Un témoignage sur la désillusion d’un Grec du quotidien et les conséquences dans la vie au jour le jour d’une population qui n’a plus que ses yeux pour pleurer (source) et à qui la chute d’hier de la bourse d’Athènes (-16 % après des semaines de fermeture) ne fait ni chaud ni froid :
« (…) Je me fous du gouvernement, de savoir si Varoufakis sera inculpé de haute ou basse trahison, si SYRIZA implosera ou pas… Cela n’affecte pas ma vie au quotidien, pas le moins du monde. Je n’en ai rien à cirer de l’agenda politique de la Grèce après le 13 juillet.
Ce qui m’inquiète, c’est de voir mon pays et son peuple en décomposition totale. Nos vies grecques subissent chaque minute une nouvelle dévaluation interne, et cela deviendra encore pire lorsque le nouvel accord sera finalisé le 15 ou le 20 août. (…)
La dévaluation interne de 40 % qui s’est mise en place en Grèce depuis 2010 a atteint un nouveau pic alors que ce 3e plan de sauvetage n’est même pas encore signé. Les contrôles des capitaux imposés le 29 juin afin de sauver les banques de la faillite ont détruit la vie de nombreux Grecs. Certains de mes amis, qui travaillent dans le privé depuis plus de 2 décennies, ont dû prendre des « vacances forcées » en même temps que les banques. Leur temps plein s’est mué en une ou 2 journées de travail par semaine. Ce qui a évidemment fait chuter leur salaire. De nombreux employés du secteur privé ont vu leur temps de travail et leur salaire déjà bas être réduits. Comment les gens peuvent-ils survivre sans revenus ? Tout le monde s’en fout et personne n’en parle, que ce soit les médias grecs ou internationaux. Nous en parlons à voix basse entre nous, avec honte, en nous demandant sans cesse ce que l’avenir nous réserve.
D’autres, frappés par le chômage de longue durée et sans aucune perspective de toucher un salaire ou une retraite, se sont sentis obligés de vendre leur maison. Cependant, ce n’est plus possible avec le contrôle des capitaux. Le montant de la vente restera bloqué à la banque en courant le risque d’être ponctionné d’ici la fin de l’année par un « haircut ». L’une de mes amies doit vendre son second appartement, dont elle a hérité, afin de pouvoir vivre. Mais elle n’y parvient pas. Il y a 10 ans, cet appartement valait 130 000 €. Aujourd’hui, si elle trouve un acheteur, il partira pour 45 000 ou 50 000 €. Cela fait un an et demi qu’elle essaye de le vendre. Aucun acheteur ne s’est présenté.
Avec l’augmentation de la TVA, nos dépenses en alimentation et produits de première nécessité ont augmenté de 15 à 20 € par semaine. Cette somme peut paraître dérisoire, mais c’est énorme si vous n’avez pas d’argent et que vous avez des enfants à nourrir et des factures à payer. Celles-ci ne seront pas honorées, et la petite épargne pour faire face à une urgence, comme un problème de santé, ne sera plus là. C’est manger ou mourir.
Dans les hôpitaux publics, la situation va de mal en pis. Il y a pénurie de tout : de médecins, d’infirmières, de personnel administratif, de matériel. Vous avez besoin d’une crème spéciale ? Il faut attendre 3 jours. Parfois, les médicaments n’arrivent tout simplement pas, on vous remet une ordonnance à la sortie de l’hôpital. (…)
Et après, on entend parler de cas de sociétés actives dans le secteur du tourisme qui utilisent de fausses caisses enregistreuses pour éluder la TVA. Le client reçoit son ticket, mais l’entreprise se met en poche la TVA et les taxes. Un phénomène apparemment grandissant, mais qui ne peut être combattu efficacement en raison des pénuries de personnel. (…)
J’ai l’impression de vivre sur une autre planète. Dans un pays où la moitié de la population a faim tandis que les « Grecs malins » éludent le fisc et vivent une vie très confortable (…). »