Le soulèvement des Gilets jaunes n’a pas seulement affaibli le pouvoir gouvernemental et fait sortir du bois le pouvoir profond, il a aussi éreinté les forces de l’ordre. Depuis six mois, et avec des pics terribles, notamment le 1er décembre 2018, les policiers, CRS et autres gendarmes ont dû faire face à des vagues de contestation ininterrompues. L’usure physique et mentale est là, et des voix se font entendre de l’intérieur, c’est le cas de le dire, pour dénoncer de manière indirecte une politique de confrontation permanente.
Le policier et le gendarme ont un devoir de réserve, mais le citoyen peut parler, en off bien entendu. Un CRS « 20 ans d’âge » s’est adressé à France 3, une fois n’est pas coutume. Car normalement, tout passe par Le Parisien, le journal qu’on dit inféodé au ministère de l’Intérieur : il a toujours les meilleurs scoops sur la délinquance et sur la police. Le boss de la police, Christophe Castaner, est sur la sellette, mais pas pour sa répression démesurée des Gilets jaunes, vous allez le voir.
Commençons avec le CRS basé à Toulouse, où ont eu lieu des affrontements pas piqués des hannetons...
« Une fatigue physique et psychologique liée à l’intensité de notre travail et surtout aux violences que l’on subit directement. Moi, en 20 ans de service, j’ai rarement vu autant de violences à l’encontre des forces de l’ordre. On ressent vraiment une haine anti-flic très profonde.
Le samedi 1er décembre, il y a vraiment eu une volonté de s’en prendre aux forces de l’ordre directement. Il y a une intention de blesser, d’attenter à la vie des policiers. Je n’avais jamais été confronté à ça. Ce 1er décembre j’étais engagé à Paris et j’ai été extrêmement surpris par la tournure des événements.
Il y a des compagnies qui à 9 heures du matin n’avaient déjà plus de grenades. Elles ont été obligées de renouveler leur stock 3 fois dans la journée, c’est du jamais vu. Sur les radios des CRS, on entendait des commandants de compagnie qui appelaient à l’aide, demandaient des renforts parce qu’ils étaient débordés et leurs hommes en danger.
En fait on se sent dépassés par la haine dirigée contre nous, on ne se sent pas en sécurité. On est en sous-effectif la plupart du temps. Une compagnie de CRS face à 5 000 personnes qui veulent casser du flic cela ne suffit plus. »
Puis la conversation en arrive à l’utilisation des LBD, qui ont fait couler beaucoup d’encre et beaucoup de sang.
« Que pensez-vous de la polémique autour des armes que vous utilisez, notamment les LBD, les lanceurs de balle de défense ?
Le maintien de l’ordre c’est notre cœur de métier, donc on est plus habitués à l’emploi de ces armes que d’autres collègues policiers parce qu’on a vraiment été entraînés pour ça. Pour les CRS, leur usage est très réglementé, uniquement sur ordre. Il a pu y avoir des tirs inappropriés, mais des fois vous vous sentez tellement acculés, tellement en danger physiquement que vous parez au plus urgent. Vous avez beau être très professionnel, c’est le seul recours pour protéger votre vie.
Mais j’ai remarqué que pour les LBD, la taille du projectile a changé. Aujourd’hui la balle est plus petite, du même diamètre que l’œil. Donc quand le projectile tape accidentellement au niveau du visage les dégâts sont plus importants. »
Les forces de l’ordre, prises entre deux feux, celui d’un gouvernement qui passe ses lois antisociales en force et celui des Français qui en ont marre de la paupérisation programmée, sont en train de craquer, même si la France a une longue expérience du maintien de l’ordre. Sarkozy, pendant les émeutes des cités de 2005, se félicitait qu’il n’y avait pas eu de mort, à part les deux jeunes dont la mort accidentelle avait tout déclenché (Zyed et Bouna).
L’interview se termine sur un constat (personnel) pessimiste :
« Là chez nous on a atteint le point de rupture, il faut vraiment que cela s’arrête parce qu’on va tomber malade, il va y avoir des burn-outs, des situations familiales ingérables qui peuvent entraîner des suicides. Personnellement je veux arrêter, pas quitter la police, mais ne plus être CRS. Cela devient trop dur, les conditions ne nous permettent plus d’exercer ce métier correctement. »
Depuis le début 2019, la gauche (mélenchonniste) a tenté de récupérer le mouvement des Gilets jaunes. On a vu fleurir des « Tout le monde déteste la police » après les tentatives de réconciliation des premiers temps entre manifestants et forces de l’ordre. La gauchisation du mouvement sous l’égide du duo Branco-Ruffin est manifeste, mais les Gilets jaunes, on l’a vu, se replient prudemment dans leurs provinces.
Tout le travail du Média de Mélenchon a consisté à dénoncer les violences et bavures policières. Par bavure on entend violence non autorisée par la loi. Cet axe d’attaque politique a été d’autant plus facile à utiliser que pendant le feu de l’action, et pendant les moments de panique, tout peut arriver, du côté des hommes en armes. Cependant, il y a des actes inexplicables, voire inqualifiables.
