À l’origine des révélations du Luxleaks, il y a Antoine Deltour, ancien employé d’un cabinet d’audit luxembourgeois qui a permis de mettre au jour la pratique des tax ruling.
Mais le statut de lanceur d’alerte, surtout lorsqu’ils ne sont pas médiatisés, n’est pas franchement confortable. Mis en examen par la justice luxembourgeoise, il risque 5 ans de prison et 1 250 000 euros d’amende. Son procès commence le 26 avril.
Antoine Deltour, ce nom ne vous dit peut-être rien et pourtant. Il n’a rien à envier à un Julien Assange, Edward Snowden ou un Hervé Falciani. C’est notamment grâce à lui que le scandale du Luxleaks a été révélé. Et il risque gros. Cinq ans de prison et 1 250 000 euros d’amende. Son procès doit s’ouvrir ce 26 avril au Luxembourg.
C’est en mai 2012 que débute l’affaire, lorsque Cash Investigation, nouveau magazine d’investigation de France Télévisions, s’attaque aux « paradis fiscaux » et lève le voile sur les pratiques des grands groupes au Luxembourg. Le journaliste Édouard Perrin, qui a mené l’enquête, s’appuie sur des documents explosifs du cabinet de conseil PricewatershouseCoopers (PCW) qui mettent au jour des montages fiscaux complexes afin de permettre à des grandes entreprises de réduire leur avis d’imposition, le tout grâce à des filiales domiciliées au Luxembourg.
Surtout, on apprend que cette optimisation fiscale ne se fait pas du tout au nez et à la barbe du Grand Duché mais bien avec sa complicité, par des accords fiscaux secrets – les fameux « tax ruling » – entre les services fiscaux luxembourgeois et les entreprises. L’enquête permet à l’émission d’Élise Lucet de s’installer dans le paysage audiovisuel français comme la référence de l’investigation et d’ouvrir le débat sur l’optimisation fiscale. PCW porte plainte pour « violation du secret des affaires ». L’affaire en reste là.
Mais deux ans plus tard, l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) révèle l’affaire Luxleaks. Ce que l’on découvre dépasse l’entendement. Des médias dont Le Monde publient 548 accords fiscaux négociés pour le compte de 340 entreprises par le cabinet PWC avec l’administration luxembourgeoise entre 2002 et 2010. Et ils ne représentent qu’une partie des accords validés…
Doublement gênant puisqu’un mois plus tôt, l’ex-Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, vient d’être élu à la tête de la Commission européenne. Le 12 décembre 2014, la justice du Luxembourg met en examen la source à l’origine de Luxleaks. Deux jours plus tard, Libération publie un entretien avec Antoine Deltour, l’homme qui a permis de révéler une bonne partie des petits secrets fiscaux luxembourgeois.
Entré à PCW en stage, ce « travailleur frontalier » français obtient un CDI en 2010 comme auditeur et y découvre « la réalité du système dans sa radicalité : une pratique massive d’optimisation fiscale », explique-t-il à Libé. Ce qui le pousse à démissionner deux ans plus tard pour passer les concours de la fonction publique « pour contribuer à l’intérêt général ». Et dans ses bagages, il ramène des documents de formation et… les fameux accords de tax rullings qu’il découvre en explorant la base informatique de PWC. Il effectue des copies « sans intention particulière, ni projet précis », dit-il, mais parce qu’il est « consterné ». Après avoir tenté de proposer son expertise à des ONG, il est approché par Édouard Perrin. Les deux hommes sympathisent et Deltour confie au journaliste cette mine d’informations. Respectant leur accord, Perrin n’utilise qu’une partie des documents pour le magazine Cash Investigation. Sauf qu’en 2014, l’intégralité se retrouve sur le site de l’ICIJ.
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Le début des ennuis pour Deltour. Il se retrouve au cœur de la tempête judiciaire.
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Le 8 avril 2016, chez Frédéric Taddeï, dans Ce Soir ou jamais, le journaliste d’investigation Denis Robert revient sur le lanceur d’alerte Deltour :
L’intervention complète de Denis Robert :