Le hasard fait bien ou mal les choses, selon le côté où l’on se place. Du côté des féministes, la manif du novembre a réactivé le besoin de faire rendre gorge à l’ennemi masculin, en qui un cochon ou un violeur sommeille. Du côté des personnalités incriminées, on est mal : Charles Villeneuve défend son ancien collègue journaliste et présentateur qui serait au plus mal. Il est vrai qu’après une première vague en 2020, la deuxième vague fait mal, puisque ce ne sont pas moins de 8 ex-collaboratrices qui l’accusent de gestes déplacés, d’agressions sexuelles ou carrément de viol.
Pour rappel, Patrick Poivre d’Arvor (74 ans) était accusé de viols par l’écrivaine Florence Porcel (38 ans). Elle avait dénoncé un rapport sexuel non consenti en 2004 dans son bureau. Et elle assurait qu’il lui avait imposé une fellation en 2009 au siège de la société de production A Prime Group. L’enquête préliminaire avait été confiée à la Brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP) de la police judiciaire parisienne à la suite de sa plainte. Sept autre plaintes avaient suivi et vingt-trois témoignages dénonçant un mode opératoire bien précis : une invitation au 20 H puis dans le bureau de l’ancien présentateur de la première chaîne où se serait déroulé les faits dont il était accusé. (Pure People)
Des 23 femmes qui ont témoigné dans l’enquête, 8 porteront plainte au final. Mais de ces 8 plaintes il ne reste rien ou presque : le parquet de Nanterre a classé ces affaires pour prescription et absence de preuves. Du coup, 7 de ces 8 femmes ont accepté de parler à visage découvert dans Libération (du 8 novembre 2021) de leur expérience traumatique avec Patrick. Le problème, c’est que les faits, pour certaines, par exemple pour Stéphanie Khayat, remontent à 1994, soit 27 ans. Le site Pure People reprend les cas un par un et résume l’affaire PPDA/Khayat :
Alors journaliste à France Télévisions, elle dit avoir subi deux viols dans le bureau du journaliste à TF1 : l’un en 1994, l’autre en 1997. Lors du premier viol, survenu dans le bureau de l’animateur, elle était anorexique. Elle a expliqué à l’officier de police que la conversation avec le journaliste, qu’elle était venue voir pour passer un entretien d’embauche à LCI, avait tourné autour de la question des troubles alimentaires et de la fille de PPDA, Solenn, qui en souffrait à l’époque et s’est suicidée en janvier 1995. « À aucun moment, je n’ai consenti à cet acte sexuel. [...] Pour une personne anorexique, avoir un rapport sexuel, ce n’est pas un plaisir. Je n’avais aucun désir, aucune envie, aucun plaisir. J’étais dégoûtée par mon corps et par le corps des autres ».
Autre témoignage, qui se heurte à un contre-témoignage de Robert Namias, ancien rédacteur en chef du 20 Heures, celui de Cécile Thimoreau :
Ex-reporter à TF1 durant quatorze ans, Cécile Thimoreau (56 ans) affirme avoir subi une agression sexuelle chez Patrick Poivre d’Arvor en 1996 ou 1997. Aujourd’hui professionnelle du secteur médico-social, elle est devenue secrétaire générale d’ERASME, école de formation et de recherche en travail social.
Accusant Patrick Poivre d’Arvor de coups de téléphone nocturnes et insistants, elle a vu ses appels cesser quand elle a prévenu Robert Namias, à l’époque rédacteur en chef du 20 Heures. Une conversation que ce dernier nie à Libération : « Je n’ai jamais été saisi d’une plainte, orale ou écrite, sur une agression ou un viol commis par Patrick Poivre d’Arvor. Si cela avait été le cas, j’aurais agi ».
Les faits dans ces affaires remontant en moyenne à une vingtaine d’année, toute preuve physique ayant disparu, il ne reste qu’une parole contre une parole. L’effet de masse joue contre PPDA, mais l’ancienneté des faits et leur révélation tardive a joué pour lui. À notre connaissance, il n’y a pas eu de plainte déposée juste après les faits, dans les années 90 et au début des années 2000. Ce qui ne veut pas dire que rien ne s’est produit. Peut jouer aussi la fameuse « omerta » de la télé, avec des personnes qui ne veulent pas risquer leur poste en s’attaquant officiellement à une star, de l’info ou du divertissement.
PPDA a été invité sur l’émission Quotidien, de la chaîne TMC, qui appartient au groupe TF1.
Plus près de nous, l’histoire du grand copain de Gad Elmaleh et d’Arthur, le comédien Ari Abittan, dont la carrière vient de se fracasser après un accusation de viol. La série qu’il tourne sur M6 vient de le déprogrammer, signe que la pression féministe est forte pour les annonceurs – qui s’alignent toujours sur la pensée dominante – et donc pour les chaînes qui en vivent.
Après une plainte déposée par une femme de 23 ans, il a été mis en examen pour viol et placé sous contrôle judiciaire. Malheureusement pour ce comédien qui voulait à tout prix réussir, il abandonne son rôle dans Les hommes de nos vies, où il incarnait, comme l’écrit Le Figaro, « un homme volage qui séduit les femmes pour leur voler leur fortune ».
