Le 17 septembre 2024, Yann Barthès invite l’animateur multimillionnaire Arthur, qui vient officiellement parler de l’anniversaire de son jeu télé. Mais l’invitation se transforme rapidement en tribune politique pro-Israël : onze longues minutes sans la moindre contradiction sérieuse.
Soi-disant partisan de la paix, souffrant pour les Israéliens et pour les Palestiniens, Jacques Essebag va vite retomber dans les travers de son essentialisme communautaire. Les lecteurs corrigeront d’eux-mêmes ses affirmations.
On rappelle qu’une grande partie des victimes du massacre du festival Nova est due aux hélicoptères israéliens qui ont tiré dans le tas, tuant les jeunes juifs (il y avait des juifs de tous les pays, pas seulement des juifs israéliens, donc) et les combattants du Hamas qui étaient venus rafler des otages. De plus, on sait depuis longtemps que les « 40 bébés assassinés » ainsi que les viols de masse sont des fake news. Pas pour Arthur, ou alors il n’est toujours pas au courant.
Yann Barthès, qu’on a connu plus agité et volubile, est étrangement silencieux pendant l’interview, qui n’est qu’un monologue ponctué de courtes relances. Moins piquant que d’habitude, il donne l’impression que l’invitation d’Arthur est une commande supérieure, de la chaîne, voire… Seul Aphatie tentera de ramener un peu d’information dans ce discours très partial.
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Barthès : On va parler d’un anniversaire d’un jeu culte du PAF, si on a voulu vous recevoir ce soir c’est pour un autre anniversaire, tragique celui-là, celui du 7 Octobre, depuis les attaques terroristes du Hamas il y a un an, qu’est-ce qui a changé dans votre vie, Arthur ?
Arthur : Ben j’ai une espèce de douleur, qui ne cicatrise pas, qui parfois se transforme en colère, souvent en rage, en incompréhension. C’est très particulier, c’est la première fois de ma vie que ça s’arrive, que ça se produit, et je suis parfois complètement désabusé, parfois j’ai plein d’espoir, et cette année qui est en train de s’achever, qui est une terrible année, ben j’en vois pas le bout du tunnel comme beaucoup de gens. Et je suis terrifié par le silence de certaines personnalités, de certains médias, des féministes, enfin de toute une partie de gens en qui j’avais, je vouais beaucoup d’amour et d’affection et d’admiration, et qui sont restés terriblement silencieux sur ces événements tragiques.
[Silence] Vous connaissez l’histoire, 1 200 personnes ont été massacrées, parmi elles des Français, y a encore 2 otages français, si on avait appelé à la libération des otages cette guerre serait finie depuis tellement longtemps. Ça c’est un ruban que je porte et que j’enlèverai quand le dernier otage aura été libéré. Et d’ailleurs si tout le monde le portait ce ruban ce serait un message aussi, parce qu’on est très silencieux sur les otages – je parle pas de vous en particulier – mais c’est vrai que moi j’ai connu une époque où le journal de 20 heures commençait par le nombre d’otages qui était toujours là pendant tant et tant de jours, là je pense que si on se tourne vers le public, et ce n’est pas un reproche, personne ne connaît le prénom ou le nom d’un otage français.
Barthès : Après, la situation à Gaza préoccupe aussi beaucoup de, de Français.
Arthur : Bien entendu.
Barthès : Ça explique peut-être la situation.
Arthur : Y a pas une compétition d’empathie. La situation à Gaza m’horrifie autant que ce qui s’est passé le 7 Octobre, et je pleure de la même manière un enfant palestinien qu’un enfant juif, la question ne se pose même pas. Poser déjà cette question je trouve ça déplacé, pas de votre part, mais on malpo, on me la pose souvent. On est dans une société où y a plus de nuances, et où on est dans un camp ou on est dans l’autre. Non, moi je suis pour le camp de la paix, je suis pour qu’on rendre les otages, et je suis aussi pour qu’on libère Gaza du Hamas.
Aphatie : Sur la question des otages, parce que tout ça est très douloureux, très difficile à évoquer, beaucoup d’Israéliens, mais beaucoup d’Israéliens, reprochent à celui qui dirige aujourd’hui le gouvernement d’Israël, de ne pas chercher la libération des otages.
