Marine Le Pen avait refusé en dernière minute d’aller sur le plateau de David Pujadas dans l’émission Des paroles et des actes le 22 octobre 2015. Ce jeudi 9 février 2017, elle y est retournée (battant le record d’audience de L’Émission politique avec 3,4 millions de téléspectateurs, devant Fillon et Hamon), et la presse a retrouvé ses vieux réflexes, comme Le Monde :
C’est un classique désormais dans le système audiovisuel français : la candidate du Front national a tenté de développer les points de son programme au milieu des invectives de la pince du système médiatico-politique incarnée par le duo Pujadas-Salamé d’un côté, et la courtisane agressive du président déchu François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem de l’autre. Des rôles écrits à l’avance.
Voir l’émission entière sur le site de France TV Info, et aussi la dernière partie avec Charline de France Inter, à partir de 2’11’40, qui pour une fois ne tombe pas dans l’antilepénisme primaire. La travailleuse étrangère belge pense-t-elle à son job en cas de victoire de Marine Le Pen le 7 mai ?
La seule surprise de cette petite embuscade bien organisée, c’est l’invité Patrick Buisson, venu accuser Marine Le pen d’être « l’héritière cachée de Jacques Chirac ». Fidèle à sa ligne des « 4 souverainetés » (ça rappelle étrangement les « 5 modernisations » de Deng), budgétaire, territoriale, monétaire et législative, elle a donné sa définition du patriotisme à l’ancien conseiller occulte de Nicolas Sarkozy :
« Tous ceux qui défendent le pouvoir supranational de l’Union européenne et privent les Français de maîtriser leur monnaie, leur territoire, ne me semblent pas donner les preuves de leur amour pour la France »
« Vous savez très bien que je veux l’Europe des nations et que dans le cadre de cette Europe des nations, je pense que la Russie à sa place. Donc vous voyez je ne veux pas une Europe recroquevillée, je veux une grande Europe précisément des nations libres et souveraines. Attention, pas une Union européenne remaniée »
Une Russie dans l’Union européenne, voilà une proposition très gaullienne. Un pas plus loin que la proposition de relations apaisées avec la Russie que prône Fillon. La presse mainstream, dans un bel ensemble, a relaté les points délicats de l’embuscade, quand la présidente du FN a été confrontée au tweet du directeur de communication de David Rachline, lui-même directeur de campagne de la candidate. Il s’agissait, à propos de Marine Le Pen et de François Hollande, de :
L’une est au chevet des boucliers de la nation. L’autre est au chevet des racailles.
François Hollande s’étant déplacé en personne pour soulager le jeune Théo, blessé lors d’une intervention policière musclée. L’affaire est en cours, mais la gauche semble tenir là son martyr.
Après ces petites attaques classiques, la candidate du FN a développé ses thèmes de prédilection, dont le contrôle de l’immigration et des frontières :
La politique de relance de @MLP_officiel : la maitrise des frontières pour ne pas "améliorer l'#économie de la Chine" #LEmissionPolitique pic.twitter.com/GzXxYANm4I
— L'Emission politique (@LEPolitique) 9 février 2017
La souveraineté économique, dans la droite ligne de Donald Trump, dont on sent déjà l’influence sur la campagne française :
.@MLP_officiel fera revenir la construction des voitures françaises en France sinon elles seront taxées en douane #LEmissionPolitique pic.twitter.com/3uFYilSdQ9
— L'Emission politique (@LEPolitique) 9 février 2017
Devant les questions angoissées des journalistes, Marine Le Pen est obligée d’affirmer qu’elle n’est « pas un monstre » :
"Mr Pujadas, je ne suis pas un monstre" @MLP_officiel #Migrants #LEmissionPolitique pic.twitter.com/XiWCgitaXt
— L'Emission politique (@LEPolitique) 9 février 2017
La nationalité française ne sera plus accordée aussi facilement :
"La #naturalisation par le mariage ne sera plus automatique" @MLP_officiel #Nationalité #Migrants #LEmissionPolitique pic.twitter.com/PAIMilsWOk
— L'Emission politique (@LEPolitique) 9 février 2017
Toujours dans ce domaine, Marine Le Pen compte inscrire la préférence nationale dans la Constitution. Il s’agit de donner la priorité de l’emploi (s’il y en a) aux Français en taxant les entreprises qui embauchent des étrangers, ce qui est le cas dans la restauration par exemple. Toujours dans la ligne du rétablissement de la souveraineté économique, elle souhaite faire « du patriotisme économique, en réservant une partie de la commande publique aux entreprises françaises ». Là encore – les journalistes de France 2 s’amuseront à compter 7 points de concordance entre la candidate française et le président américain –, une reprise du programme de Donald Trump sur la relocalisation des activités :
« J’expliquerai à ces entreprises que si elles ne viennent pas en France, elles seront frappées d’un droit de douane. Nous verrons pour le montant, pour M. Trump c’est 35 % et ça a fonctionné. Ce n’est pas l’économie qui décide, c’est la politique. »
Sur ce sujet, le journal Le Monde ne manque pas d’intercaler un lien sur « le risque Marine Le Pen » qui « obsède les marchés ». Par « marché », les journaiistes du Monde entendent-ils les intérêts de Xavier Niel et Matthieu Pigasse ?
En parlant de politique, il semble que la candidate du FN considère désormais plus Macron que Fillon comme adversaire principal. Quand Fillon avait gagné haut la main fin novembre 2016 la primaire de droite avec son programme très souveraniste, ou du moins de retour à la souveraineté et à l’indépendance, surtout en matière extérieure, le FN avait accusé le coup : en durcissant leur programme, Les républicains mordaient sur l’électorat patriote. Cependant, Marine Le Pen n’a pas pu s’empêcher d’envoyer une petite flèche au candidat de droite :
« Qui sont les clients de la société de conseil de François Fillon ? Il y a Axa, et cela pose problème. Quand je vois que Fillon a été payé par Axa, je me demande si quand la Sécurité sociale est modifiée dans son programme, ça n’est pas aussi la contrepartie des sommes qui lui ont été versées. [...] Il y a derrière tout cela une sale odeur de trafic d’influence peut-être, de conflit d’intérêts à tout le moins, des hommes politiques qui se servent de leurs mandats, de leurs responsabilités ministérielles pour avantager des petits copains ou alors qui se font remercier après les avoir aidés. »
De son côté, accusée d’avoir faire travailler ses assistants parlementaires du Parlement européen pour le compte du FN (c’est interdit), elle clame son innocence. Son assistante parlementaire principale dispose en effet d’un bureau au QG de campagne du Front national. La candidate refuse de restituer les 300 000 euros exigés par Bruxelles. Il est vrai que le FN s’oppose régulièrement à la plupart des initiatiives européennes...
Concrètement, en axant sa campagne sur le souverainisme à toutes les sauces, Marine Le Pen compte récupérer les anti-européistes chez Jean-Luc Mélenchon et les patriotes chez François Fillon. Un frontal avec Macron, le candidat de la Banque et du Média, se profile.