L’Afrique qui sombre économiquement, socialement et politiquement accuse le Covid-19 d’être la cause de son naufrage alors qu’avec « seulement » 47 581 cas et 1862 décès pour 1 milliard 400 millions d’habitants au 5 mai 2020 (OMS), elle était humainement épargnée.
Il importe d’être très clair : aucun des maux actuels de l’Afrique n’a été provoqué par le virus, leur origine se trouvant dans la crise structurelle qui secoue le continent depuis la décennie des indépendances. Le Covid-19 en est le révélateur et l’accélérateur, pas la cause. Mais la pandémie est utilisée comme prétexte par les dirigeants africains pour gommer leurs responsabilités ou même pour s’en exonérer.
Car enfin :
1) Le Covid-19 n’est pas responsable de la suicidaire démographie africaine.
Une démographie qui, avec 50 millions de naissances annuelles, annihile toute possibilité de « développement ».
2) Le Covid-19 n’est pas la cause de la pauvreté abyssale de l’Afrique.
En 2000, vingt ans donc avant le Covid-19, les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) adoptés par 189 États, actèrent qu’aucun recul de la pauvreté africaine ne pouvait être envisagé sans un minimum de croissance annuelle de 7 % soutenue durant plusieurs années. Or, année après année, il a manqué à l’Afrique entre 3 et 4 % de croissance pour atteindre cet objectif. Résultat, loin de se combler, et en dépit des sommes colossales déversées par les pays « riches », la pauvreté africaine a continué à augmenter. Le Covid-19 n’y est pour rien.
3) Le Covid-19 n’est pas à l’origine de la non-diversification des économies africaines
Les variations du prix des matières premières sont cycliques. Leur actuelle baisse a débuté plusieurs années avant le Covid-19 et elle a des conséquences telluriques pour des pays comme l’Algérie ou le Nigeria qui en tirent jusqu’à 98 % de leurs recettes. Mais une fois encore, nous ne sommes pas face à une nouveauté, l’Afrique ayant déjà plusieurs fois subi ce phénomène. Or, quand les cours connaissaient des cycles hauts, les pays africains dépensèrent sans compter. Aujourd’hui, confrontés à un cycle baissier, ils sont incapables de faire face à leurs échéances. Les voilà donc contraints de s’endetter pour simplement acheter la paix sociale et tenter d’éviter la révolution. Le Covid-19 n’est responsable, ni de leur manque d’anticipation, ni de leur imprévoyance.
4) Le Covid-19 n’a pas provoqué la faiblesse des IED (Investissements étrangers directs) en Afrique.
En mai 2018, deux ans avant le Covid-19, la BAD (Banque africaine de développement) soulignait que pour les seuls investissements dans les infrastructures essentielles, l’Afrique avait besoin annuellement de 170 milliards de dollars d’IED (Investissements étrangers directs). Or, au total de tous ses postes, elle n’en reçut cette année-là que 60 milliards (mds) sur les 2000 mds de dollars d’IED mondiaux (Banque mondiale). L’Afrique, dans l’ensemble de la globalité de ses 54 pays et de son 1,2 milliard d’habitants a donc reçu presque autant d’IED que Singapour (61,6 mds pour 6 millions d’habitants), et moins que l’Irlande (79,2 mds pour 5 millions d’habitants)… Le Covid-19 n’est évidemment pas responsable de ce désintérêt des investisseurs.
Quant aux questions relevant de l’ethno-politique, de la « mauvaise gouvernance » ou encore de la corruption, elles n’ont pas non plus été créées par le Covid-19. Comme ses problèmes structurels sont et seront aggravés par les conséquences mondiales de la pandémie, l’Afrique va donc s’enfoncer encore davantage dans le néant. Les pays « riches » et en crise, vont alors généreusement voler à son secours au moyen d’aides d’urgence, d’annulations de dettes et de nouveaux budgets de « développement ». Ces cache-misère ne régleront rien. Pire, ils infantiliseront encore davantage les Africains tout en ne faisant que reculer le moment de l’inévitable collapsus. L’autopsie permettra alors de constater que les Diafoirus des ONG, les architectes du « développement », les tendeurs de sébiles et les bonnes âmes auront tué l’Afrique. Mais il sera trop tard…
Voilà pourquoi, et comme je l’explique dans mon livre Osons dire la vérité à l’Afrique, il est maintenant vital de changer de paradigme. Celui de la victimisation avec la rente victimaire (« le développement » en langage politiquement correct) qui est son corollaire, est à bout de souffle. De plus, il interdit de décrire la réalité au risque de se voir qualifié d’ « afro-pessimiste » et traité de « raciste ». Or, à mauvais diagnostic, mauvais traitement.
Et pourtant, le remède existe. Mais il passe par l’abandon des Nuées, le retour au réel, le rejet de l’universalisme et avant tout par l’acceptation de la notion de différence. Car, comme le disait le maréchal Lyautey, l’Afrique est « autre ». Et c’est parce qu’elle est « autre », que nos modèles élaborés au XVIIIe siècle dans les loges et les cabinets philosophiques lui sont aussi peu adaptés qu’un greffon de prune sur porte-greffe qui serait un palmier...