L’entretien que madame Samia Ghali, sénateur (NDLR : Parti Socialiste) des Bouches-du-Rhône et maire d’arrondissement de Marseille, a accordé au quotidien Le Parisien le 26 août dernier était passé inaperçu. Enfin presque car il n’a pas échappé à la vigilance des animateurs du Lab d’Europe1.
Dans un premier temps, l’élue marseillaise a évoqué une situation pour le moins alarmante des quartiers Nord de la cité phocéenne, où les vendeurs de produits stupéfiants prolifèrent.
“Aujourd’hui, le premier employeur des jeunes à Marseille, c’est le trafic de drogue. Et je n’ai pas peur de le dire. Il y a mêmes des filles qui dealent. Ici, la délinquance s’est professionnalisée. Le trafic fait vivre des familles entières. Je pense que les autorités ne mesurent pas la gravité de la situation” a-t-elle expliqué.
Pour y mettre un terme, Samia Ghali avance plusieurs pistes. D’abord, il faudrait “commencer par casser les barres d’immeubles pour désenclaver les cités”. Mais pas seulement car la parlementaire “prône le recours à l’armée pour bloquer l’accès des quartiers aux clients des dealers”.
“Comme en temps de guerre, avec des barrages. Et même si cela doit durer un an ou deux, il faut tenir”, a-t-elle ajouté, expliquant que “combattre les dealeurs revient à combattre une fourmilière. Vous en arrêtez dix, dix autres se présentent aussitôt pour les remplacer.”
Autre proposition faite par madame le sénateur : le rétablissement (rien de moins) du service militaire, afin “d’obliger les jeunes qui arrêtent l’école trop tôt à sortir de leur quartier et à apprendre la discipline.”
Cette idée de faire intervernir l’armée pour rétablir la sécurité dans des quartiers sensibles avait déjà été exprimée en 2011 par le maire de Sevran, Stéphane Gattignon (Europe Ecologie – Les Verts), qui avait alors demandé le déploiement dans sa ville de “forces d’interposition, des casques bleus, comme ceux qu’on envoie à l’étranger pour empêcher les belligérants de s’entre-tuer” afin de protéger ses administrés des bandes et autres trafiquants de drogue.
A l’époque, le maire de Sevran avait pu se prévaloir du soutien de Ségolène Royal mais les foudres de Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur et de celles de Jean-Jacques Urvoas, le spécialiste des affaires de sécurité au Parti socialiste. “Dans un Etat démocratique, c’est à la police républicaine, sous le contrôle de la justice, de rétablir la sécurité” avait fait valoir le premier pendant que le second estimait qu’il s’agissait d’une “très mauvaise idée” qui “traduirait l’impuissance de l’Etat” et “s’inscritait en sus dans une stratégie de tension qui ne peut que desservir la population.”
Le recours aux forces armées pour rétablir l’ordre public est encadré par les articles D1321 du Code de la Défense. Ainsi, “pour leur emploi au maintien de l’ordre, les forces armées sont classées en trois catégories”, la première étant la gendarmerie départementale et la seconde étant la gendarmerie mobile. Les forces terrestres, maritimes, aériennes et les services communs ainsi que les formations de la gendarmerie mises sur pied à la mobilisation ou sur décision ministérielle “constituent les forces de troisième catégorie”.
Ces dernières sont destinées à “des missions tendant à renforcer les unités de première et deuxième catégories ainsi que les forces de police” (comme par exemple en Guyane, avec la mission Harpie), à “des missions de protection” et, en dernier ressort, pour “opérations de force nécessitant des mesures de sûreté exceptionnelles”
Enfin, si certains brandissent la menace de faire intervenir les militaires dans ce type d’opérations, comme par exemple lors des émeutes de 2005 dans les banlieues, d’autres estiment au contraire que ce n’est pas le métier, ni le rôle de ces derniers.