Des données scientifiques viennent contrarier les alarmistes et catastrophistes à l’origine de la conférence sur le changement climatique : le réchauffement attendra.
Il y a de quoi être décontenancé. En à peine quelques jours, les journaux ont relayé des informations semblant totalement contradictoires. La calotte glaciaire de l’Antarctique pourrait bien avoir commencé à perdre de sa stabilité. Ce serait en quelque sorte le début de la fin pour cet inlandsis, avec à terme une forte élévation du niveau des océans. Puis, patatras !, une nouvelle étude sort, qui montre que depuis (au moins) près de 25 ans, les gains ont été supérieurs aux pertes, si bien que l’inlandsis a gagné en masse. Au point qu’il convient maintenant de se demander d’où provient une partie de la hausse du niveau des océans constatée durant cette période et qui était attribuée à la fonte supposée de l’Antarctique. Heureusement, un avenir sombre et certain permet de réconcilier tout le monde : si cela ne fond pas tout de suite, c’est que ça fondra plus tard.
Il en va de la course au catastrophisme comme de toutes les autres compétitions, surtout en période de forts enjeux (COP21) : il y a des faux départs. Fin septembre, Atlantico, décidément abonné aux approximations les plus abouties, titre : « La fonte des glaces s’accélère en Antarctique : la calotte glaciaire est plus fragile que jamais ». En guise d’Antarctique, il s’agit du pôle Nord. Et il n’est pas question, en réalité, de calotte glaciaire, constituée de glaciers continentaux, mais de banquise, ou glaces de mer. Le « journaliste » relaie l’information publiée par EarthObservatory, un site de la NASA présentant quotidiennement des images. Ce jour-là était présenté celui du minimum annuel d’extension de la banquise, survenu le 11 septembre.
Cette image montre le minimum d’extension de la banquise cette année, ainsi que l’extension médiane calculée sur la période 1981-2010 (trait bistre). La différence entre celle-ci et celle-là est d’environ 1,8 million de km2, selon les données du National Sea and Ice Data Center, organisme américain fournissant des données sur les glaces de mer, un parmi de nombreux autres dans le monde. Le NSIDC est dirigé par Mark Serreze, un alarmiste qui, après l’importante baisse de l’été 2007, avait prévu, en février 2008, que l’océan arctique pourrait bien être libre de glace dès l’été de la même année. Il n’en a bien sûr rien été et l’on attend toujours la disparition estivale des glaces de mer. Un autre chercheur, britannique, l’avait annoncée pour 2013. Serreze, prudent, la voit dorénavant en 2030.
Dans le cadre de la COP21 à venir, la communication se veut bien sûr alarmiste. D’où cette tempête dans un verre d’eau. La banquise durant l’été n’a en réalité pas connu de recul important par rapport à ces dernières années. Certes, son extension estivale est beaucoup moins importante que dans les années 1980 (alors que nous sortions d’une période de refroidissement), mais elle se maintient plutôt depuis quelques années à ce relativement bas niveau.
- Évolution des anomalies (écarts à la moyenne) d’extension de la banquise arctique depuis 1979, en millions de kilomètres carrés
D’aucuns, peut-être optimistes, croient même voir l’amorce d’un rebond et donc la reprise d’un englacement plus important les prochaines années. Il faut dire que ce que l’on croit savoir du volume global de la banquise et de son épaisseur moyenne, tous deux à la hausse, sont des signes allant plutôt dans ce sens.
Depuis septembre, l’englacement a très correctement repris, avec un total s’étant rapproché de la moyenne :
Le Groenland n’a pas été épargné par la presse. Une fonte estivale plus intense que d’accoutumée a conduit certains à pousser des cris d’orfraie. Sans doute ce qui les a empêchés de préciser que ce phénomène estival habituel a, cette année, commencé avec beaucoup de retard et pris fin avec beaucoup d’avance. Par ailleurs, le bilan de la masse accumulée l’année passée (01/09/2014 – 31/08/2015) est assez proche de la moyenne 1990-2013 et tout à fait positif, puisqu’il a été de 210 milliards de tonnes. Quant à la saison 2015-2016, commencée début septembre, elle est nettement au-dessus.