Arthur : Il y a eu des manifestations après la mort des 6 soldats il y a 10 jours, enfin, des 6 otages, pas des soldats, et c’est vrai, mais c’est aussi la force de cette démocratie, 40 semaines avant le 7 Octobre vous aviez des milliers de gens qui manifestaient contre ce gouvernement.
Aphatie : Et sur l’attitude de Benyamin Netanyahou qui est reprochée par certains Israéliens, vous, quand vous regardez cette scène complexe, et tout cela est difficile à évoquer, qu’est-ce que vous vous dites ?
Arthur : Ben moi je me dis d’abord que je ne suis pas un politicien et que je ne suis pas à la tête d’un gouvernement, je dis simplement que peut-être qu’il est plus compliqué qu’on ne l’imagine de négocier et de dealer avec des terroristes. Voilà, et je pense aussi qu’il y a un moment il faut qu’on retrouve un peu la raison, sur ce sujet, et que c’est devenu extrêmement radioactif d’en parler. Moi-même je prends un risque quand j’en parle ce soir, quoi que je dise y aura une phrase ou un mot qui sortira, qui sera sorti de son contexte et qui va se retourner contre moi. Mais il faut en parler, on peut pas rester silencieux.
Barthès : Vous avez hésité, à en parler ?
Arthur : J’en ai jamais parlé, à part ce soir, si, une fois j’étais venu faire la promo d’une émission sur France Inter, c’était un matin, et j’ai sorti ce que j’avais dans les tripes ce jour-là. Moi depuis le 7 Octobre par exemple je fais plein de choses et je m’occupe des familles des otages, et j’en ai fait venir beaucoup en France, nous leur avons présenté des journalistes, des hommes politiques, on a essayé de faire partager cette douleur, on a essayé d’alerter. Et on a fait venir des otages israéliens juifs mais on a fait venir la famille du bédouin d’ailleurs, qui a été libéré. Parce que les gens l’oublient aussi mais il y a aussi des musulmans qui ont été pris en otages. Donc je me suis rapproché de ces familles quelque part, je ne les connais pas et j’ai l’impression que ce sont mes frères et mes enfants, et les familles des otages français j’étais là le jour où on a appris la mort du jeune Tolédano, j’étais avec son frère à Paris, donc je me suis senti, je suis bouleversé comme si c’était des membres de ma famille. Et comme, nous devrions tous l’être un peu parce que quelque part y a des otages français, c’est ça qui me surprend, j’ai l’impression qu’on les considère moins parce qu’ils sont israéliens ou peut-être juifs, mais ils sont français avant tout.
Barthès : Est-ce que vous ressentez plus d’antisémitisme depuis quelques mois ?
Arthur : Oui ben là je pense qu’il y a eu une explosion, c’est une orgie antisémite en ce moment, ce qui se passe. Vous savez, la communauté juive de France, ah moi je le ressens, allez faire un tour sur mes réseaux, là maintenant, pendant la diffusion, mais ce que je veux dire c’est que je fais partie d’une communauté, la communauté juive de France c’est la plus grande communauté juive d’Europe, y a 450 000 personnes à peu près, et ça représente 0,6 % de la population française, c’est pas énorme, hein, mais ces 0,6 % de la population représentent 55 % des agressions racistes. Depuis le 7 Octobre, juste après, le nombre d’agressions antisémites a été multiplié par 1 000 %, depuis janvier par 400 %, je connais des gens de la communauté juive, d’ailleurs on a travaillé sur une publicité il y a quelque temps, que vous avez peut-être vue, aujourd’hui quand ils commandent un taxi, ou quand ils commandent chez Deliveroo, ils changent leur nom ! Je connais des familles qui aujourd’hui ont retiré leur mezzouza de leur porte, il y a une peur, mais attention, il y a de l’antisémitisme, mais la France n’est pas antisémite.
Le chroniqueur : Vous êtes une personnalité publique, Arthur, ça veut dire que vous êtes protégé au quotidien, pour éviter une tentative d’agression ?
Arthur : Oui, oui, ben un moment, hélas, ça fait partie du jeu, je suis accompagné, jamais seul, mais y a des avantages.
