Alors que le « Notre Père » a connu une récente évolution vite intégrée par les paroissiens, le professeur de théologie protestante Olivier Bauer plaide dans ce texte pour un changement plus important, vers une version plus inclusive débutant par « Notre Mère et Père qui êtes aux cieux… ».
La prière du Notre Père, inspirée par deux textes des Évangiles qui l’attribuent à Jésus, occupe une place particulière dans le christianisme. Elle est un des rares textes communs aux Églises chrétiennes. On savait qu’elle avait évolué sur la forme – on est passé d’un Dieu qu’on vouvoyait à un Dieu que l’on tutoie –, on a récemment découvert qu’il était possible de la faire évoluer sur le fond. Depuis l’année liturgique 2017-2018, les Églises chrétiennes francophones ont en effet remplacé la demande« ne nous soumets pas à la tentation » par la formule « ne nous laisse pas entrer en tentation », une manière d’innocenter Dieu.
Je ne reviens pas sur les raisons et les débats qui ont conduit à cette révision, j’en garde seulement ce constat : même les traditions qui semblent les plus immuables peuvent évoluer. C’est ce qui m’encourage à oser prier, en privé comme dans le culte, à voix basse pour ne pas perturber l’assemblée, une version plus inclusive de ce que j’appelle la prière du « Notre Mère et Père qui êtes aux cieux… ». Concrètement, je verbalise dans ma prière deux modifications.
La première modification concerne l’image de Dieu. Elle s’inscrit dans une histoire féministe et théologique déjà assez longue… qui tarde à s’imposer. Pourtant s’adresser à Dieu comme Mère et Père tout à la fois me semble aller de soi. (...)
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« Comme nous pardonnons aussi à celles et ceux qui nous ont offensé·es »
La seconde modification concerne l’offense et le pardon. Estimant qu’il est temps de traiter les femmes en adultes et de reconnaître explicitement qu’elles peuvent elles aussi nous offenser. Si théologiquement Dieu nous créa mâle et femelle tout à la fois, si anthropologiquement, la masculinité contient de la féminité et vice versa, grammaticalement, ce ne doit pas être le cas. On ne peut plus simplement affirmer « le masculin inclut le féminin ». Si les femmes peuvent offenser, alors il faut le dire.
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Dire « nous »
Dire « celles et ceux qui nous ont offensé·es » élargit les deux « nous ». Le « nous » de « Pardonne-nous » est un « nous » inclusif : ensemble, les femmes et les hommes ont besoin, ont envie que Dieu leur pardonne. Et le « nous » de « comme nous pardonnons » est un « nous » qui réclame indifféremment des femmes et des hommes la capacité de pardonner. La mesure du pardon reçu – peu importe le sexe ou le genre des personnes qui le reçoivent –, c’est le pardon donné – peu importe le sexe ou le genre des personnes qui pardonnent – à des personnes que nous jugeons offensantes, peu importe leur sexe ou leur genre.
Bien entendu, je doute que mes deux modifications soient un jour adoptées par les Églises chrétiennes francophones. Mais j’y tiens parce que je les crois conformes à l’Évangile de Jésus-Christ et parce que je pense qu’elles peuvent faire du bien.
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