- Bilan de la masse accumulée en surface au Groenland en milliards de tonnes, par saison (1er septembre – 31 août) En gris foncé, la moyenne de la période 1990-2013. En bleu, la saison actuelle 2015-2016
- Cartes des bilans de masse en surface au Groenland, pour la dernière saison, du 1er septembre 2014 au 31 août 2015 (à gauche), et du 1er septembre 2015 au 19 novembre 2015 (à droite)
Mais peu importe pour la bonne tenue de l’alarmisme, car un article récemment paru dans Science et relayé par Le Monde, va dans le bon sens : un glacier du nord-est groenlandais aurait beaucoup reculé depuis l’automne 2012. La vitesse d’écoulement de la glace aurait considérablement augmenté, et peu importe si cela est dû à une plus forte accumulation de glaces à l’amont. L’idée serait plutôt de faire naître dans l’esprit du lecteur l’image de la planche à savon, celle d’une évacuation accrue et forcément fatale du glacier vers la mer. À coup de conditionnel et de modélisation informatique, les auteurs nous préviennent que si ce glacier devait se disloquer et disparaître, il ferait à lui seul monter le niveau des océans de 45 centimètres. Plus grave encore : l’un de ses voisins connaît lui aussi un recul important bien que moins rapide. À eux deux, c’est d’un mètre que la mer monterait. Inutile de dire, ce qui est pourtant bien souligné par le journaliste, que cela est bien au-delà de la prévision du GIEC.
La vertigineuse profondeur historique de cette étude en rappelle une autre, due au très alarmiste Stefan Rahmstorf, du Potsdam Institut für Klimafolgenforschung (Allemagne). Se basant sur des données de fonte importante au Groenland en 2004-2005, il avait anticipé une élévation du niveau des océans de 1,4 mètre par siècle, trois fois la valeur retenue peu après par le GIEC en 2007. Il avait alors vigoureusement contesté le travail de ce dernier, jugé beaucoup trop optimiste. Dès 2006, les conditions de fonte était néanmoins revenues à la normale, invalidant ainsi ses résultats catastrophistes...
C’est à deux autres scientifiques du centre de recherche de Potsdam que l’on doit l’étude (Note 1) alarmiste pré-COP21 concernant l’Antarctique. Mettant en avant une pseudo retenue devant conduire à penser qu’ils n’exagèrent pas et sont donc sérieux, les auteurs préviennent que l’on ne peut, à ce stade, dire si le réchauffement anthropique est le responsable. Et d’ajouter, tout de même, qu’il accroîtra les risques. Finalement, c’est encore pire !
De quoi s’agit-il ? L’ouest de l’Antarctique est, avec la péninsule, la « petite » partie du continent ayant enregistré une légère élévation de ses températures polaires. C’est donc vers cette région que se tournent les prêcheurs d’apocalypse. Les auteurs de l’article expliquent que les grands glaciers de l’Antarctique occidental pourraient connaître un effondrement à terme. Pour cela, il suffirait de faire sauter un verrou en déstabilisant les plus petits glaciers côtiers. En résumé, les grands s’appuient sur les petits ; enlevez les petits et les grands tomberont. Cela prendrait du temps, des centaines d’années. Mais il y a tout lieu de craindre que le processus a « déjà probablement commencé ». Au final, c’est une hausse du niveau des mers de 3 mètres qu’il faudrait redouter.
Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, une étude (Note 2) de la NASA, publiée dans le Journal of Glaciology, fait le point sur les gains et pertes de masse en Antarctique. Non pas que ces chercheurs du Goddard Space and Flight Center apportent de l’eau au moulin des catastrophistes. Au contraire. La mauvaise nouvelle serait plutôt justement pour eux. La calotte glaciaire du continent antarctique, malgré des différences géographiques parfois marquées, aurait gagné en moyenne 112 milliards de tonnes par an entre 1992 et 2001, puis encore 82 milliards de tonnes par an entre 2002 et 2011.
