S’exprimant devant les diplômés de l’académie militaire de West Point, le vice-président américain Mike Pence vient de leur annoncer qu’ils iraient bientôt se battre « contre les terroristes en Afghanistan et en Irak », bien sûr, mais aussi « contre la Corée du Nord qui continue de menacer la paix », « contre la Chine qui défie notre présence dans la région » et « contre la Russie agressive qui cherche à redéfinir les frontières par la force ».
Autrement dit, M. Pence parle comme si les États souverains cités dans son propos avaient quelque chose de commun avec les organisations criminelles que Washington affirme combattre sans répit depuis les attentats du 11 septembre 2001. Amalgame stupéfiant, menace militaire à peine voilée, arrogance d’un État qui se croit dépositaire à vie d’un imperium planétaire, cette déclaration cumule les travers symboliques de l’idéologie yankee appliquée au reste du monde.
Mais puisque la « nation exceptionnelle » veut en découdre avec tous ceux qui lui déplaisent, il serait beaucoup plus simple qu’elle indique contre qui elle n’envisage aucune action militaire, on gagnerait du temps. Le monde n’est-il pas à sa disposition, objet passif de ses initiatives salvatrices et de ses élans purificateurs ? Dispensatrice d’une justice immanente taillée à sa mesure, la nation au « destin manifeste » ne fixe aucune limite physique à son aura bienfaisante.
L’extraterritorialité est sa seconde nature. Et pour atteindre ses objectifs, elle pratique sans vergogne une rhétorique de l’inversion accusatoire qui atteint aujourd’hui, contre l’Iran, des sommets inégalés. Étranglé par un embargo auquel Washington veut convertir la terre entière, cerné par une trentaine de bases militaires américaines, menacé par le déploiement d’une armada aéronavale à proximité de ses côtes, ce pays qui n’a jamais envahi ses voisins est accusé de « s’approcher dangereusement » des forces de l’Oncle Sam. On croit rêver.
Cette propagande surréaliste faisant partie du soft power de l’empire, il n’est pas étonnant qu’elle soit relayée par les médias dominants. Dans un autre registre, la presse occidentale multiplie les condamnations indignées et les mises en garde comminatoires envers la Chine à l’occasion du trentième anniversaire du drame de Tiananmen (1989). Pour le quotidien Le Monde, ce déchaînement de « violence inouïe » a révélé le visage totalitaire du régime post-maoïste. Mais cette presse férue des droits de l’homme devrait compléter le tableau pour édifier ses lecteurs.
Les millions de victimes des guerres occidentales, en effet, ont démontré la supériorité morale de la démocratie et attesté l’universalité de son message salvateur. Enfin débarrassé de son rival soviétique, l’Occident triomphant s’en est donné à cœur joie. Il a multiplié les frappes chirurgicales à fins humanitaires, les « changements de régime » pour le triomphe du Bien, les embargos sur les médicaments pour former la jeunesse et les « plans d’ajustement structurel » destinés à mettre au travail les fainéants des contrées tropicales.
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