Jacques Baud, qui développe sa réflexion sur le thème de la sécurité, fustige l’impréparation des Européens (et des Français), qui auraient dû savoir à quoi s’attendre avec Trump. Ils ne l’ont pas pris au sérieux, et surtout, pas compris. En retard d’une guerre, ils sont logiquement largués dans le nouveau Grand Jeu.
Pour cet analyste, les Américains ont compris que les relations entre les (grands) pays se font désormais sur la base des intérêts nationaux, et c’est pour ça que les Russes, les Américains et les Chinois, trois entités très nationalistes, mènent la danse. C’est pour cela que l’Europe, qui a détruit toute souveraineté à l’intérieur et conséquemment à l’extérieur, a disparu. Elle n’est plus un interlocuteur valable. Et ce n’est pas avec des Macron et des Barrot qu’on va sortir de ce trou noir.
Barrot habillé pour l’hiver nucléaire
« Quand on entend Jean-Noël Barrot, là on est dans ce qu’on appelle le wishfull thinking, ou bien les illusions, l’illusion. On est dans des déclarations qui n’ont absolument ni pied ni tête. […]
Jean-Noël Barrot, et tout ça, c’est vraiment des gens on se demande où on a pêché ces gens-là, parce qu’ils n’ont aucun sens de la géostratégie, de la géopolitique, et je sais même pas s’ils comprennent eux-mêmes les intérêts de la France. Si Jean-Noël Barrot avait une représentation, comment dire, intelligente tout simplement de la situation, il comprendrait que la situation qui est en train de se modifier en Europe par la reconnaissance de la puissance russe, devrait nous conduire à autre chose, c’est-à-dire un équilibre des forces qui n’est pas basé sur la puissance nucléaire, parce que là on retombe dans ce qu’était la guerre froide au sens propre, c’est-à-dire les deux puissances nucléaires qui se regardent en chiens de faïence, mais qu’il fallait aujourd’hui construire l’Europe selon d’autres principes.
Et c’est ce que les Américains ont compris. Ils ont compris que cela ne servait à rien de se lancer dans des affrontements militaires stériles, et c’est d’ailleurs en substance ce que dit Donald Trump, et avec raison d’ailleurs, que la guerre en Ukraine n’avait rigoureusement aucun sens. […]
Il rejette cette responsabilité sur l’Ukraine, et avec raison. Parce que les Ukrainiens, pour rentrer dans l’OTAN si vous voulez, ont en fait vendu leur sécurité et vendu une bonne partie de leur population pour ça. Et en réalité ils n’obtiendront pas ce qu’ils ont cherché à avoir, c’est-à-dire leur intégration dans l’OTAN. […]
Il vaudrait mieux aujourd’hui recréer l’architecture de sécurité en Europe en se basant sur d’autres principes. Et on va d’ailleurs pratiquement inévitablement, et c’est d’ailleurs ce que les Américains font indirectement en lançant le processus de négociation avec la Russie, c’est d’avoir une sécurité non pas par la confrontation, mais une sécurité par la coopération. Ce n’est pas une idée nouvelle, c’est une idée que les Soviétiques avaient déjà eue dans les années 70 en créant la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe, c’est une initiative soviétique, pour changer le paradigme de la sécurité en Europe. […]
Et c’est l’idée que les Russes avaient lorsqu’ils ont demandé leur entrée dans le Partenariat pour la paix, qui était ce qu’on a appelé par la suite l’antichambre de l’OTAN. »