Jean Bricmont a réagi sur Facebook et YouTube à l’arrestation de Julian Assange et au traitement de cette affaire par le site Mediapart. Voici l’intro du physicien et essayiste belge :
« À quoi sert Mediapart ? À publier des articles “de gauche” surtout sur les questions sociétales pour attirer les gogos, puis à donner un coup de poignard dans le dos sur les questions importantes (comme Assange). »
Il analyse d’abord l’affaire Muller/Trump qui a secoué la vie politique américaine depuis l’élection du milliardaire mal-pensant.
Et voici l’introduction de l’article de Mediapart daté du 11 avril 2019 :
« Le 19 juin 2012, Julian Assange se réfugie dans l’ambassade équatorienne de Londres. Hacker légendaire, il a réussi à révolutionner la presse en lançant la première plateforme de “leaks”. Sept ans plus tard, c’est un homme diminué physiquement et tombé en disgrâce qui ressort escorté de policiers. Il fait l’objet d’une demande d’extradition de la part des États-Unis où il est poursuivi pour “conspiration en vue d’une intrusion informatique”.
Les images ont presque sept années d’écart, et leur comparaison est terrible. Le 19 août 2012, Julian Assange se trouve sur un balcon de l’ambassade équatorienne à Londres où il est réfugié depuis deux mois et lit un communiqué, en chemise et cravate, la coupe soignée et la tête haute. Le 11 avril 2019, le même homme, visiblement affaibli, arborant une longue barbe blanche, apparaît dans l’embrasure de la porte de l’ambassade, traîné par deux policiers qui l’emmènent de force dans un fourgon.
Entre ces deux images, une déchéance, celle d’un hacktiviste australien, d’un petit génie passionné d’informatique, devenu hacker légendaire puis rédacteur en chef d’un site à l’origine de certains des plus gros scoops de la décennie, et croupissant aujourd’hui dans une prison, accusé de piratage, d’espionnage pour le compte de la Russie et d’agressions sexuelles. »
À la lecture de ce très long article, qui sent effectivement le règlement de comptes, on se demande si Mediapart n’est pas objectivement sur la même ligne que le gouvernement américain, qui voulait la peau d’Assange depuis près de 10 ans.
« Le monde n’est pas simplement en train de dériver vers une dystopie transnationale sans précédent – il s’y précipite. Hors des milieux qui s’occupent de la sécurité nationale, cette situation n’a pas été pleinement perçue, occultée par le secret, la complexité et l’ampleur qui la caractérisent. Internet, le meilleur de nos instruments d’émancipation, est devenu le plus redoutable auxiliaire du totalitarisme qu’on n’ait jamais connu. » (Julian Assange dans son livre Cyberpunks : Liberté et futur de l’Internet)
Assange a matérialisé son opposition au totalitarisme naissant en créant le site Wikileaks qui a vu des dizaines de milliers de documents officiels arriver sur la place publique. La presse et les lecteurs de tous les pays avaient accès à des documents confidentiels. À tel point qu’Hillary Clinton, alors en charge de la (désastreuse) politique extérieure américaine, déclarera :
« Cette divulgation n’est pas juste une attaque contre la politique étrangères américaine ; c’est une attaque contre la communauté internationale, les alliances, les partenariats, les conventions et les négociations qui protègent la sécurité mondiale et favorisent la prospérité économique. »
Wikileaks est en fait un site d’informations ouvert qui va à l’encontre des intérêts des États qui pratiquent la dissimulation. Au moment où Assange et son site commençaient à avoir un impact mondial jugé dangereux, deux affaires sexuelles lui tombent sur la tête. Une histoire rocambolesque de préservatifs « endommagés » avec deux femmes consentantes (mais pas en même temps)...
En Suède il n’en faut pas plus pour requalifier les faits en « viols ». Poursuivi par la justice américaine pour « espionnage », le« terroriste violeur » se réfugie à l’ambassade équatorienne de Londres. La suite est connue.
Une campagne de dénigrement prend forme, fondée, on le rappelle, sur deux pseudo-viols. Mais ça suffit pour la presse officielle dont Mediapart fait partie :
« Avec ces accusations sexuelles, Julian Assange tombe de son piédestal. Son image de chevalier blanc se fissure et, même au sein de WikiLeaks, des langues se dénouent, dévoilant un tout autre visage. De nombreux témoignages décrivent un homme égocentrique, intransigeant et exigeant de ses collaborateurs une obéissance absolue. »
On découvre un monarque qui ne partage pas le pouvoir, bref, un néofasciste. Le journal gauchiste britannique The Guardian se fait un plaisir de diffuser les témoignages des « victimes » d’Assange, ces personnes qui travaillaient avec un monstre et qui ont découvert tardivement la face sombre de leur chef. La presse anglo-saxonne lui reprochera évidemment son émission de géopolitique sur Russia Today et son rapprochement objectif avec la Russie. De là à dire qu’Assange est un agent de Poutine, il n’y a qu’un pas que franchiront avec soulagement les Anglais et les Américains.
C’est peu dire qu’Assange a Hillary Clinton dans le nez, et réciproquement. La campagne de la candidate démocrate est déstabilisée par les révélations des DNC Leaks (le Comité national des démocrates). Trump s’en pourléchera les babines :
Assange n’a pas pris fait et cause pour Trump mais il a contribué à démolir l’image progressiste de l’ex-compagne de Bill Clinton. C’est à ce moment-là que toute la presse de gauche a commencé à réprouver Assange. Favoriser l’élection de Trump, même sans le vouloir, c’était impardonnable ! Pour la bien-pensance, Assange continue à glisser vers une sorte de fascisme ou en tout cas d’anti-progressisme évident :
« Pour ne rien arranger, Julian Assange multiplie les prises de position polémiques, voire parfois difficilement compréhensibles. En septembre 2017, il affirme par exemple, chiffres à l’appui, que le capitalisme, l’athéisme et le féminisme sont responsables de la stérilité de nos sociétés qui, elle-même, est la cause de l’immigration. » (Mediapart)
Comme s’il devenait populiste, donc fou... Une démolition en règle de la part de Mediapart qui va ainsi relancer les accusations, complotistes ou pas, de site gauchiste pro-américain ou pro-CIA. Trotskiste, quoi.