivés sur les lieux le 16 janvier, les policiers n’ont pas pu sauver ce défenseur de la coopération et de la tolérance au Kosovo, dont la mort révèle de profondes divisions dans un pays sur le point de célébrer une décennie d’indépendance.

Les six balles qui ont tué Ivanovic ont un impact bien au-delà de Mitrovica, poussant les autorités serbes à interrompre la reprise des pourparlers à Bruxelles avec leurs homologues kosovars et alimentant de nouvelles récriminations entre Belgrade et un pays majoritairement albanais qui a rompu avec le pouvoir serbe suite à la guerre de 1998-1999.

Cependant, pour la population majoritairement serbe vivant dans le nord du Kosovo, l’espoir de voir la Serbie et le Kosovo rejoindre l’UE est largement dépassé par la crainte grandissante que la loi et l’ordre dans leur région pauvre et isolée soient usurpés par la mafia.

« Ils contrôlent tout », déclare Dragisa Milovic, médecin à l’hôpital principal de Mitrovica et ancien allié d’Ivanovic. Il cite un ex-député serbe du Kosovo qui a décrit les gangs criminels dans le nord comme ayant « droit de vie ou de mort. » Il ajoute :

« Ils décident de qui peut être maire, qui peut diriger les entreprises serbes locales, qui peut y être employé. Ils contrôlent les flux d’argent et ont une partie de la police entre leurs mains. Oliver en parlait à tout le monde. »

Milovic, qui était à l’hôpital le matin où Ivanovic a été pris en charge, précise qu’aucune opération n’aurait pu le sauver. Les six balles étaient groupées dans une zone très restreinte de la poitrine, preuve d’une exécution menée par un professionnel.

Les enquêteurs, qui n’ont pas révélé s’ils avaient des suspects, pensent que le tueur a tiré sur Ivanovic (64 ans) et s’est enfui à bord d’une voiture retrouvée incendiée à plusieurs kilomètres de Mitrovica.

Alors que l’UE et les États-Unis appellent au calme, les politiciens nationalistes et les médias au Kosovo et en Serbie s’accusent mutuellement du meurtre, et Belgrade critique le gouvernement de Pristina après son rejet d’une enquête conjointe.

Dix ans après la déclaration d’indépendance du Kosovo – reconnue par 115 pays, mais pas par la Serbie, la Russie, la Chine et cinq États membres de l’UE –, Belgrade finance toujours d’importants services dans le nord du Kosovo et domine la scène politique.

La Liste Serbe, principale force politique de la région, entretient des liens étroits avec le parti au pouvoir en Serbie et son président, Aleksandar Vucic, qui soutient les pourparlers avec le Kosovo tout en refusant de reconnaître la souveraineté de l’État kosovar et ses 1 800 000 habitants.

Malgré les accusations de crimes de guerre dont il faisait l’objet (qui, selon lui, avaient des motifs politiques), Ivanovic était un modéré qui exhortait les Serbes à défendre leurs intérêts en participant aux élections et aux institutions du Kosovo. Cette position ainsi que sa critique de la corruption le mettait souvent en porte-à-faux avec la Liste Serbe, et les médias pro-Vucic en Serbie le taxaient de « traître. »

« Je n’étais pas toujours d’accord avec Oliver, mais nous ne sommes pas obligés de tous penser comme la Liste Serbe, nous ne sommes pas en Corée du Nord », a déclaré Milovic depuis son bureau de l’hôpital de Mitrovica. Il considère que la Liste Serbe est un parti créé et contrôlé à distance par Belgrade, qui n’accepterait aucune divergence d’opinion.

Après avoir boycotté les précédents scrutins au Kosovo, Milovic a choisi de se présenter aux côtés d’Ivanovic aux élections locales d’octobre dernier :

« Je voulais montrer que nous n’avions pas peur et que nous pouvions vraiment changer les choses sur place, même si nous devions le faire à travers des élections organisées par Pristina. Belgrade a eu des années pour changer les choses ici mais n’a rien fait. »

Milovic, qui a fait l’objet d’intimidations (sa voiture a été incendiée et sa fille a reçu des menaces) pour l’empêcher de se présenter, observe qu’aucun des meurtres politiques n’a été résolu. Selon lui, les intérêts du crime organisé et de la Liste Serbe dans le nord du Kosovo « coïncident ».

Igor Simic, un député de la Liste Serbe, déclare quant à lui :

« Ce genre d’accusations émane d’Albanais qui veulent appuyer l’idée que seuls Pristina et les autorités du Kosovo peuvent imposer la loi dans le nord et qu’il est dans l’intérêt de certaines personnes de présenter cette région comme invivable. En tant que citoyen responsable, je dénoncerais ceux qui font partie de la mafia, si seulement je savais de qui il s’agit. »

De nombreux Serbes ont le sentiment d’être poussés à quitter le Kosovo, mais l’UE impose au Kosovo d’intégrer ses minorités et de renforcer la loi et l’ordre s’il veut rejoindre le bloc.

Nataliya Apostolova, représentante spéciale de l’UE pour le Kosovo, a qualifié le meurtre d’Ivanovic de « signal d’alarme » et a déclaré :

« Ce qui s’est passé est vraiment très emblématique de la situation dans le nord, où malheureusement la règle du droit n’est toujours pas une réalité. »

Dans le petit bureau où elle a travaillé pendant 12 ans avec Ivanovic, Silvana Arsovic reste marquée par le souvenir de ce matin de janvier, quand elle a entendu un bruit de pétard éclater dans la rue et s’est précipitée dehors pour trouver Ivanovic gisant sur le trottoir.

Assis à côté d’elle, l’allié politique d’Ivanovic, Dusan Milunovic, est en colère :

« Nous ne faisons confiance à personne. » Il ajoute : « Absolument tout peut arriver ici. Un groupe criminel intimide non seulement les citoyens mais aussi la police, et il leur dit qui arrêter. »
« Quand a eu besoin d’eux, ils étaient introuvables », déclare Milunovic à propos de la patrouille de police stationnée à l’extérieur.
« Les gens ici sont complètement perdus après ce qu’il s’est passé. Même ceux qui ne connaissaient pas Ivanovic ne pensaient pas que cela puisse arriver. »

Article traduit de l’anglais par le Pôle Traductions d’E&R

Sur le soutien d’un État terroriste par l’Empire,
lire chez Kontre Kulture :

 

La réalité du Kosovo, sur E&R :

 






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