Nous avons laissé le titre du Figaro, soufflé par France Télévisions, in extenso. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que la non venue de Marine Le Pen, qui a décommandé Des Paroles et des actes (DPDA) en dernière minute, a coûté globalement 400 000 euros à France 2.
C’est bien la première fois que la chaîne, et le groupe qui la contient, communiquent sur le budget d’une émission. Il aura fallu attendre la bagarre (Marine) Le Pen/Pujadas pour découvrir le prix de revient d’une émission politique de service public, tous frais confondus.
France Télévisions révèle donc le coût de DPDA pour incriminer le FN. C’est de bonne guerre, et en plus, l’information du public avance. En effet, le citoyen lambda qui se demande où passe son argent, ou plutôt sa redevance, n’a aucun moyen de savoir comment il est distribué à l’intérieur de l’audiovisuel public. Certes, on connaît les budgets globaux des chaînes (de télé) et des stations (de radio), mais quand il s’agit de descendre plus précisément dans les attributions aux sociétés de production extérieures, c’est l’opacité la plus totale. Et quand on demande le coût, par exemple, dé l’hebdomadaire Envoyé Spécial ou de DPDA, la rédaction rétorque que cela fait appel à trop de services pour pouvoir quantifier le coût moyen de telle émission. Ce qui n’est pas faux, puisque les émissions politiques de FT sont produites en interne, et avec les rédactions de FT. Mais, globalement, un Envoyé Spécial se monte à 250 000 euros. Les enquêtes longues, les tournages extérieurs, coûtent cher. Pour DPDA, on a donc la réponse : 400 000, étant inclus le coût du programme de substitution, en l’occurrence une série américaine.
Alors pourquoi le groupe FT ne pratique pas plus souvent la transparence en matière de coûts d’émissions, qu’elles soient produites en interne ou en externe ?
Parce que, nous a expliqué un journaliste de la rédaction, cela peut conduire à des critiques populistes ou démagogiques. En effet, le grand public a du mal à imaginer qu’il faille payer 20 000 euros en tant que producteur Laurent Ruquier par ONPC (dont l’émission est achetée près de 200 000 par FT), sans oublier son salaire officiel (autour de 20 000 euros mensuels), et autres rémunérations indirectes (droits d’auteur, droit de format). Pourtant, c’est la loi de la télé, de l’audience et de la pub. Ce n’est pas un crime, mais c’est mal perçu, surtout en période de crise. Les Français qui n’aiment pas le parti pris gauchiste ou mainstream de Ruquier s’en plaindront, les autres apprécieront ses jeux de mots et son art de la promotion, voilà tout.
On remarque une fois de plus que l’information n’est pas le point fort du groupe France Télévisions, qui ne communique qu’en cas d’énervement, ou de crise. La ventilation de son budget de 2,85 milliards d’euros (pour 10 000 employés) n’est pas accessible au citoyen, qui ne peut que supputer qui gagne quoi. L’audience du groupe baisse d’année en année, d’environ un point par an. Pourtant, FT demeure le premier producteur d’information (JT, magazines et documentaires) et de fiction en France.
Alors, où est le problème ?
Peut-être dans le choix politique du groupe, de ne pas prendre en compte TOUS les Français, ce qui est quand même inscrit dans sa charte. Car dans l’information de FT, il y a les bons et les mauvais Français, les bons et les mauvais pays, et les bonnes et les mauvaises politiques. Un jugement de valeur intangible dicté par le pouvoir réel (ou profond), mais qui coûte finalement très cher à la télé publique. Donc aux Français eux-mêmes.
Maintenant, le FN peut se permettre, lui qui a tant été dénigré et boycotté par les journalistes, de leur rendre la monnaie de leur pièce. Et puis le parti de Marine Le Pen n’a objectivement pas besoin de publicité : moins il se montre, plus il engrange. Et quand il n’est pas là, on ne parle que de lui. On dirait que les têtes pensantes du nouveau FN appliquent la formule d’Apple en matière de publicité : notre pub, ce sont les autres qui s’en chargent. Vu les événements qui surgissent en France aujourd’hui, entre afflux (volontaire) de migrants et chômage grandissant (malgré la « chute » annoncée le 26 octobre), le FN n’a pas à communiquer plus que ça : l’actu communique pour lui.
Marine Le Pen vient donc de réaliser d’une pierre deux coups : l’occupation de l’espace médiatique avec le statut de victime, sans coup férir en plateau.
La défection au pied levé de la présidente du Front national avait contraint la chaîne publique à annuler son émission de débat politique Des paroles et des actes la semaine dernière.
Le coup de sang de Marine Le Pen va coûter cher à France Télévisions. La semaine dernière, la présidente du Front national avait zappé à la dernière minute Des paroles et des actes, l’émission politique phare du service public. Ce n’est qu’en toute fin d’après-midi, vers 18 heures, que les équipes de France 2 avaient appris, jeudi 22 octobre, la nouvelle par un communiqué officiel du Front national. « Je ne me rendrai pas ce soir à cette mascarade qu’est devenue depuis quelques heures l’émission de Monsieur Pujadas », avait déclaré Marine le Pen. Diffusée à la suite du JT de 20 Heures, la séquence du présentateur resté seul au milieu d’un plateau déserté, a frappé les esprits. Mais au-delà du symbole, il y a un coût. Selon nos informations, la défection de la présidente du Front national va coûter 400.000 euros au service public. Une addition pour le moins salée…
Deniers publics
Et encore, les recettes publicitaires de France 2 n’ont pas été impactées, dans la mesure où les spots sont interdits après 20 heures sur France Télévisions. Même si Des paroles et des actes est produit en interne, par la rédaction du groupe audiovisuel public, le tournage, lui, s’effectue dans un studio à la Plaine Saint-Denis. Il a fallu également louer une partie du matériel technique pour équiper le plateau, lumières, régie, sonorisation, démontage… Sans oublier la somme déboursée pour pouvoir diffuser un programme de substitution, en l’occurrence trois épisodes de la série Rizzoli and Isles. Soit au total, une « ardoise » de 400.000 euros.