Alors que les outils sont attribués à la lignée humaine, la découverte d’outils vieux de 3,3 millions d’années, avant l’apparition du genre Homo, a fait l’effet d’une bombe en paléoanthropologie.
Tout a commencé le 9 juillet 2011, lorsque l’archéologue Sonia Harmand et son collègue Jason E. Lewis, respectivement Research Associate Professor et Research Assistant Professor au Turkana Basin Institute (TBI), se sont écartés par erreur de leur chemin alors qu’ils menaient une campagne de fouilles dans le nord du Kenya, sur la berge ouest du lac Turkana. En cherchant à retourner sur la route, ils ont examiné l’endroit où ils étaient, plus tard baptiser « Lomekwi 3 », pour y découvrir des outils taillés.
Alors que l’âge de ces outils était indéterminé, il aura fallu plusieurs années à une équipe internationale de 19 chercheurs pour dater ces outils.
Jusqu’à présent, il était admis que les outils étaient attribués aux membres du genre Homo, bien que certains scientifiques se posaient la question de savoir si les hominines, les fameux australopithèques comme Lucy notamment, ne possédaient pas déjà des outils. Encore fallait-il le prouver.
C’est en recourant à la méthode bien connue de la téphrostratigraphie, qui consiste à dater les couches sédimentaires entourant les objets, qu’il a été possible de déterminer que les outils retrouvés sur le site de Lomekwi 3 sont âgés de 3,3 millions d’années environ.
Cette datation signifie qu’il s’agit des outils les plus anciens découverts à ce jour, mais aussi qu’ils sont trop vieux pour être attribués à des représentants du genre Homo connus, en particulier de l’Homo habilis que l’on croyait être le premier à tailler des outils.
Cette découverte fait donc l’effet d’une bombe en paléoanthropologie en repoussant les débuts de l’industrie lithique d’au moins 700 000 ans dans le passé, bien avant l’apparition du genre Homo.
« Ces outils mettent en lumière une période inattendue et inconnue de l’histoire du comportement des hominines et ils peuvent nous apprendre beaucoup sur le développement cognitif de nos ancêtres que nous ne pouvions comprendre uniquement à partir de leurs fossiles », explique Sonia Harmand.
L’étude des outils de Lomekwi 3 et la reconstitution de l’environnement où les hominines les ont taillés révèlent que la région autour du site était plutôt boisée il y a 3,3 millions d’années. « Les hominines qui y vivaient ne devaient probablement pas se trouver dans la savane », suppose Jason Lewis.
Sonia Harmand ajoute que l’étude de la taille des outils fait apparaître l’utilisation de gestes qui rappellent ceux des chimpanzés qui utilisent des pierres pour ouvrir des fruits à coque, ce qui signifie qu’on est peut-être en présence d’une technologie en transition précédant celle utilisée par l’Homo habilis durant l’Oldowayen, il y a entre 2,6 et 1,7 million d’années environ.
Bien que rudimentaires par certains côtés, ils sont trop complexes pour être le produit de chocs au hasard et il doit donc exister des outils plus anciens encore estime Sonia Harmand.