C’est tout chaud, ça vient de sortir : les derniers gauchistes du PS quittent le navire, qui gît déjà pété en deux à 6 000 mètres de fond. Marie-Noëlle Lienemann, celle qui a senti immédiatement il y a quatre ans la dangerosité du jeune banquier Macron, alors inconnu du grand public, va monter un mouvement pour – en toute probabilité – le rattacher à la France insoumise.
- Marie-Noëlle, François, Jean-Luc
En gros elle met ses réseaux rouges-roses à disposition de Mélenchon. Idem pour Emmanuel Maurel, mais personne ne le connaît. Lienemann, elle, était une vraie mitterrandienne, à la Mélenchon justement. Bref, le PS est bien mort, Mélenchon le reconstitue mais sans les apparatchiks cramés (Fabius, DSK et compagnie), et il garde la décision. Le nouveau Staline se prépare pour les européennes en 2019, les municipales en 2020 et la présidentielle de 2022. Il n’a pas renoncé au pouvoir, et la déstabilisation en cours de la Macronie lui envoie de très bons signes. Imaginez, un Castaner à l’Interieur, le signal sur l’autorité de l’État...
Pour nous ça veut dire une chose : avec des clowns comme Castaner à la barre, c’est le pouvoir profond qui a pris la direction des opérations. Et l’Intérieur, c’est la mère de toutes les batailles, pour reprendre l’expression préférée de Zemmour, l’homme protégé par le Conseil d’État. L’Intérieur c’est l’ordre – ou le désordre, au choix –, c’est la police, le renseignement, l’antiterrorisme et le terrorisme, bref, c’est le pouvoir réel. C’est bien pour ça que tous les ministres de l’Intérieur, une fois nommés par le Premier ministre, s’en vont faire un tour au CRIF pour prendre leur feuille de route. Mais revenons à nos moutons roses.
Marie-Noëlle lâche le PS de Benoît (Hamon), mais ce dernier renâcle : « ça ne m’intéresse pas beaucoup », lance-t-il sur Radio Classique. Citons Le Figaro :
« Pour Benoît Hamon, le résultat de cette affaire est par ailleurs couru d’avance : tout ce petit monde se rangera derrière La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, notamment en vue des européennes. “La gauche a-t-elle vocation à se rallier derrière un nouveau César ? Non. La gauche a toujours été diverse”, a-t-il voulu rappeler, renvoyant le leader de La France Insoumise à la figure du général romain. “Je constate une pratique personnelle de Jean-Luc Mélenchon qui ne correspond pas à l’idée que je me fais de l’intelligence collective”, a-t-il justifié. »
Hamon, le spécialiste de l’intelligence collective mais non individuelle, c’est un peu le dernier gauchiste : il croit dur comme fer aux principes irréels qui ont envoyé le PS, pourtant une énorme machine politique, dans le mur. Hamon, c’est le perroquet de la bien-pensance déconnectée, dans le genre il est même pire qu’Anne Hidalgo, qui elle doit gérer une ville, quand même. Hamon plane avec ses migrants, ses femmes et ses jeunes. Il représente la politique clientéliste du PS des années 80 en direction des minorités « souffrantes ». Sauf qu’à côté, il y avait les classes moyennes, les profs, les employés, les fonctionnaires, tout ça. Ceux-là se sont barrés fissa après la catastrophe Hollande, le gars gentil mais pas à la hauteur de la tâche : relever le pays. Hollande a essayé de soulever les haltères, mais la barre n’a pas bougé d’un poil et il a tout de suite lâché l’affaire, se barrant de la maison France pour aller voir sa pouf en scooter.
Hamon ne conteste pas seulement le leadership de Mélenchon, il s’oppose à l’anti-européisme – selon nous de surface – du président de LFi :
« Il n’y a pas de réponse nationale à la crise européenne. Je pense que toute réponse nationale ne peut être à la fin que nationaliste. »
C’est quand même la phrase du siècle. Du national au nationalisme, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas ! La réponse à la crise doit être européenne, européiste, oligarchique ! Pauvre Hamon, tout le monde lui a pourtant expliqué patiemment que son logiciel l’emmenait tout droit dans les rutabagas...
- Dray, Mélenchon, Lienemann
Ce qui est intéressant dans la brouille à gauche entre Hamon et Mélenchon, dans ce combat entre l’arriéré et le doué, c’est l’épisode de la présidentielle 2017. On revient 5 minutes dessus parce que ça explique tout.