- Cartes des bilans de masse en Antarctique entre 1992 et 2001 (haut) et entre 2002 et 2008 (bas) L’échelle colorée indique les pertes (gris et couleurs froides) et gains (couleurs chaudes) en milliards de tonnes par an
Non seulement, pris dans son ensemble, l’Antarctique n’a pas fondu, mais de plus, puisque l’on croyait que c’était le cas, sa contribution à la hausse du niveau des mers, estimée à 0,23 mm/an, doit être réattribuée. La mesure de cette élévation des océans n’étant pas remise en cause, il convient donc de s’interroger sur une possible sous-estimation de la fonte... en Arctique. Atlantico fait d’ailleurs remarquer la faible extension de la banquise du pôle Nord, comme si la fonte d’un glaçon plongé dans un verre d’eau en faisait varier le niveau. L’auteur de cet article croit même savoir que le réchauffement climatique fait reculer la banquise antarctique, lors même que, ces dernières années, celle-ci a souvent battu des records (voir plus bas). Heureusement, il est possible de remarquer que l’accumulation de masse en Antarctique ralentit. On peut donc anticiper le moment où les gains ne seront plus en mesure d’équilibrer les pertes. Là est quand même l’essentiel : être en capacité d’annoncer le pire, même quand les données en notre possession disent le contraire.
Ces informations contradictoires sont révélatrices de la schizophrénie dans laquelle se sont eux-mêmes plongés certains scientifiques en cherchant à répondre favorablement à deux injonctions paradoxales. Stephen Schneider, aujourd’hui décédé, spécialiste des « changements globaux » à l’université de Stanford (Californie) et consultant pour diverses agences fédérales et la Maison-Blanche sous toutes les présidences de Richard Nixon à Barack Obama, a clairement exposé, en 1989, le dilemme auquel tout scientifique devrait selon lui se confronter :
« D’un côté, en tant que scientifiques, nous sommes éthiquement tenus à la méthode scientifique, en promettant en effet de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité – ce qui signifie que nous devons inclure les doutes, les mises en garde, les « si », les « et », les « mais ». D’un autre côté, nous ne sommes pas seulement des scientifiques, mais également des êtres humains. Et comme la plupart des gens, nous aimerions que le monde soit meilleur, ce qui se traduit dans notre travail par réduire les risques d’un changement climatique potentiellement catastrophique. Pour ce faire, nous avons besoin de soutiens importants, de captiver l’imagination du public. Cela implique bien sûr une vaste couverture médiatique. Nous devons donc proposer des scénarios effrayants, faire des déclarations simples et dramatiques, et omettre le moindre doute que nous pourrions avoir. Cette « double contrainte éthique », nous y sommes fréquemment confrontés sans pouvoir la résoudre par quelque formule. Chacun de nous doit décider quel est le juste équilibre entre être efficace et être honnête. J’espère que cela signifie être les deux. »
Schneider termine par un vœux pieux. Lui avait clairement choisi l’efficacité et, après avoir alerté au sujet du refroidissement d’après-guerre, prétendument dû aux activités humaines, a ensuite fait de même avec le réchauffement, évidemment anthropique. Il n’est pas le seul à avoir fait un tel choix, conscient ou non. D’où des études aux conclusions contradictoires. Celle de la NASA a été relayée par quelques médias, mais, bien souvent, ces controverses n’ont pas lieu au grand jour. L’extrait ci-dessous, tiré du chapitre 5 de Climat, mensonges et propagande, expose un certain nombre de ces informations contradictoires qui, dans un passé récent, ont été particulièrement nombreuses concernant l’Antarctique, en dépit du soi-disant consensus sur tout ce qui touche au réchauffement climatique anthropique.
