Actuellement, Pékin est en train de construire des polders et d’aménager des îlots jusque-là inhabités dans l’archipel des Spratleys, en mer de Chine méridionale. Selon le Pentagone, ses travaux, qui concernent 5 récifs différents, ont permis de gagner environ 800 hectares sur la mer, dont les trois quarts depuis le début de cette année.
Seulement, les eaux de l’archipel des Spratleys sont aussi revendiquées par les pays riverains, dont les Philippines, le Vietnam, Brunei, la Malaisie et Taïwan. Aussi, avec ces travaux en cours, ces derniers craignent un coup de force de la Chine, qui les placeraient devant le fait accompli. D’où, pour certains, un rapprochement militaire avec les États-Unis.
Car à Washington, on goûte peu la manière utilisée par la Chine. « De nombreuses infrastructures que les Chinois bâtissent sont sur des récifs immergés et ne donnent pas droit à des revendications territoriales », a ainsi estimé, le 27 mai, David Shear, le responsable en charge de l’Asie au Pentagone. « Il est difficile de voir comment le comportement chinois est conforme à la loi internationale », a-t-il ajouté.
En clair, l’aménagement de ces polders et îlots n’autorise pas de revendiquer leurs eaux territoriales environnantes, ni leur espace aérien. En outre, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ne s’applique que sur les îles naturelles. Aussi, quelques jours plus tôt, le Pentagone avait indiqué envisager l’envoi de navires de la VIIe flotte américaine à moins de 12 milles de ces récifs occupés par la Chine et/ou d’avions de patrouille maritime. Et cela afin de bien marquer le refus d’une quelconque souveraineté chinoise sur ces secteurs.
C’est ainsi qu’un P-8 Poseidon du Patrol Squadron 45 de l’US Navy, avec une équipe de journalistes de CNN à bord, a survolé le récif de Fiery Cross, dans la zone contestée. Et l’armée chinoise l’a sommé de quitter le secteur immédiatement, lors d’échanges radion tendus.
« Nous n’avons pas volé directement au-dessus » des constructions chinoises, a expliqué, plus tard, le colonel Warren, un porte-parole du Pentagone. « Malgré ces tensions, nous continuerons à opérer en mer de Chine méridionale pour garantir la liberté de navigation (…) en conformité avec les protocoles internationaux et les lois et coutumes établies », a-t-il ajouté.
À Pékin, le vol du P8 Poseidon n’a pas été, comme on peut s’en douter, très apprécié. « Les actions américaines constituent une menace pour les territoires maritimes chinois. Il y a une forte probabilité que cela déclenche des incidents, c’est hautement irresponsable et dangereux », a réagi Hong Lei, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « La Chine prendra les mesures adéquates et nécessaires pour se prémunir contre tout préjudice infligé à ses possessions maritimes », a-t-il prévenu.
« La Chine défend la liberté de navigation et de survol, mais cela ne signifie pas qu’un pays puisse délibérément pénétrer à sa guise dans les eaux territoriales ou l’espace aérien d’un autre pays », a encore ajouté M. Hong.
Là est tout le problème… Pékin revendique 90% de la superficie de la mer de Chine méridionale. Et litige ou pas avec les pays voisins, les autorités chinoises n’en ont cure. C’est dans ce contexte que le ministère chinois de la Défense vient de publier un nouveau livre blanc afin de fixer les objectifs en matière de capacités militaires.
« Il est nécessaire pour la Chine de développer une structure de force militaire maritime moderne correspondant à sa sécurité nationale et à ses intérêts de développement, de sauvegarder sa souveraineté nationale et ses droits et intérêts maritimes, de protéger la sécurité des lignes de communication maritimes et de ses intérêts à l’étranger et de participer à la coopération maritime internationale, afin de soutenir sa transformation en puissance maritime », explique le document, qui met l’accent sur le concept de « défense active ».
« La Marine de l’Armée populaire de Libération continuera d’organiser et d’effectuer des patrouilles régulières de préparation au combat et de maintenir une présence militaire dans les zones maritimes concernées », a, pour sa part, rapporté l’agence Xinhua.
Potentiellement riches en ressources pétrolières, gazières et halieutique, les eaux de l’archipel des Spratleys (ainsi que celles des îles Paracel) sont importante d’un point de vue stratégique étant donné qu’elles se situent au carrefour de routes maritimes essentielles pour le commerce mondial. Une étude Centre d’études supérieures de la marine française (CESM) estime qu’il s’agit d’un des « points chauds du monde », voire « une zone probable de conflit ».
Le 25 mai, le quotidien chinois Global Times, contrôlé par le Parti communiste chinois, est allé jusqu’à affirmer qu’une « guerre y était inévitable » entre la Chine et les États-Unis et que, par conséquent, l’APL devait s’y « se préparer minutieusement ».
Aux États-Unis, certains ne sont pas loin de penser la même chose. Ainsi, sur CNN, Michael Morell, un ancien directeur adjoint de la CIA, a estimé qu’il y avait « absolument » un risque de guerre. Évoquant l’affaire du P8 Poseidon, il a affirmé que, « quand vous avez ce genre de confrontation, il y a un risque réel, que quelque chose de mauvais finisse par se produire ». Et d’ajouter : « La guerre n’est pas dans leur [ndlr, les Chinois] intérêt. Elle n’est pas dans notre intérêt, mais dans l’absolu, il y a un risque ».
En attendant, cette situation alimente une course aux armements régionales. Selon un étude publiée ce 26 mai par IHS Janes, les dépenses militaires de 10 pays d’Asie du Sud-Est devraient s’élever à 55 milliards de dollars d’ici 2020 (contre 45 milliards actuellement) et 58 milliards serviront, dans les 5 ans, à acquérir de nouveaux équipements militaires, en particulier dans le domaine naval.