Plutôt qu’admettre que leurs méthodes ont échoué, les experts du « processus de paix » contribuent à perpétuer l’occupation, la colonisation et la dépossession des Palestiniens.
Lors d’une conférence organisée en avril à Washington DC par le Middle East Policy Council, Ian Lustick, professeur de science politique à l’Université de Pennsylvanie, a vivement critiqué ce qu’il a qualifié de « manège continu des négociations orchestrées par les Américains ».
Après avoir analysé les intérêts et rôles respectifs du gouvernement israélien, du gouvernement américain et de l’Autorité palestinienne, Lustick s’est intéressé à un « quatrième acteur » – qu’il a appelé « l’industrie du processus de paix ».
Cette industrie, selon le professeur Lustick, se compose des « légions de spécialistes, érudits, commentateurs, bailleurs de fonds et organisateurs de conférences » dont les « spéculations, avertissements, cartes et conseils remplissent les journaux, les blogs et les ondes ».
En particulier, Ian Lustick a souligné le rôle des « promoteurs de la solution à deux États », qui, « étant donné le choix qui se pose à eux entre une faible chance de succès en voie de disparition et avoir à développer et adapter un cadre entièrement nouveau pour la poursuite de la justice, de la paix, de l’égalité et de la démocratie dans ce domaine, préfèrent poursuivre la lutte ».
- Un jeune palestinien pleure à l’extérieur de la morgue d’un hôpital de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 9 juin 2017, après la mort d’Aïd Jumaa (35 ans), tué par des tirs israéliens lors d’affrontements à la frontière avec Israël
« Il est beaucoup plus facile, a-t-il ajouté, de recueillir des fonds, préserver les institutions et promouvoir des carrières en décrivant une fenêtre d’opportunité pour la réalisation de deux États en train de se fermer plutôt qu’en admettant qu’en fait, la fenêtre est fermée. »
Le résultat est que « tant les protagonistes que les observateurs [sont découragés] de réfléchir au-delà des catégories désuètes de la solution à deux États et d’imaginer d’autres possibilités ».
Étude de cas
Cette industrie du processus de paix est bien visible. Ses membres maintiennent une présence publique très médiatisée, alors que leur rôle et influence sont présentés comme indépendants et technocratiques.
Jetons un coup d’œil à quelques exemples. Dans cinq articles publiés en l’espace de trois semaines en mai par The Washington Post, The Christian Science Monitor, Politico, CNN et Reuters, seize analystes régionaux sont cités à vingt-deux reprises.
Dennis Ross et David Makovsky – deux collègues du Washington Institute for Near East Policy (WINEP) – sont tous deux cités dans trois des cinq articles. Le diplomate de carrière Aaron David Miller et l’ancien envoyé américain en Israël Dan Shapiro sont cités dans deux des cinq articles.
Ensemble, Ross, Makovsky, Miller et Shapiro constituent près de la moitié du total des vingt-deux contributions d’experts.
Parmi les autres analystes cités figurent Elliott Abrams, officiel de l’ère Ronald Reagan et George W. Bush, Martin Indyk, diplomate et vétéran de la politique américaine, et d’anciennes personnalités militaires et diplomatiques israéliennes comme Gilead Sher et Amnon Reshef. Sur les vingt-deux experts cités, trois seulement sont palestiniens : Jibril Rajoub, Hanan Ashrawi (la seule femme citée) et Hani al-Masri.
- Martin Indyk (à droite) et Dennis Ross arrivent au siège du président palestinien Mahmoud Abbas à Ramallah en novembre 2005 pour commémorer le premier anniversaire du décès de Yasser Arafat