Note 1 : Feldmann J et Levermann A. (2015) : « Collapse of the West Antarctic Ice Sheet after local Destabilization of the Amundsen Basin », Proceedings of the National Academy of Sciences, doi:10.1073/pnas.1512482112
Note 2 : Zwally H. J., Li J., Robbins J. W., Saba J. L., Yi D. et Brenner A. C. (2015) : « Mass gains of the Antarctic ice sheet exceed losses », Journal of Glaciology, 61, 230 : 1019-1036
Extrait du chapitre 5 de Climat, mensonges et propagande,
publié en décembre 2010
POLÉMIQUE SUR L’ÉVOLUTION RÉCENTE DES TEMPÉRATURES ANTARCTIQUES
Le continent antarctique, par son extrême isolement et son climat excessivement rigoureux, est exploré depuis bien moins longtemps que l’Arctique. C’est à l’occasion de l’année géophysique internationale, en 1957-1958, que la recherche scientifique a pleinement investi ce vaste continent englacé. Les mesures sur le climat actuel sont donc récentes et nécessairement très dispersées et assez peu nombreuses, sur une surface représentant 25 fois celle de la France. Les archives glaciaires, qui permettent des reconstitutions de la température, sont peu utiles pour les températures récentes. De leur côté, les satellites permettent une couverture spatiale exhaustive, mais avec un recul temporel assez faible, d’une trentaine d’années. Il y a encore peu, l’évolution thermique de l’Antarctique était considérée comme étant à la baisse sur l’essentiel de sa superficie. En 2000, Josefino Comiso, de la NASA, conclut que le continent pris dans son ensemble montre un léger refroidissement (1). Comme le fait remarquer l’étude d’une équipe de 13 scientifiques américains (2) montrant elle aussi le refroidissement de l’Antarctique entre 1966 et 2000, c’est un réchauffement qui est attendu pour les plus hautes latitudes, de plus grande ampleur que pour le reste de la planète, en opposition totale avec les faits observés sur le terrain. Plus récemment, en 2005, des chercheurs ont confirmé cette tendance au léger refroidissement, et précisé qu’il s’était intensifié (3). Voici comment était illustré en 2006 le comportement thermique de l’Antarctique entre 1982 et 2004 sur le site de la NASA (4) :
En bleu, les régions qui se refroidissent, en rouge celles se réchauffant, l’intensité de la variation étant d’autant plus forte que la couleur est foncée. Comme on le voit, la tendance est au refroidissement sur l’essentiel du continent, à l’exception de la péninsule antarctique, qui n’en représente que 2 %, comme l’avaient souligné parmi d’autres David Thomson et Susan Solomon en 2002 (5).
Ce refroidissement du continent austral, en opposition avec l’amplification polaire, était en quelque sorte le point noir de la théorie du réchauffement global, largement mis en avant par les climato-sceptiques afin de montrer la faiblesse de la théorie dominante. Les blogs scientifiques constituent une part importante du débat, qui n’est pas cantonné aux articles de revues scientifiques, et donc ainsi ouvert au plus grand nombre. L’un d’entre eux, Realclimate.org, a été créé par des scientifiques du climat pour défendre la crosse de hockey de Michael Mann, attaquée par McIntyre et son blog Climateaudit.org. Dans ce qu’il faut bien appeler une guerre d’influence, Realclimate ne pouvait se taire sur l’Antarctique. C’est ainsi qu’Eric Steig et Gavin Schmidt (6), collègue de James Hansen, mettent en balance le comportement de la grande majorité du continent et les 2 % de la péninsule : « La péninsule antarctique [...] s’est réchauffée substantiellement. D’un autre côté, les quelques stations sur le continent et à l’intérieur semblent s’être légèrement refroidies ». Il est vrai que la péninsule s’est beaucoup réchauffée, mais ces auteurs ont tout de même l’art de renverser les proportions. Ils poursuivent : « Au premier coup d’œil, cela semble contradictoire avec l’idée de réchauffement “global”, mais on a besoin d’être prudent avant de sauter sur cette conclusion. Une augmentation de la température moyenne globale n’implique pas un réchauffement universel. Les effets dynamiques (changements dans la circulation des vents et des océans) peuvent avoir un impact aussi large, localement, que le forçage radiatif des gaz à effet de serre ». Les 14 000 000 km2 du continent amputés des 2 % de la péninsule sont identifiés à du « local ». Plus tard, c’est l’historien des sciences Spencer Weart qui précise (7) : « Est-ce en contradiction avec les calculs aboutissant au réchauffement du globe par les gaz à effet de serre ? Absolument pas, parce qu’un continent antarctique froid est précisément ce que les calculs prédisent... et ont prédit pour le dernier quart de siècle ». Ce qui n’est rien d’autre qu’un mensonge éhonté, un réchauffement et des précipitations accrues étant prévues par la plupart de ces calculs (8).
