Voilà bientôt un an que plus d’un million de personnes — menées par les tyrans les plus répressifs de la planète [1] — défilèrent ostensiblement à Paris en faveur de la liberté d’expression [2].
Depuis lors, le gouvernement français, alors qu’il avait, dans le sillage des meurtres de Charlie Hebdo, ouvert le chemin en claironnant l’importance vitale de la liberté d’expression, à plusieurs reprises poursuivit différentes personnes pour les opinions politiques qu’elles avaient exprimées, et exploita la peur du terrorisme pour écraser les libertés civiles en général. Il l’a fait en recevant à peine un regard de protestation furtif de la plupart de ceux qui, partout dans le monde occidental, agitaient les drapeaux de la liberté d’expression à l’appui des dessinateurs de Charlie Hebdo.
C’est pourquoi, beaucoup de ces croisés de fraîche date pour la liberté d’expression, exploitant les meurtres de l’Hebdo, n’étaient pas, comme je l’avais souligné à l’époque [3], des partisans authentiques en cohérence avec la liberté d’expression — au lieu de cela, ils invoquent ce principe seulement dans les cas les plus faciles et les plus égoïstes, à savoir la défense des idées qu’ils soutiennent ; mais quand les gens sont punis pour avoir exprimé des idées qu’eux détestent, ils restent silencieux ou appuient l’interdiction : tout le contraire d’un plaidoyer sincère pour la liberté de parole.
Quelques jours après la marche de Paris, le gouvernement français arrêta le comique Dieudonné M’bala M’bala « pour être “un apologue du terrorisme” d’après la suggestion sur Facebook qu’il éprouvât de la sympathie pour un des bandits armés de Paris » [4]. Deux mois plus tard, il fut reconnu coupable, recevant une peine de prison de deux mois avec sursis [5]. En novembre, pour des charges séparées, il fut reconnu coupable par un tribunal belge « de racisme et de commentaires antisémites dans un spectacle en Belgique » et reçut une peine de prison de deux mois [6]. Il n’y a pas eu de hashtag #JeSuisDieudonné à la mode, et pour cette attaque à la liberté d’expression il est à peu près impossible de trouver des dénonciations par les voix les plus fortes des croisés de la liberté d’expression post-Hebdo, à l’égard des gouvernements français et belges.
En France, dans les semaines qui suivirent la marche pour la liberté d’expression, des dizaines de personnes « furent arrêtées pour discours de haine ou autres actes insultant les croyances religieuses, ou acclamation des hommes ayant perpétré les attaques [7] ». Le gouvernement « ordonna aux procureurs à travers le pays de réprimer le discours de haine, l’antisémitisme et la glorification du terrorisme ». Il n’y avait pas de paliers dans la défense de leur droit à la liberté d’expression.
Au mois d’octobre, le plus haut tribunal français confirma la condamnation pénale de militants qui prônaient le boycott et les sanctions contre Israël en tant que moyen pour mettre fin à l’occupation [8]. Qu’avaient fait ces criminels ? Ils « sont arrivés au supermarché en portant des maillots arborant les mots : “Vive la Palestine, Boycott d’Israël” » et « également distribuèrent des tracts qui disaient que “l’achat de produits israéliens signifie la légitimation des crimes contre Gaza” ». Parce que le boycott contre Israël était considéré comme « antisémite » par le tribunal français, le préconiser était un crime [9]. Où étaient tous les croisés post-Hebdo lorsque ces 12 personnes furent condamnées en pénal pour avoir exprimé leurs opinions politiques critiques d’Israël ? Introuvables.