Son succès explique le record de reçus, toutes filières confondues, enregistré en 2016. Mais sept mois après l’obtention de leur diplôme, 46 % des bacheliers professionnels sont au chômage...
Des « dysfonctionnements d’ampleur » touchent les « jeunes parmi les plus fragiles » du pays. C’est le jugement sans appel d’une récente étude du Conseil national de l’évaluation du système scolaire (Cnesco) sur l’enseignement professionnel. La hausse continue des effectifs du baccalauréat professionnel depuis trente ans a permis d’atteindre l’objectif fixé par Jean-Pierre Chevènement en 1985 alors qu’il était ministre de l’Éducation : « amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat ». En juillet, ils sont 179 240 lycéens à avoir décroché un bac professionnel, soit 28 % des bacheliers. De l’agroéquipement à la carrosserie en passant par les services à la personne, près de 100 spécialités permettent à ces élèves de s’insérer directement sur le marché du travail, voire de poursuivre des études dans l’enseignement supérieur.
En apparence, il s’agit d’une réussite. En réalité, la filière professionnelle reste souvent celle de l’échec. Celle vers laquelle on est orienté par défaut, parce qu’on avait un niveau insuffisant pour aller en lycée général ou pour s’engager dans la voie technologique. Elle reste dévalorisée et peu plébiscitée par les parents. Le bac professionnel « est encore fortement associé à la faiblesse des résultats scolaires et au poids des origines sociales ainsi qu’à une vision exclusive et négative de la pratique de métiers manuels », observe l’étude du Cnesco. Les lycées professionnels concentrent par ailleurs l’essentiel des violences scolaires et 88 % des jeunes décrocheurs.
Une vaste illusion
Le « bac pro » n’a surtout du bac que le nom. Comme tous les baccalauréats, cet examen ouvre la possibilité d’une poursuite d’études dans l’enseignement supérieur. Une vaste illusion. Seuls 59 % des bacheliers professionnels qui préparent un diplôme court comme le BTS le réussissent, seuls 3 % réussissent à décrocher une licence universitaire. Quant aux lycéens qui décident de se lancer sur le marché du travail, ils se retrouvent trop souvent employés dans des emplois sous-qualifiés, inférieurs au niveau de leur bac et connaissent d’importants taux de chômage. Sept mois après l’obtention de leur diplôme, 46 % des bacheliers professionnels sont au chômage, 57 % après l’obtention d’un CAP (le diplôme inférieur). Dans presque tous les pays de l’OCDE, les filières professionnelles bénéficient d’une meilleure insertion que les filières générales. C’est l’inverse en France. Notre pays fait partie des pays qui insèrent le moins bien ces jeunes.