Ainsi, pas de panique chez les partisans du réchauffement anthropique : l’Antarctique est un monde à part, son refroidissement expliqué et même anticipé. Pourtant, un an et demi après publication de la première carte d’évolution thermique sur le site de la NASA par J. Comiso, celui-ci fait une mise à jour avec des données corrigées, qui racontent une tout autre histoire (9). La période est quelque peu étendue, de 1981 à 2007. Si certaines zones montrent encore une très légère tendance au refroidissement, la tendance générale s’est inversée, l’Antarctique désormais se réchauffe, et n’apparaît plus comme une singularité.
Ce changement est pour le moins surprenant. Alors que toutes les études scientifiques indiquaient jusqu’alors une tendance à la baisse, Comiso renverse celle-ci et aligne l’Antarctique sur le discours officiel. Comiso utilise curieusement, pour cette analyse comme pour la précédente, des mesures par satellite quelque peu délaissées, celles du flux infrarouge. L’ennui, c’est que la mesure de la température des basses couches de l’atmosphère est alors biaisée par l’émissivité infrarouge de la neige sous-jacente, qui dépend beaucoup de ses caractéristiques physiques. D’où une très grande source d’incertitude. Raison pour laquelle la mesure par micro-ondes est en général privilégiée. Cette manière de mesurer les températures terrestres a été développée par John Christy et Roy Spencer. Que montrent ces données pour l’Antarctique depuis que les satellites nous fournissent des mesures ? Aucun réchauffement, et même une très légère baisse, en accord avec les stations météo au sol.
Les promoteurs du réchauffement du continent blanc vont enfoncer le clou en publiant une étude montrant non seulement la hausse des températures, mais aussi son ancienneté, en remontant à 1957, l’année géophysique internationale, soit bien avant l’arrivée des satellites. J. Comiso, responsable des mesures satellitaires infrarouge, Eric Steig, qui expliquait que le refroidissement n’avait rien d’anormal, mais aussi le désormais célèbre Michael Mann et quelques autres publient début 2009 dans Nature un article (10) montrant l’inexorable augmentation des températures en Antarctique. Désormais, toute trace d’un éventuel refroidissement a disparu, le continent est tout entier dans un réchauffement inquiétant, particulièrement sa partie ouest, où le phénomène est bien marqué. Le site Realclimate, relayant cette nouvelle (qui n’en est pas vraiment une car tout cela était parfaitement prédit par la théorie), illustre le phénomène de manière éclatante (11).
