La petite analyse d’E&R : Raphaël Enthoven contre Kery James ou la trahison du lobby
Le rappeur noir musulman et le philosophe blanc juif se sont livrés à une joute verbale cette semaine, par médias interposés. Le rappeur accuse le philosophe, pourtant spécialiste des mots, de l’avoir exclu consciemment de la communauté nationale en évoquant son « intégration ». Le philosophe répond que le rappeur, qui a créé une chanson en hommage à « Zyed et Bouna », utilise son propre racisme pour lutter contre le racisme, s’excluant en cela de la communauté nationale.
À l’occasion du dixième anniversaire de la mort de « Zyed et Bouna », qui sont devenus en quelque sorte les Malik Oussekine des années 2000, et après la Marche de la « Dignité », on assiste à une résurgence de l’association SOS Racisme, mais sans la bénédiction du lobby sioniste (sous couverture socialiste) qui l’a fabriquée. Personne n’ignore en effet que l’association soi-disant antiraciste a été créée en 1984 par Julien Dray et ses amis pour ramener le vote « beur » dans l’escarcelle socialiste, récupérant en cela la colère de la célèbre Marche des Beurs de l’automne 1983. SOS Racisme avait pour objectif de remplacer le social, car le PS avait pris son virage libéral, sous la houlette de Pierre Bérégovoy. L’inféodation inavouable du Parti socialiste au monde des affaires est à l’origine de la création de ce masque sociétal.
Trente ans plus tard, le lobby a donc lâché SOS Racisme version 1.0, qu’il contrôle encore, mais qui a pris une couleur un peu trop propalestinienne. On le voit dans chaque manifestation comprenant des jeunes de banlieue : ça vire rapidement à « Palestine vaincra », ou à des gros mots assez désagréables pour Israël. Et même si Houria Bouteldja crie sa haine de la France (coloniale) et des Blancs (racistes), elle est objectivement un des agents de Jack Lang, à travers l’Institut du Monde arabe, qui l’emploie. Dure réalité économique : dis-moi qui te paye, et je te dirai qui tu es.
Ainsi, le rappeur Kery James est-il sincère dans son approche, même si certains pourront qualifier d’un peu démagogique sa prise de position. Et malgré le dérapage d’Enthoven, le rappeur est bien français. Le philosophe croit relever la contradiction « communautaire », il oublie de dire d’où il parle : il est psychologiquement et politiquement l’héritier spirituel de Bernard-Henri Lévy. Même approche des thèmes politiques et géopolitiques, même soutien à Israël (inconditionnel), même occupation des médias (sortes de Territoires occupés en France), mêmes figures de réthorique alambiquées venant à l’aide en cas d’impasse conceptuelle.
Pour résumer, cette affaire en apparence « people » est le symbole d’un changement, qu’avait prophétisé Soral il y a 10 ans : SOS Racisme a été lâchée par le lobby qui l’a fabriquée, car pour lui, l’association des Noirs et des Arabes de banlieue – parlons clairement – est devenue un « monstre ». Un monstre propalestinien, donc anti-israélien, qu’il ne faut plus protéger mais dénoncer. Changement de paradigme, qui dicte la conduite et la parole de tous les représentants d’un lobby sioniste qui ne dit pas son nom, qui n’apparaît jamais clairement, mais qui tire dans la même direction : les Noirs et les Arabes, et les musulmans, source de « l’islamo-fascisme » de BHL..
Soudain, « les antiracistes sont devenus racistes », c’est le message que veut faire passer le lobby en général, et Raphaël Enthoven en particulier.
Kery James et Raphaël Enthoven ne passeront pas leurs vacances ensemble. C’est peu dire que le rappeur originaire de Guadeloupe n’a pas apprécié la teneur de la chronique du philosophe, lundi sur Europe 1.
Lundi, dans sa chronique matinale sur Europe 1, Raphaël Enthoven estimait que la chanson de Kery James sur Zyed et Bouna qui a un énorme succès sur les réseaux sociaux demandant « le respect de sa couleur de peau » consistait en gros à combattre le racisme avec les méthodes du racisme.
La chanson de Kery James :
L’interview de Raphaël Enthoven par Thomas Sotto sur Europe 1 :
Une prise de position mediatico-philosophique qui a déplu au rappeur, qui s’en est ému sur sa page Facebook dans un texte très dense :
« Vous avez (...) dérapé quand vous avez expliqué que lorsque je dis « J’ai abandonné l’idée qu’ils me perçoivent un jour comme un Français » cela signifie que « j’ai renoncé à l’intégration ». C’est très grave. Je suis né en Guadeloupe et je suis en métropole depuis 1985 et vous pensez encore que je dois « m’intégrer » ? Ce dérapage à lui seul justifie la totalité de mon texte auquel vous avez tenté maladroitement de vous opposer pour des raisons qui me paraissent obscures. En effet, comme vous en faîtes la démonstration, vous ne me considérez pas comme un Français puisque vous pensez que je ne devrais pas renoncer à « l’intégration ». »
Kery James répond au philosophe sur son terrain, celui des mots. Mais beau joueur il invite Enthoven à venir assister, le 21 novembre prochain à Vaulx-en-Velin (Rhône) à un de ses concerts solidaires où il attribue des bourses à de jeunes étudiants.
Ce mardi, le philosophe a tenu à lui répondre à son tour, dans une longue missive intitulée « Merci de cette lettre ! Vivent les désaccords » :
« Pour rédiger ma chronique, je me suis appuyé sur trois de vos textes : Banlieusards, Lettre à la République, et votre hommage (inachevé) à Zyed et Bouna. Et "je revendique" (avec votre permission) le droit d’être en désaccord frontal avec vous. »