Les Transalpins doivent élire leurs parlementaires le 4 mars prochain. L’issue est incertaine, comme la formation d’un nouveau gouvernement. Le centre droit est favori, mais flirte toujours plus avec l’extrême droite, omniprésente durant cette campagne électorale
Il est revenu, piazza Venezia au cœur de Rome, en face du balcon du palais Barbo d’où il haranguait les foules dans les années 1940. Sur une affiche imposante haute de plusieurs mètres, un Benito Mussolini sur fond noir tourne le dos aux Romains. Sono tornato est sorti le 1er février dans les salles obscures de la Péninsule. Le film, s’inspirant d’Er ist wieder da sur Adolf Hitler, raconte le retour fictif du Duce dans la Botte d’aujourd’hui. Celle qui, dans la réalité, répond en écrivant « si seulement ! L’Italie aux Italiens » sur une banderole pendue sous le panneau publicitaire.
Des militants de Forza nuova sont à l’origine de cette opération. Ce parti néofasciste se présente aux élections législatives du 4 mars prochain. Plus de 51 millions d’Italiens sont appelés à renouveler leur parlement. Un nouveau gouvernement devra alors être formé. La coalition de centre droit menée par Silvio Berlusconi l’emporterait, selon les derniers sondages, interdits durant les deux semaines précédant le vote. Mais certains médias s’inquiètent de « l’envie d’ultra-droite » des électeurs, représentée par les intentions de vote grandissant pour Forza nuova, mais aussi pour CasaPound ou encore pour Fratelli d’Italia.
Les voix de l’extrême droite italienne sont devenues plus audibles après l’attentat de Macerata. Au début de février, un jeune homme prend pour cibles des personnes de couleur. Six sont blessées par des coups de feu. Le tireur aurait voulu venger la mort d’une Italienne de 18 ans, dont le corps avait été retrouvé démembré quelques jours plus tôt. Les principaux suspects sont originaires du continent africain. Luca Traini a tout de suite reçu le soutien de Forza nuova. La formation s’est engagée à ne pas « le faire se sentir seul et à ne pas l’abandonner », notamment en prenant en charge ses frais de justice.
Plusieurs dizaines de ses militants ont manifesté, malgré l’interdiction, dans les rues de la ville du centre du pays le 8 février. De légers affrontements les ont opposés à la police. Des saluts fascistes se sont levés face aux boucliers antiémeutes des forces de l’ordre. Ils ont voulu réaffirmer leur certitude « qu’en Italie, on meurt d’immigration ». Plusieurs dizaines de milliers de personnes leur ont répondu quelques jours plus tard lors d’une manifestation antifasciste et antiraciste. Une autre est prévue à Rome le 24 février.
« Le chaos et la colère »
Matteo Salvini a exclu une « alerte fasciste ». Le chef de la Ligue, parti xénophobe et eurosceptique, a été le premier mis en cause après l’attentat de Macerata, l’auteur ayant été candidat dans les rangs de sa formation l’an dernier lors d’élections communales. S’il a condamné le geste, il a désigné comme responsable le gouvernement pour sa gestion de l’immigration, devenue selon lui « hors de contrôle » et menant « au chaos, à la colère, à l’affrontement social ». « Si ce n’est du fascisme, qu’est-ce que c’est ? » demande Mario Giro dans une tribune publiée le 12 février sur HuffingtonPost.it. Le vice-ministre des Affaires étrangères s’interroge sur le discours de Matteo Salvini. « S’il n’est pas fasciste, poursuit-il, il surfe néanmoins sur la vague du fascisme pour conquérir l’Italie. » « En invoquant les thèmes fascistes », en se disant intéressé par le « principe de la race blanche », le chef de la Ligue viserait ainsi à prendre les voix de l’ultra-droite. Mario Giro en est convaincu.
La Ligue avec Forza Italia
La Lega nouvelle génération s’est allégée de la mention « nord » pour répondre aux ambitions nationales de Matteo Salvini. Elle n’est plus régionaliste et anti-étatiste, et est donc désormais plus compatible avec les partis néofascistes. Cette Ligue obtiendrait aujourd’hui environ 13% des voix, selon les derniers sondages, contre les 4% recueillis lors des élections législatives de 2013. Le parti est devenu un pilier imposant de la coalition de centre droit, quelques points seulement derrière Forza Italia, la formation de Silvio Berlusconi.
L’ancien premier ministre se présente comme défenseur d’une « droite modérée » et comme un rempart contre le populisme représenté selon lui par le Mouvement 5 étoiles. Il a pourtant emboîté le pas à droite de son rival et allié de la Ligue. Les deux hommes se sont lancés dans une joute verbale, à la recherche des promesses les plus fortes. Ainsi, en cas de victoire, ils ont promis de renvoyer plus de 600 000 migrants. Pour le magnat des médias, les clandestins ne peuvent pas rester car ils sont « prêts à commettre des crimes », ils représentent une « bombe sociale prête à exploser ».
Un « contrat avec les Italiens »
Silvio Berlusconi est certain de sa victoire, promettant un score de 40% pour sa coalition. Mercredi soir à la télévision, il a signé un « contrat avec les Italiens », comme il l’avait déjà fait en 2001, avant de devenir président du Conseil des ministres pendant cinq ans. Ce déjà-vu ne laisse aucune place au doute : il est bel et bien de retour sur le devant de la scène politique italienne.
Comme Benito Mussolini dans Sono tornato, il revient dans l’Italie de 2018. Où les habitants « sont beaucoup moins distants de la figure de notre dictateur que les Allemands », s’inquiète le réalisateur du film, Luca Miniero. Où, avec un écart de plus de 70 ans, les deux hommes exercent la même fascination chez les Italiens.