Les réactions de scepticisme ont été plus rapides que pour la disparition de l’Optimum médiéval. Et de même que pour ce dernier, Steve McIntyre s’est penché sur les données, accessibles, et a découvert quelques bidouillages peu orthodoxes. Ainsi, l’une des stations dont les mesures ont été utilisées était restée enfouie sous la neige pendant quelques années, avant d’être de nouveau utilisée. Pour ce faire, il fallut reconstituer ses données biaisées par la couverture neigeuse isolante, en l’occurrence en les combinant avec celles d’une station plus ancienne située à plus basse altitude et plus près de la côte, ce qui eut pour effet de créer artificiellement un réchauffement important, là où les autres stations n’en montraient pas, ce qui pesa dans l’analyse. Il y a aussi le choix des mesures satellites par infrarouge plutôt que par micro-ondes. Mais au-delà, il y a tout simplement la manière de présenter ce qui est déjà connu, sous un autre jour. Il y eut, des années 1950 (peut-être avant) aux années 1970, un réchauffement marqué. Puis, à partir des années 1970, une légère tendance à la baisse. Trop peu marquée pour avoir jusqu’à présent pu effacer l’augmentation des températures du début de la période, mais réelle et qui dure depuis trente ans. Mais si on se contente de regarder le début et la fin, on conclut à la hausse (surtout si par ailleurs on fait ce qu’il faut pour l’accentuer).
FONTE OU PAS FONTE ?
Puisque, médiatiquement, l’ensemble de l’Antarctique se réchauffe alors qu’en réalité il n’y a guère que la péninsule qui voit ses températures augmenter et que l’immense majorité du continent se refroidit, il est logique que, tout aussi médiatiquement, il fonde. Et en effet, que d’annonces catastrophistes, surtout dans les médias, avec une mention particulière pour Radio-Canada (12) qui lance en 2008 un tonitruant « L’Antarctique se désintègre ». En 2006, Isabella Velicogna et John Wahr (13), utilisant les données du satellite GRACE lancé en 2002, concluaient en effet à la perte de masse, donc de glace, du continent : 152 km3 par an pour l’ensemble de l’Antarctique, concentrée dans sa partie ouest. Un peu plus tard la même année, une équipe de sept chercheurs a, quant à elle, obtenu des résultats sensiblement différents (14) : une perte annuelle de 107 km3/an pour l’ouest de l’Antarctique, mais un gain de 67 km3/an pour la partie est, soit à l’échelle du continent une perte annuelle de 40 km3. La différence est de taille. Cela équivaut à faire monter le niveau des océans de 0,11 mm/an, soit à peine plus d’un centimètre en un siècle. Les auteurs précisent par ailleurs que le recul temporel est insuffisant pour savoir si ce résultat est la marque de la seule variabilité interannuelle ou bien s’il s’agit d’une tendance de plus long terme. I. Velicogna, nettement moins prudente, signe un nouvel article (15) en 2009 dans lequel elle constate une accélération récente de la perte en glace, atteignant désormais, pour la période 2006-2009, 273 km3/an, bien plus que ses premiers résultats, pourtant déjà revus à la baisse par d’autres scientifiques. Mais il n’y a pas que le manque de recul qui doit amener à ne pas conclure prématurément. Lorsqu’un satellite est mis en orbite, ses mesures mettent de nombreux mois à être calibrées. Et même après cette période de validation, il arrive communément que des erreurs et des biais soient révélés. Ce qu’illustre bien un article (16) de 2010 pointant du doigt les incertitudes inhérentes aux données de GRACE. Ajoutons que conclure sur la base de ces données alors que leur marge d’erreur intrinsèque est du même ordre de grandeur que ce que l’on souhaite mesurer est plutôt risqué. Seule la multiplication des mesures, donc le temps, pourra permettre d’y voir plus clair. Ainsi que des instruments (encore) plus précis à l’avenir. Il existe par ailleurs des données satellitaires fiables de l’évolution annuelle de la fonte des glaces, recueillies depuis 1980. En 2009, alors que l’été austral avait pris fin, Marco Tedesco et Andrew Monaghan publiaient dans les Geophysical Research Letters (17), le résultat de 30 ans de mesures :
Comme on le voit, la tendance est à une légère baisse, la fonte étant de moins en moins importante. Ce qui est en parfaite cohérence avec la baisse constatée des températures. On remarquera qu’entre 2002 et 2006, période d’étude du premier article de Velicogna, il y avait fonte accrue, mais cela relève clairement des variations interannuelles, les mesures suivantes révélant des valeurs à la baisse, jusqu’à l’année 2009 qui enregistra le niveau de fonte le plus bas depuis le début des observations spatiales. Notons toutefois que diminution de la fonte et perte de volume ne sont pas nécessairement antinomiques : les glaciers, sous l’effet de leur propre poids s’écoulent lentement jusqu’à l’océan où ils se disloquent en icebergs. Ce vêlage peut être transitoirement accru suite à une augmentation antérieure de sa masse, alors même que le refroidissement actuel diminue la fonte. Nos connaissances sont bien trop lacunaires pour faire le jour sur cette question. Et il faudra attendre la suite des aventures du satellite GRACE, en espérant une réduction rapide des incertitudes planant au-dessus de ses résultats.
