Slate.fr en partenariat avec Arte et Slugnews a mené une interview exclusive de Julian Assange, cofondateur de Wikileaks, premier site à avoir publié des centaines de documents secrets de l’US Army ou de la diplomatie américaine. Pour la première fois, il revient sur les Panama papers, sa situation, la politique française en matière de renseignement.
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L’homme qui nous attend a lui aussi plusieurs fois fait trembler le monde à coup de révélations : Julian Assange est le cofondateur de Wikileaks. Son site en ligne est le premier à avoir publié des centaines de milliers de documents secrets de l’US Army et de la diplomatie américaine. Sous le coup d’un mandat d’arrêt de la justice suédoise pour une affaire de mœurs, Julian Assange craint d’être extradé vers les États-Unis où il risque la prison à vie pour espionnage. Depuis 1952 jours, il a trouvé refuge dans les locaux de l’ambassade d’Equateur à Londres. Pas une prison dorée, mais un appartement sombre au rez-de-chaussée d’un immeuble cossu proche du célèbre magasin Harrods. Si Julian Assange franchit la porte, s’il met un pied dans la rue, il sera aussitôt arrêté.
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Slug News : Vous êtes reclus depuis 1 952 jours dans l’ambassade d’Équateur à Londres, comment allez-vous M. Assange ?
Julian Assange : On me demande tout le temps comment je vais. Je réponds simplement : « comme tous les jours ». Suis-je en colère ? Bien sûr. Mais je suis prêt à payer le prix de mes convictions.
L’ICIJ et plus de cent médias dans le monde viennent de sortir les Panama Papers, la plus grande fuite de l’histoire du journalisme, qu’en pensez-vous ?
Concernant les informations provenant du cabinet d’avocat au Panama et données à la Süddeutsche Zeitung, c’est du bon travail de la source et des deux journalistes qui l’ont encouragée. Pour les autres aspects, il y a du bon et du mauvais. À ce stade les Panama Papers sont l’un des plus petits « leak » de l’Histoire. Pourquoi dis-je cela ? Parce qu’ils n’ont publié que 160 documents. Sur 4,5 millions d’emails, ils n’ont choisi que 160 documents ! Il y a beaucoup de bons journalistes impliqués, il y aura donc de bonnes histoires. Mais d’un autre côté, tout ça est dirigé depuis Washington par une entité appelée ICIJ. Je ne remets pas en cause leur travail, mais il y a un problème. Les enquêtes de ces journalistes sont financées par des fondations basées à Washington et parmi elles, il y a Rockefeller, Soros etc.
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En juin 2015, Wikileaks a sorti des documents qui révélaient l’espionnage des plus hauts dirigeants européens et notamment Français par les services de renseignements américains. Quelles ont été les conséquences ?
L’Élysée était effrayé à l’idée que ça s’accélère, ce qui l’obligerait à un geste fort ou au moins symbolique. Comme accorder enfin l’asile politique à Edouard Snowden ou me l’accorder à moi. Il aurait été logique d’expulser l’ambassadrice américaine, puisque ce sont des présidents français qui ont été espionnés. On sentait dans l’atmosphère que cela pouvait se produire ainsi.
Mais le gouvernement américain a averti la France : « Calmez-vous ! Pour compenser, on va vous donner plus de renseignements. Des renseignements sur les Allemands, des renseignements sur l’Afrique... On va vous donner beaucoup plus de renseignements. Oui nous espionnons vos présidents, nous espionnons les fleurons de l’industrie française, nous interceptons les contrats. Mais si vous vous plaignez, nous cesserons de vous donner des renseignements. Et il y aura plus d’attaques terroristes en France. »
La terreur, la peur d’attaques terroristes islamistes en France, peut ainsi être utilisée pour contrôler votre pays.
C’est une forme de marché ?
C’est une tactique mafieuse. Un chantage à la protection. « Regarde, tu ferais mieux de me payer, payes-moi si tu veux que je te protège. Si tu ne le fais pas ça va être dangereux, mais si tu le fais, ça va aller ». Concrètement, cela montre que la France est incapable de protéger sa souveraineté vis-à-vis des Américains.
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