Après le feuilleton des révélations WikiLeaks, celui de la cavale Julian Assange, figure emblématique de ce site “sulfureux”, par lequel le “scandale” est arrivé, aujourd’hui réfugié dans les locaux de l’ambassade d’Équateur à Londres, et qui vient de s’exprimer publiquement ce dimanche dernier.
Automne 2010. Le site WikiLeaks dévoile sur Internet des centaines de télégrammes que la diplomatie américaine aurait aimé garder secrets. Le scandale est énorme. Enfin, pas tant que ça, puisque les révélations en question n’en sont pas vraiment. De Nicolas Sarkozy, apprend-on ainsi que notre Président d’alors serait un « susceptible et autoritaire »… Sans blague ? Mieux, il serait décrit comme « le président français le plus proaméricain depuis la Seconde Guerre mondiale… » On refuse de le croire. Et la Maison blanche de se rassurer en affirmant qu’il « est actuellement le dirigeant le plus influent en Europe. » tout en s’interrogeant « sur l’impact que cela peut avoir sur “le traditionnel centre de gravité pro-arabe” de la France dans sa politique au Proche-Orient. »
Bon ben voilà. Tout ça pour ça…
Comme souvent, Daniel Cohn-Bendit parle vrai sur les ondes d’Europe 1. Des secrets d’État ? Mais quels secrets ? « On est un peu hypocrites. On sait que la réalité diplomatique n’est pas toujours aussi belle que la réalité dite. Il n’y a aucune révélation. La révélation c’est : ce qu’on supposait, eh bien, c’est vrai. Moi, je suis un peu voyeur, je l’avoue ! » Ainsi, un Israël ayant quasiment vassalisé les puissants USA, à moins que ce ne soit l’inverse, on ne sait plus très bien. Un Hervé Morin, ministre pourtant chargé de notre Défense, se rendant chaque semaine à l’ambassade américaine à Paris pour y chercher, allez savoir, conseils, subsides ou feuille de route. Un régime saoudien et les Émirat unis allant avec, eux aussi tenus sous tutelle par ce lointain, et puissant protecteur, Washington il va de soi : bref, tout le monde découvrait l’eau qui mouille et le feu qui fait chaud.
Au fait, qui est Julian Assange ? Un Australien, enfant de famille désunie, pur produit de la génération informatique, un de ces agités du clavier persuadé qu’avec Internet adviendra enfin un règne nouveau, chaque petit Terrien se trouvant connecté à plus de six milliards de ses semblables. C’est nigaud, mais vraisemblablement sincère. L’affaire WikiLeaks se sera chargée de le ramener dans le monde réel, car si les USA sont prompts à donner des leçons de transparence sur le web à la planète entière, ils connaissent une fâcheuse tendance à perdre tout sens de l’humour dès que le bidule vient à les concerner. C’est l’effet boomerang ; rien d’étonnant pour un trublion né au pays des aborigènes et des kangourous.
Du coup, réfugié en Angleterre, Julian Assange, menacé d’une extradition vers la Suède, là où il est accusé d’agressions sexuelles dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’elles ne tiendraient même pas sur le dos d’un âne à trois pattes, mais qu’elles pourraient bientôt le renvoyer direct aux USA sans même passer par la case Stockholm pour atterrir direct à celle de la chaise électrique, a donc demandé l’asile à l’ambassade de la minuscule république équatorienne.
Et à propos d’âne, c’est là que le bât blesse. Parce que Quito, capitale d’une nation certes petite, mais n’ayant manifestement plus l’envie de se faire marcher sur les pieds par le puissant voisin américain, surtout depuis qu’elle a rejoint l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques) dont sont membres des pays aussi susceptibles que le Venezuela, le Nicaragua et Cuba, vient de mettre les pieds dans le plat à tortilla : « L’entrée de la police anglaise dans l’ambassade équatorienne de Londres aurait de graves conséquences dans le monde entier. » Et Rafael Correa, président équatorien et très proche du turbulent Hugo Chavez, son homologue vénézuélien, de remettre une seconde couche de piment sur un plat qui ne commençait pourtant pas à manquer d’épices : « Jamais, au moins tant que je serais président, l’Équateur n’acceptera des menaces comme celles que la Grande-Bretagne a proférées cette semaine de manière totalement grossière, manquant d’égards et inacceptables. »
Près de trente ans après l’agression anglaise sur une Amérique, latine et catholique, lors du conflit des Malouines, l’avertissement n’a pas dû forcément être lancé en l’air.
En attendant, le site WikiLeaks n’émet plus. Triste pour les amoureux de la liberté d’expression.