Autre phénomène en accord parfait avec la tendance au refroidissement : la superficie de la banquise antarctique tend à s’accroître avec le temps depuis le début des mesures satellite en 1979.
- Évolution des anomalies (écarts à la moyenne) d’extension de la banquise antarctique depuis1979, en millions de kilomètres carrés (ne figure pas dans le livre)
Les études (18) sur le sujet concordent : les glaces de mer du pôle Sud gagnent en superficie, tendance claire au milieu de la variabilité interannuelle. On est loin du discours catastrophiste véhiculé par les médias qui, finalement, n’évoquent jamais que la péninsule antarctique, sans jamais préciser qu’il ne s’agit que d’une petite partie du continent dont le comportement n’est en rien représentatif de ce dernier. Il est vrai que tout y est réuni pour faire du spectaculaire : les températures y ont rapidement augmenté, les glaciers y reculent, tous les signes d’un réchauffement évident. L’un des phénomènes qui a le plus fait couler d’encre est la dislocation de vastes plates-formes de glace s’avançant dans la mer au pied des énormes glaciers continentaux qui se prolongent ainsi dans l’océan. N’étant rien d’autre qu’un glacier plongeant dans la mer, une plate-forme est donc fondamentalement instable, le lien la rattachant au continent pouvant se briser sous la pression de la glace s’écoulant de l’amont, mais aussi des courants marins. Mais dans le contexte médiatique du dérèglement climatique, un tel phénomène naturel devient emblématique. Le réchauffement de cette petite partie du continent pourrait d’ailleurs avoir d’autres causes. La rapidité d’augmentation des températures suggère qu’un autre phénomène pourrait être à l’origine du retrait des glaces de la région (19). De fait, la péninsule est, sur le plan géologique, la continuation des Andes et, comme elles, abrite une activité volcanique, localisée essentiellement dans sa partie ouest, justement où l’on observe les changements les plus rapides.
Mais, une nouvelle fois, est-ce sans précédent ? La péninsule antarctique connaît-elle une évolution qui relèverait du jamais vu auparavant ? Une communication (20) faite à l’American Geophysical Union en 2006 nous apprend que l’analyse des carottages glaciaires réalisés dans la région montre des conditions plus chaudes qu’actuellement pour la mi-Holocène. Donc assurément un retrait des glaces concomitant. Précisément ce que viennent de révéler trois chercheurs américains (21). Quand glace et neige se retirent, la vie peut s’installer, même dans les difficiles conditions qui restent celles de la péninsule antarctique. Si le retrait actuel n’est pas sans précédent, il doit être possible de retrouver les restes d’organismes vivants comme des mousses et des coquillages afin de les dater. L’étude montre sans ambiguïté qu’à plusieurs reprises, l’extension de la glace a été similaire, voire en retrait, par rapport à celle que nous connaissons en ce moment, la dernière fois entre 980 à 1250 après Jésus-Christ...
