Deux auteurs, Mme Case et M. Deaton, travaillant pour la Brookings Institution – qui est l’un des centres de recherches les plus connus du Parti Démocrate aux Etats-Unis – viennent de publier une étude qui pourrait permettre de comprendre au moins une partie du mouvement qui a porté Donald Trump à la présidence des États-Unis [1].
Cette étude permet de comprendre ce cri de colère venant d’une grande partie de la population du pays, cri de colère que M. Bernie Sanders avait bien entendu mais qui n’avait guère écorché les oreilles de Mme Hillary R. Clinton. Cette étude est, en réalité, une condamnation sans appel des politiques menées depuis ces quinze dernières années, que ce soit par Georges W. Bush ou par Obama. La hausse rapide de la mortalité qui touche certaines catégories, et en particulier ce qui est décrit dans l’étude comme les « blancs, non-hispaniques » dans la tranche d’âge de 45 à 54 ans permet de comprendre l’importance du rejet des élites politiques. Ce phénomène est relativement spécifique aux États-Unis. Mais, l’absence de perspective pour de larges parties de la population caractérise aussi ce que l’on appelle, en France, la « France périphérique » [2]. Si, fort heureusement dans notre pays, la situation n’apparaît pas aussi dramatique qu’aux États-Unis, des parallèles peuvent cependant être tirés.
La mortalité spécifique d’une partie de la population
Ces auteurs ont donc divisé le pays en plus de 1 000 régions, et ils ont pu constater que ce qu’ils appellent le taux de « décès par désespoir » (soit les décès par drogues, alcool et suicide) en milieu de vie (autour de 50 ans) pour les non-hispaniques blancs aurait augmenté dans pratiquement la totalité des régions des États-Unis et cela à tous les niveaux d’urbanisation – depuis les zones rurales profondes aux grandes villes centrales. Ce phénomène frappe les hommes comme les femmes de manière similaire. En 2000, ce qu’ils appellent une « épidémie » était centrée sur le sud-ouest des États-Unis. Au milieu des années 2000, ce phénomène s’était propagé dans les Appalaches, en Floride et sur la côte ouest. Aujourd’hui, c’est à l’échelle du pays tout entier que l’on peut constater cette grande progression des « décès par désespoir ».
Les « décès du désespoir » en milieu de vie ont donc augmenté de façon spectaculaire pour les Blancs non hispaniques, un groupe que les statisticiens ont créé afin de pouvoir mesurer la part des « minorités » dans la population et qui comprend les habitants des États-Unis « blancs » ayant un diplôme d’études secondaires ou moins. Ce groupe était largement majoritaire dans les années 1960 et, même s’il reste le plus important, il a vu sa position se dégrader fortement ces vingt dernières années. On voit que la situation ici se dégrade pour ce groupe des « Blancs, non hispaniques, à faible niveau d’éducation » de manière spectaculaire à partir de 2012.