Le think tank américain Stimson Center s’inquiète des risques que pose le stockage d’armes nucléaires dans la base d’Incirlik, en Turquie, à une centaine de kilomètres seulement de la frontière syrienne et quelques mois après une tentative de putsch.
« Il est impossible de savoir si les États-Unis auraient pu maintenir le contrôle sur les armes [de la base d’Incirlik] en cas de guerre civile prolongée en Turquie », s’inquiète le groupe de réflexion américain Stimson Center, dans un rapport publié le dimanche 14 août. Le constat est d’autant plus préoccupant que l’infrastructure militaire, située à 110 kilomètres de la Syrie, où sont notamment présentes les forces de Daech et de groupes islamistes, renferme une cinquantaine d’armes nucléaires américaines.
De manière globale, le think tank fait part de ses craintes quant au stockage par les États-Unis d’armes de destruction massive en dehors de son territoire – et souligne, par ailleurs, le coût élevé que cette option représente. « La présence à l’étranger [d’armes nucléaires] induit le risque qu’elles tombent dans les mains de forces hostiles, ou bien qu’elles deviennent la cibles d’attaques terroristes », détaille le rapport.
Car selon le Stimson Center, malgré toutes leurs précautions, les États-Unis ne peuvent garantir l’inviolabilité des bases militaires de leurs alliés dans lesquelles ils entreposent leur matériel. Le co-auteur du document, Laicie Heeley, précise ainsi à l’agence AFP « qu’il y a des garde-fous importants (...) mais ce ne sont que des dispositifs de protection, cela n’élimine pas le risque. Dans le cas d’un coup d’État [en Turquie], on ne peut pas dire avec certitude que nous aurions été capable de garder le contrôle [des armes nucléaires de la base d’Incirlik] ».
Une instabilité militaire qui remet en cause la fiabilité de la base d’Incirlik
La tentative de coup d’État d’une fraction de l’armée turque, dans la nuit du 15 juillet 2016, a renforcé les préoccupations américaines concernant la sécurité de leurs armements dans le pays. Selon une annonce du président turc Erdogan de fin juillet, en effet, 149 généraux et amiraux ont été limogés, après le putsch raté de la mi-juillet.
La base aérienne d’Incirlik elle-même, où l’arsenal nucléaire américain est stocké, a été impliquée dans cette tentative d’insurrection : son commandant, le général Bekir Ercan Van, ainsi qu’une dizaine d’officiers de l’installation militaire, ont été arrêtés par les autorités turques pour complicité dans la tentative de soulèvement.
La base en question, située dans le sud du pays, est utilisée par l’armée turque mais également par l’aviation américaine, dans le cadre de la coalition internationale contre l’État islamique menée par les États-Unis.
Refroidissement des relations turco-américaines
Aux doutes sur la sécurité des armes stockées à Incirlik s’ajoute une apparition de tensions entre Washington et son allié turc, depuis la tentative de putsch. Ankara reproche en effet aux États-Unis de tarder à extrader l’intellectuel et prédicateur religieux Fethullah Gülen, résidant en Amérique depuis 1999 et accusé par les autorités turques d’avoir orchestré la rébellion d’une partie de l’armée.
La semaine dernière, le président Erdogan a lancé un ultimatum aux États-Unis, déclarant que ceux-ci devraient « tôt ou tard faire un choix : soit la Turquie, soit la FETO » – selon le terme utilisé par le gouvernement turc pour désigner les partisans de Gülen.