A la suite du lancement par la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) de deux missiles balistiques intercontinentaux les 4 et 28 juillet 2017, le Conseil de sécurité des Nations unies, à l’unanimité de ses membres, a très significativement alourdi les sanctions contre la RPD de Corée, dans le cadre d’une nouvelle résolution (2371) adoptée le 5 août 2017.
À l’issue de discussions qui auront duré près d’un mois entre les États-Unis et la Chine, le Conseil de sécurité des Nations unies a une nouvelle fois alourdi les sanctions à l’encontre de la RPD de Corée : en particulier, le charbon, le fer, le minerai de fer, le plomb, le minerai de plomb et les produits de la mer figurent désormais parmi les produits interdits d’exportation. Au total, selon les Américains qui ont été les parrains de ce nouveau train de mesures sans équivalent au monde, ce sont un tiers des exportations nord-coréennes (estimées à 1 milliard de dollars par an) qui seraient amputées.
Alors que la RPD de Corée a un besoin urgent d’investissements étrangers pour moderniser son économie, la résolution 2371 interdit également la création de nouvelles sociétés conjointes (joint ventures) entre des entreprises nord-coréennes et étrangères. Les joint ventures déjà implantées en RPDC ne pourront pas accroître leurs investissements.
Pyongyang ne pourra pas non plus augmenter le nombre de ses travailleurs à l’étranger.
Les navires nord-coréens ne respectant pas l’embargo seraient menacés d’une interdiction d’accoster dans tous les ports du monde.
Parmi les individus et les entités figurant sur une « liste noire », interdits d’activités bancaires internationales et dont les avoirs sont gelés, est ajoutée, entre autres, la Banque du commerce extérieur, qui réalise les opérations sur devises.
Officiellement, il s’agit d’empêcher Pyongyang de poursuivre ses programmes nucléaires et balistiques en la privant des devises nécessaires – mais d’aucuns y verront surtout une nouvelle illustration de la stratégie d’étranglement économique mise en œuvre par Washington, à défaut de pouvoir conduire une opération militaire en Corée du Nord dont les conséquences seraient catastrophiques.
Les populations nord-coréennes seront les premières – sinon, les seules – victimes de cet embargo toujours accru : dans un actuel contexte marqué par le grave impact de la sécheresse, et alors que les États-Unis n’honorent pas leurs livraisons d’aide alimentaire dans le cadre des Nations unies, ce sont d’ores et déjà des centaines de milliers de tonnes de produits alimentaires, qui auraient pu être achetés par le gouvernement nord-coréen, dont seront privés des enfants, des femmes et des hommes qui, en Corée du Nord, sont soumis à une insécurité alimentaire chronique. L’argument chinois, défendu en 2016, selon lequel les sanctions ne devaient pas toucher les populations vole en éclats avec la résolution 2371.
Alors que la paix se construit en favorisant les échanges de toutes natures, les États-Unis et leurs alliés contraignent la RPD de Corée à un isolement forcé. En particulier, la relance des échanges économiques intercoréens, auquel le nouveau gouvernement démocrate de Séoul se disait favorable lors de la campagne présidentielle de ce printemps, est désormais exclue. Dans le contexte des négociations internationales sur la résolution 2371, qui ont reçu l’aval de Séoul, on comprend mieux désormais pourquoi Pyongyang a rejeté comme hypocrites les offres de dialogue récemment formulées par la Corée du Sud.
Il y a un an et demi, après le quatrième essai nucléaire nord-coréen, les États-Unis avaient opté pour l’interdiction totale ou partielle des exportations par la RPD de Corée : après discussion avec la Chine, principal partenaire économique de Pyongyang, ils n’avaient pu que limiter le volume de certaines exportations. À la suite des deux récents tirs d’ICBM par la Corée du Nord, ils progressent dans leur objectif d’asphyxie économique totale de la RPD de Corée – avec l’aval chinois, même si Pékin s’est opposée à certaines mesures initialement envisagées (comme les interdictions de livraison de pétrole à la Corée du Nord).
Si la Chine a sacrifié ses propres intérêts en Corée du Nord, alors qu’elle est par ailleurs directement visée par le déploiement en Corée du Sud du système américain de missiles antimissile THAAD, c’est probablement parce qu’elle a craint des mesures pires de rétorsion sur ses exportations aux États-Unis – et a donc préféré joué l’apaisement avec Washington.
Alors que les États-Unis et leurs alliés prétendent que la Corée du Nord est désormais confrontée à la détermination unanime de la communauté internationale, il est pour le moins improbable que Pyongyang renonce à ses programmes balistiques et nucléaires. En effet, la RPDC pourrait être en mesure de doter ses missiles ICBM de têtes nucléaires d’ici un an de l’aveu même des experts occidentaux et donc disposer d’une force de dissuasion pleinement opérationnelle. Si près du but, la Corée du Nord n’a aucune raison de se détourner de cet objectif, alors même que les précédentes sanctions internationales ont échoué à stopper les progrès militaires de Pyongyang.
Loin de favoriser le retour à la table des négociations, les sanctions onusiennes renforcent plus que jamais les risques de guerre dans en Asie du Nord-Est, en confortant les autorités nord-coréennes dans une vision obsidionale de leur rapport au monde.