Couverts par l’exécutif, ces exactions ont nourri le sentiment anti-police qui prévalait en France avant les attentats de 2015, et qui s’était atténué depuis. Aujourd’hui, il repart de plus belle, une manière pour le gouvernement de détourner la colère du peuple vers la police, qui fait aussi partie du peuple !
Les sorties de Castaner et consorts à ce sujet ont été assez provocantes. Prendre le parti de sa police contre un peuple en colère est un choix qui réveille la gauche anti-flics.
"Je trouve assez insupportable quand on entend 'répressions policières', 'violences policières' alors qu’aujourd’hui le seul blessé grave qu’on a eu c’est un policier qui a pris un pavé en pleine figure" s'exclame @auroreberge #1erMai @MA2TBE2L #Europe1 pic.twitter.com/uz7fCP1sRj
— Europe 1 (@Europe1) 1 mai 2019
Sur les réseaux sociaux, les comptes officiels de la Police nationale se font étriller, la plupart du temps par des anonymes. Lorsqu’elle lance ses tutos pour les engagements, les réponses du public sont terribles, et les réactions des policiers en ligne, souvent d’ailleurs des femmes de policiers, aussi violentes. Dire qu’il s’agit de devenir gardien de la paix !
allo @Place_Beauvau - c'est pour un signalement - 783
« Après une charge de la BAC, contrôle de police avec coups de pieds, de poings et insultes pour tout le monde. La vidéo ci-jointe est édifiante... »
Bordeaux, croisement ruée Maubec et de la Fusterie, #1erMai Source : mail pic.twitter.com/K4WtVw18wD
— David Dufresne (@davduf) 8 mai 2019
Dans cette archive, Emmanuel Macron promettait de ne rien laisser passer :
Archive hallucinante de @EmmanuelMacron à propos des violences policières.@davduf
— PATRIC JEAN (@patricjean) 6 mai 2019
Mais aujourd’hui, les choses ont bien changé. Sans la police, il serait débarqué illico de son palais de l’Élysée. La police française n’est plus seulement une police de maintien de l’ordre, elle est devenue malgré elle une police de protection de la politique antisociale décidée par la Banque.
C’est la police de l’oligarchie.
Cette polarisation dangereuse est la seule et dernière défense d’un pouvoir à l’agonie. Espérons que la déchirure programmée entre les Français et leur police cicatrice un jour... sur le dos de l’oligarchie, histoire d’enrayer le conflit triangulé.
Christophe Castaner attaqué par Meyer Habib
sur le rôle de la police pendant l’Occupation
Comme prévu, le pouvoir profond augmente la pression sur le pouvoir visible. Le 9 mai 2019, le député des Français de l’étranger Meyer Habib, proche de Netanyahou, s’en est pris au ministre de l’Intérieur, déjà rincé par sa politique anti-Gilets jaunes et par les engueulades de Macron. Que reproche Habib à Castaner ? D’avoir rendu un hommage aux policiers résistants lors des cérémonies du 8 mai.
Voici le tweet du pouvoir visible qui a provoqué l’ire du pouvoir profond, qui tire une partie de son pouvoir du chantage à Vichy et à l’antisémitisme :
Partout en France, des policiers ont pris le maquis.
Partout en France, des policiers ont guetté l’ennemi, traqué la haine, combattu l’oppression.
Partout en France, des policiers ont fait le choix de la résistance.
Aujourd’hui, nous leur rendons hommage.#8Mai pic.twitter.com/0Zy5byhE4R— Christophe Castaner (@CCastaner) 8 mai 2019
Crime de lèse-lobby du ministre pourtant complètement aplati devant ! Il fallait dire que les policiers français étaient des fascistes, voire des nazis, et Castaner aurait été tranquille. Un député morigène donc un ministre – on saisit la vraie hiérarchie des pouvoirs – en ces termes :
« Des policiers qui ont combattu l’oppression, qui ont fait le choix de la résistance, oui il y en a eu, mais trop peu. Monsieur le ministre, à vous lire, et c’est peut-être une maladresse, on avait l’impression que c’était la norme, la majorité. Et je me fais l’écho de très nombreux messages de déception, d’émotion, voire de colère que j’ai reçus de fils et des filles de rescapés. Même si certains policiers ont fait le choix du courage, de l’honneur, le choix de la Résistance, certains ont même été Justes parmi les nations, je crois qu’il y en a eu près de 70, l’écrasante majorité hélas ont fait à l’époque le choix de la Collaboration, a minima de la passivité en exécutant les ordres de l’État français, à l’époque. Simple rappel : le 16 juillet 42, au Vel’ d’Hiv’, ce sont 9 000 policiers français monsieur le ministre et gendarmes... qui ont raflé très exactement 13 152 enfants juifs [1] dont 4 615 enfants... »
Interrogé par @Meyer_Habib, @CCastaner revient sur son tweet polémique dans lequel il a évoqué "des policiers" ayant "pris le maquis". "Je pense Monsieur le député que vous faites la différence entre le mot "des" et le mot "les"". #DirectAN pic.twitter.com/2mRCWfeO4I
— LCP (@LCP) 9 mai 2019
« Simple rappel »... à l’ordre du ministre de l’Ordre !
Tout est dit, fermez le ban.