1. Comiso J.C. (2000) : « Variability and trends in Antarctic surface temperatures from in situ and satellite infrared measurments », Journal of Climate, 13 : 1674-1696
2. Doran P.T., Priscu J.C., Lyons W.B., Walsh J.E., Fountain A.G., McKnight D.M., Moorhead D.L., Virginia R.A., Wall D.H., Clow G.D., Fristen C.H., McKay C.P., Parsons A.N. (2002) : « Antarctic climate cooling and terrestrial ecosystem response », Nature, 415, 6871 : 517-520
3. Turner J., Colwell S.R., Marshall G.J., Lachlan-Cope T.A., Carleton A.M., Jones P.D., Lagun V., Reid P.A., Lagovkina S. (2005) : « Antarctic climate change during the last 50 years », International Journal of Climatology, 25, 3 : 279-294
4. Voir les tendances de températures de l’Antarctique sur le site d’observation de la Terre de la NASA
5. Thomson D.W. et Solomon S. (2002) : « Interpretation of recent Southern Hemisphere climate change », Science, 296 : 895- 899
6. Réchauffement de l’Antarctique sur le site Realclimate.org
9. Images de l’Antarctique sur le site de la NASA
10. Steig E.J., Schneider D.P., Rutherford S.D., Mann M.E., Comiso J.C. et Shindell D.T. (2009) : « Warming of the Antarctic ice-sheet surface since the 1957 International Geophysical Year », Nature, 457 : 459-46
11. L’Antarctique, rouge ou bleu ?
12. L’Antarctique se désintègre... sur Radio Canada
13. Velicogna I. et Wahr J. (2006) : « Measurements of time- variable gravity show mass loss in Antarctica », Science, 311, 5768 : 1754-1756
14. Ramillien G., Lombard A., Cazenave A., Ivins E.R., Llubes M., Remy F. et Biancale R. (2006) : « Interannual variations of the mass balance of the Antarctica and Greenland ice sheets from GRACE », Global and Planetary Change, 53 : 198-208
15. Isabella Velicogna (2009) : « Increasing rates of ice mass loss from the Greenland and Antarctic ice sheets revealed by GRACE », Geophysical Research Letters, 36, doi:10.1029/ 2009GL040222
16. Quinn K.J. et Ponte R.M. (2010) : « Uncertainty in ocean mass trends from GRACE », Geophysical Journal International, 2, 181 : 762-768
17. Tedesco M. et Monaghan A.J. (2009) : « An updated Antarctic melt record through 2009 and its linkages to high-latitude and tropical climate variability », Geophysical Research Letters, 36, L18502, doi:10.1029/2009GL039186
18. - Yuan X. et Martinson D.G. (2000) : « Antarctic sea ice variability and its global connectivity », Journal of Climate, 20 : 5889-5911
Liu J., Curry J.A. et Martinson D.G. (2004) : « Interpretation of recent sea ice variability », Geophysical Research Letters, 107 : 42-49
Davis C.H. et Ferguson A.C. (2004) : « Elevation change of the Antarctic ice sheet, 1995- 2000, from ERS-2 satellite radar altimetry », IEEE Transactions on Geoscience and Remote Sensing, 42 : 2437-2445
Davis C.H., Li Y., MCConnell J.R., Frey M.M. et Hanna E. (2005) : « Snowfall-driven growth in Esat Antarctic ice sheet mitigates recent sea-level rise », Science, 308, 5730 : 1898-1901.
Vinnikov K.Y., Cavalieri D.J. et Parkinson C.L. (2006) : « A model assessment of satellite observed trends in polar sea ice extent », Geophysical Research Letters, 33, doi 10.1029/2005GL025282
19. Cook A.J., Fox A.J., Vaughan D.G. et Ferrigno J.G. (2005) : « Retreating glacier fronts on the Antarctic Peninsula over the past half-century », Science, 308 : 541-544
20. Patterson M., Leventer A., Drake A., Domack E., Buffen A., Ishman S., Szymcek P., Brachfeld S. et Backman E. (2005) : « Mid-Holocene warmth in the Antarctic Peninsula : evidence from the Vega drift », American Geophysical Union Fall Meeting, San Francisco, CA.
21. Hall B.L., Koffman T. et Denton G.H. (2010) : « Reduced ice extent on the western Antarctic Peninsula at 700-970 cal. Yr B.P. », Geology, 38, 7 : 635-638