Le canular de Jussie Smollett [1] et sa mise en pièces pourraient bien détourner le cours des accusations sans fondement.
Les fabricants d’hoax sont allés trop loin, Dieu sait qu’il est largement temps de corriger cela. Une simple liste concise de ces impostures serait trop longue à énumérer dans le cadre de cet essai, mais en voici quand même un échantillon des plus récentes. Elles ont suscité des haut-le-cœur officiels et l’indignation des médias, pour des raisons très légères, et nous sommes en droit d’attendre une révision à la baisse, sur le marché, à cause de l’énormité du stock surévalué.
Il y a déjà des gens improbables qui tentent de capitaliser la réaction attendue afin de la canaliser dans la direction de leur choix, dans un média inattendu. Mr Noah Rothman, chef de rédaction du magazine Commentary, a fustigé dans The New York Times la précipitation imprudente des médias qui ont gobé le canular. Allez, vous nous faites marcher, dites-vous ? Le New York Times est l’un des propagateurs en chef de semblables hoax. À la moindre histoire de personne appartenant à la diversité qui éprouve une souffrance, normalement le The New York Times saisit la balle au bond et joue le jeu à fond. Et quand la supercherie est éventée, cela figure dans le journal en page 46, tout en bas. Alors pourquoi est-ce que « ce soir c’est différent », comme demandent les juifs le soir de la Pâques ?
C’est que Mr Rothman est absolument contre les canulars commis par des personnes colorées ou gays, voilà pourquoi. Il en mentionne quelques-uns et ajoute sa récrimination perso :
« Il n’y a pas eu de paroxysmes comparables au plan national, dans un contexte de plus en plus violent visant la population juive de New York. Le vrai drame... c’est que les délits de haine sont de fait en hausse depuis que nous sommes entrés dans l’ère Trump, particulièrement ceux qui visent les juifs. »
Il ne parle pas là des impostures, il se fait du soucis à cause de ces Noirs qui suscitent des paroxysmes d’angoisse au détriment des juifs. Les Américains et les Européens devraient éprouver du chagrin pour les juifs et de la colère pour leurs adversaires, et chaque larme versée pour un noir est un gaspillage de larmes de bon aloi.
Parmi les impostures qu’il mentionne, il n’y en a pas une qui soit le fait d’un juif, alors même que les juifs sont le dessus du panier parmi les perpétrateurs d’impostures.
[...]
En France, les juifs ont grandement tiré parti de Smollet. Le scribouillard franco juif Alain Finkielkraut (nous l’appellerons f-Kraut pour faire court) s’est vu insulter par un porteur de keffieh qui marchait avec d’autres vaillants Gilets jaunes dans une rue parisienne. C’était un évènement mineur, le scribe n’a pas été roué de coups ni malmené le moins du monde, il a juste été traité de sale sioniste, pas de quoi fouetter un chat. Car c’est un sioniste, qui en douterait. D’autres personnes dans la rue ont même invité f-Kraut à se joindre à eux. Bref, un typique non évènement. Si je me mettais à écrire sur toutes les fois où je me suis fait traiter d’ennemi d’Israël ou d’ennemi « du peuple juif », je n’aurais plus le temps d’écrire sur rien d’autre. Mais la réaction en France a été comme pour un million de Smollets. « Quelques insultes adressées à un certain essayiste qualifié de philosophe par les médias, c’est bien plus sérieux que l’œil crevé d’un étudiant en philosophie de vingt ans qui n’avait absolument rien fait », comme l’a souligné, acerbe, notre ami Jean Bricmont (partenaire et co-auteur pour certains livres de la journaliste Diana Johnstone).
D’ailleurs, le même jour les sbires de Macron avaient arraché un œil à une jeune fille en gilet jaune et privé de son bras un autre manifestant ; des milliers d’entre eux avaient été attaqués au gaz dans ce qui est probablement le plus grand gazage en Europe depuis le 22 avril 1915 à Ypres. Mais les médias mainstream se sont emparés de l’affaire Finkielkraut pour en faire toute une nuit de cristal.
Ils ont crié sur les toits que le pauvre f-Kraut avait été traité de « sale juif », et quasiment lynché, ne devant son salut qu’à la police : autant de falsifications, même s’il y a eu des cas de journalistes pris à partie et bousculés dans les manifs, et d’autant moins que traiter quelqu’un de juif n’a rien d’insultant (et d’ailleurs ce n’avait même pas été le cas).
En parfaits Smollet, les médias et le président Macron se sont jetés sur les Gilets jaunes, les décrivant comme des antisémites et des nazis. Ainsi un non-évènement est devenu une énorme affaire, et le premier véritable mouvement populaire en France depuis 1968 se retrouve lourdement diffamé à présent. Profitant de l’occasion, Macron a explicitement mis sur un pied d’égalité l’antisionisme et l’antisémitisme, en tant que délits [2].
Qui plus est, quelques Smollets inconnus ont tagué des swastikas dans un cimetière juif, ce qu’ils appellent de leurs vœux chaque fois que les juifs veulent montrer qu’ils sont persécutés. Je n’ai guère de doutes là-dessus : ces swastikas sont le fait de gens à la solde de telle ou telle organisation juive, ou des hommes de Macron désireux d’amplifier le non évènement f-krautesque.
Ce sont des dizaines de milliers de Français crédules qui se sont rassemblés pour Finkie et contre l’antisémitisme. « Quel empressement autour de la classe politique pour aller manifester contre quelque chose qui n’existe guère », a fait remarquer un écrivain français. La classe politique française n’a pas cillé quand une église a été profanée [la cathédrale Notre-Dame, par des Femen] Mais pour un juif avec lequel quelqu’un dans la rue n’est pas d’accord, ils se tous mis en marche. Les médias ont publié des dénonciations de Gilets jaunes, et Macron a énormément capitalisé de soutiens politiques avec ça. En termes purement politiques, les retombées de l’affaire Finky sont du même tonneau que la campagne pour la destitution de Trump au moment où a été montée en épingle l’histoire malhonnête de Smollet.
Surtout n’oubliez pas, ce f-Kraut méritait tout à fait de se faire insulter. C’est un Norman Podhoretz francais (celui qui disait « Je déteste les Noirs »). En effet, il a pris la parole pour parler de « la haine des Noirs pour la France », et il a dit aussi qu’ à « Gaza, il y a trop d’enfants, qui n’ont pas leur place en ce monde » ; il s’est moqué des joueurs de foot français et noirs, parce que noirs ; c’est un ennemi des Palestiniens et des musulmans, et il ne se soucie guère du peuple français d’ailleurs. Il est célèbre pour son mot d’ordre : « ce qui est bon pour les juifs est bon pour la France », pour son appel à la ségrégation entre juifs et palestiniens. Il est ahurissant qu’un juif avec de telles convictions soit considéré « de gauche », et soit invité à la télé et sollicité pour des interviews dans les journaux, alors qu’il est plus raciste que des nationalistes français comme Le Pen ou Soral. Il a d’ailleurs écrit un vilain article contre les Gilets jaunes, mais les mêmes Gilets jaunes l’ont bien moins insulté que ce qu’il méritait.
En Angleterre et en France, comme aux US, les juifs sont devenus le symbole du régime néo-libéral actuel, et ce sont les arnaques et autres impostures qui ont mis cela en évidence. C’est plus important pour les gens ici que la question de la Palestine, et une inévitable réaction au néolibéralisme va provoquer l’effondrement de ce rôle juif ; par ricochet, oui, cela va amener l’égalité entre juifs et gentils jusqu’en Israël/Palestine.