Nous sommes bien avant le premier tour de l’élection phare française, qui a lieu le 23 avril 2017. Hamon a gagné par surprise la primaire de gauche (et écolo), il a vaincu l’homme du CRIF Manuel Valls, grâce à une intervention des forces nationales. Malheureusement, une fois « élu » à gauche, il n’est crédité que d’une poussière de voix dans les sondages, contre près de 20% pour Mélenchon. Malgré l’évidence d’un désastre au premier tour, Benoît refuse de laisser le champ libre à l’Insoumis. Il se présentera et obtiendra 6,3% des voix, un score historiquement bas pour le PS, qui lui vaudra quand même quelques piécettes de la part de la Nation, à l’inverse de Dupont-Aignan qui ne fera « que » 4,7%.
Pourquoi parle-t-on de ces deux candidats secondaires d’un point de vue comptable ? Parce que s’ils ne s’étaient pas présentés, l’élection aurait été tout autre. Regardez : Macron a fait 24, Marine 21,3, Fillon 20 et Mélenchon 19,6. Si NDA ne se présente pas, Marine fait logiquement 26 (21,3 + 4,7), et si Hamon jette l’éponge, Mélenchon monte carrément à 25,9, disons 26. Ce qui change complètement l’ordre d’arrivée du Quarté : plutôt que Macron-Marine-Fillon-Méluche on a un Méluche-Marine-Macron-Fillon ! À vrai dire, les vraies masses électorales.
Si Hamon avait une bonne raison de se présenter, une raison économique de survie de son parti croupion, il avait aussi une mauvaise raison politique : empêcher Mélenchon d’arriver au second tour. Mélenchon peut l’avoir mauvaise car Hamon lui a barré la route de la finale et, probablement, face à Marine Le Pen, de la présidence de la République.
Pourquoi Hamon a-t-il puni la gauche, pour laisser un banquier, dont les réformes libérales semblent contraires à toutes ses croyances, prendre le pouvoir ? Ça, on ne le sait pas, mais on peut supposer qu’il y a eu échange de bons procédés. Devant ce risque doublement populiste, on comprend que la presse mainstream se soit déchaînée en faveur de Macron. Il fallait absolument le placer en tête devant Marine pour éviter une catastrophe nationale au sens des intérêts oligarchiques : une finale Méluche/Marine.
On rappelle, pour les sceptiques, que la candidature communautaire « noire » de Taubira en 2002 (qui fera 2,32% des voix) est celle qui a flingué Jospin au premier tour, le paragraphe précédent n’est donc pas de la science fiction. L’indépendantiste guyanaise a ensuite été récompensée pour services rendus à la Chiraquie. Dans ce marécage, la gauche, la droite, ces concepts ne veulent plus rien dire : un gauchiste peut trahir un gauchiste pour de l’argent, du pouvoir ou sa simple survie. Selon la logique politique, et humaine, Mélenchon devrait dans les mois qui viennent décortiquer ce qui reste des partisans de Hamon, afin d’envoyer dans les poubelles de l’histoire le traître à la Cause, le social-traître à l’ancienne.
Pour ceux qui rêvent d’autre chose, par exemple d’un scénario à l’italienne, il est possible qu’en 2022 se représente une telle finale grâce à l’effondrement de la candidature centrale artificielle de Macron, qui a été gonflé par les médias et une « hallucination collective » selon les mots de Todd. Les Français se feront-ils avoir encore une fois ou oseront-ils (re)faire enfin l’Histoire ? Autrement dit, ont-ils assez souffert des trahisons de l’élite ou pas encore assez ? L’avenir nous le dira...
« Ce n’est pas de la justice, ce n’est pas de la police. Nous ne méritons pas un déploiement pareil. On croirait l’arrestation de je-ne-sais-pas-quoi, d’un gang, d’une bande. [...]
Madame Belloubet, vous êtes fière de ce que vous êtes en train de faire ? [...] Vous n’avez donc plus aucune dignité ? Tous les coups sont permis ? Vous ne savez pas à quoi vous vous affrontez : à une force politique, pas à une personne isolée. Nous allons vous le faire payer politiquement. »
En attendant, le pouvoir se paye une petite perquise chez Méluche, histoire de mettre la pression sur les populistes de gauche, après avoir saigné les finances des populistes de droite (cliquez ici pour voir la vidéo) :