Mais le gros coup de massue médiatique vient de la sortie de Nicolas Hulot qui, sous la menace de plaintes, vient de mettre un terme à sa carrière médiatique pour se consacrer à sa défense. C’est le magazine Envoyé spécial qui lance la bombe :
Envoyé Spécial diffusera jeudi 25 novembre, à 21h05, un document dans lequel plusieurs femmes témoignent contre lui. Sollicité par l’émission, l’ancien ministre n’a pas souhaité répondre aux questions des journalistes de France 2. Selon Nicolas Hulot, « quatre ou cinq femmes » portent des accusations contre lui, en plus de la petite-fille de François Mitterrand dont la plainte pour viol avait déjà émergé il y a quatre ans.
« Je sais qu’à partir de demain, le lynchage va commencer. Je veux le dire sans formule, sans élément de langage : ni de près ou de loin, je n’ai pas commis ces actes. Ces affirmations sont purement mensongères », a assuré Nicolas Hulot face à Bruce Toussaint. « Depuis 4 ans, je subis le poison de la rumeur, des insinuations parfois des accusations au grand jour ». (France Info)
Pendant ce temps, sur la chaîne concurrente de TF1, le nettoyage féministe se poursuit au service des Sports, considéré comme un bastion machiste. Le dernier viré en date en a même fait un livre, relaté par Marianne :
Au bord des larmes. Jean-François Laville ne le mentionne pas dans son livre, Viré (Plon), mais toutes les semaines, en congé maladie, il voit un hypnothérapeute, un psychiatre et un psychanalyste, pour « tenir le coup » depuis son licenciement. La technique d’hypnose curative utilisée est la même que pour une victime d’attentat. L’EMDR [Eye Movement Desensitization and Reprocessing] consiste à replonger mentalement vers les origines de son traumatisme. Ici, l’image obsessionnelle d’« une balle de revolver stoppée en l’air ». La scène qui en est à l’origine a eu lieu un jour de juillet 2020. En poste depuis vingt-deux ans, le rédacteur en chef des magazines « Stade 2 » et « Tout le sport », se voit signifier son licenciement par un cadre trentenaire de la direction des ressources humaines de France Télévisions (FTV). Pour « harcèlement moral ».
« Je suis devenu radioactif », sourit-il timidement. Et de s’insurger : « Ils m’ont viré pour harcèlement mais beaucoup de personnes complètent avec le sous-entendu "sexuel". Je ne suis ni l’héritier de l’entre-soi masculin alors que j’ai précisément encouragé la féminisation de cette rédaction, ni le comptable des beaufs de la télé d’il y a 40 ans ! » Parce qu’il voulait comprendre pourquoi une enclume lui était tombée sur la tête, Jean-François Laville s’est mis à enquêter sur son propre licenciement.
Dernier en date à passer sur la sellette, le jeune avocat Juan Branco, qui a été mis en examen pour viol mardi 23 novembre 2021.
L’avocat Juan Branco a été mis en examen mardi pour « viol » par un juge d’instruction parisien après les accusations d’une jeune femme fin avril dernier, a appris l’AFP mercredi de source proche du dossier, confirmant une information du Point. « L’intéressé a été mis en examen hier du chef de viol. Il a été placé sous contrôle judiciaire », a confirmé à l’AFP une source judiciaire. (...)
Après une balade dans Paris, le couple se serait rendu au domicile de l’avocat, selon la version de celui-ci, puis aurait regardé un film avant d’avoir une relation sexuelle consentie. Le lendemain matin, la jeune femme l’aurait « embrassé » avant de partir, assurait encore l’avocat. Elle serait revenue le soir « froide et troublée » en lui annonçant qu’elle avait déposé une « main courante » sur les conseils de deux amies. (Morandini)
Sexe, mensonges et vidéo
Pour dire la vérité, et pour en rester sur TF1, sans vouloir refaire les procès passés ou en cours, dans un monde peuplé de personnages aussi puissants, médiatiquement et politiquement, avec un charisme surmultiplié par le média le plus puissant, au cœur d’intérêts quasiment d’État, les relations croisées entre le sexuel et le professionnel sont inextricables.
Car si certains utilisent leur position dominante pour obtenir des avantages en nature, d’autres utilisent leur nature pour obtenir des avantages professionnels, ou, pour être plus précis, positionnels, comme on dit aux échecs. Et dans ces cas, la frontière est très floue entre le rapport sexuel plus ou moins consenti par intérêt, par faiblesse ou par « surprise », et le rapport sexuel non consenti, voire le viol. Sans vouloir minimiser les faits ni faire insulte aux victimes, du moins à celles qui ont médiatisé leur expérience douloureuse, se pose la question du délai de plainte, qui débouche immanquablement sur la prescription, ce qui est dommageable si les agressions sexuelles sont avérées.
De la même façon, le délai d’intervention des forces de l’ordre au Bataclan pose encore problème, six ans après les faits, et le procès en cours n’y apportera pas de réponse. Dans le domaine des grands médias, porter plainte contre une star vaut liste noire, et à vie. Si certaines femmes se sont fait piéger, par faiblesse, par ignorance ou par calcul, d’autres savaient et évitaient tout rapport non professionnel, non protégé, a-t-on failli écrire.