Barthès : Vous revenez d’Israël et vous avez inauguré cette exposition, on va voir les images, au musée de Tel-Aviv qui s’appelle « I dont’ want to forget », je ne veux pas oublier, from The Mareva and Arthur Essebag Collection, Mareva c’est votre épouse, Mareva Galanter, et Arthur Essebag c’est vous, expliquez-nous la démarche de cette expo ?
Arthur : Alors vous le savez, on en a souvent parlé, je suis collectionneur, je suis passionné par l’art, c’est ma seule et unique passion, et 12 jours après le 7 Octobre, le magazine référence de l’art dans le monde, qui s’appelle Art Forum, a écrit une lettre qui a été signée par 8 000 z’artistes contre Israël et contre quelque part les artistes israéliens, ce qui était une bêtise, parce que si y a bien des artistes et des personnalités qui sont contre le gouvernement de Netanyahou ce sont bien les peintres, les sculpteurs et le monde artistique israéliens. C’était une époque où j’ai tout de suite senti qu’il allait y avoir quelque chose qui allait dérailler, peut-être un boycott, et je me suis pas trompé, le pavillon de la biennale à Venise est fermé, et c’est devenu presque un acte artistique d’avoir fermé le pavillon, aucun artiste n’est plus jamais exposé, depuis octobre.
Barthès : Donc ils sont boycottés.
Arthur : Ils sont boycottés je sais pas, y a des gens qui boycottent parce qu’ils sont israéliens, mais il y a aussi des galeries qui ont peur qu’on leur pète leur vitrine ! La plus grosse artiste israélienne qui s’appelle Michal Rovner exposée à New York, ben elle a eu des protest tous les jours, des manifs, ils ont tagué des vitrines, ils ont cassé, donc faut aussi une part de courage quand on est un galeriste ou un musée pour faire venir des artistes israéliens. Mais moi je pense que ce traumatisme du 7 Octobre va durer et je pense qu’on va mettre des générations à nous en remettre, et j’ai cherché une forme de témoignage, et moi je suis un amoureux de l’art, et pour moi les artistes ne mentent jamais. Et donc je me suis dit, comme une mémoire collective, je me suis dit et si je demandais aux artistes de retranscrire leur douleur, leur peine, leurs espoirs, leurs angoisses, suite au 7 Octobre. Et ça a donné cette exposition qui s’appelle « Je ne veux pas oublier », Je ne veux pas oublier ce qui s’est passé le 7 Octobre, Je ne veux pas oublier ce qui se passe en ce moment, et derrière chacun des œuvres que vous voyez derrière vous, même si elles sont un peu sombres, y a un petit peu de lumière. Et cette lumière, je l’espère, c’est celle qui va triompher des ténèbres que nous vivons. […]
Barthès : On va regarder une œuvre, on vous a demandé de sélectionner une œuvre, et vous avez sélectionné celle-ci.
Arthur : C’est un des plus grands artistes israéliens qui s’appelle Tsibi Geva, et cette œuvre s’appelle After the party, il l’a peinte au lendemain du massacre du festival de Nova, et tout est dit, tout est dit, on voit l’horreur dans les yeux de cette jeune femme, j’imagine que c’est une jeune femme, il y a un petit côté Guernica, y a une espèce de violence parce que je crois que c’est difficile de mettre des mots sur tout ce qui s’est passé, tous ces viols, tous ces enfants brûlés, tous ces enfants massacrés, et que seul l’art peut exprimer cette douleur, et je crois que cette œuvre représente exactement la violence qu’a vécue, qu’ont vécue ces jeunes au festival Nova. […]
Derrière tout ça il y a de la lumière et j’essaye quand même d’être optimiste, parce que j’espère qu’il y aura une issue rapide à ce tragique conflit, je crois en la paix, je pense à la douleur des Israéliens, je pense à la douleur des Palestiniens, je veux dire, les deux sont pris en otages par un groupe terroriste qui est un proxy de l’Iran, vous le savez très bien, donc Israël vit avec Gaza ce que l’Ukraine vit avec la Russie. Ce sont les derniers remparts de ces grandes puissances qui veulent déstabiliser le monde.