François Hollande se rend ce jeudi sur le site du camp des Milles, près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) pour y inaugurer en compagnie d’Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, une Chaire de l’Unesco intitulée "Éducation à la citoyenneté, sciences de l’homme et convergence des mémoires". Un Manifeste du camp des Milles sera présenté par les chercheurs de la Chaire : "La mémoire au service de l’humanisme". A cette occasion, François Hollande prononcera un grand discours contre le racisme et l’antisémitisme, en s’efforçant de relier menaces présentes et tragédies du passé.
Entretien avec Alain Chouraqui, directeur de recherche émérite au CNRS et président de la fondation du camp des Milles.
En quoi cette visite du président de la République est-elle historique ?
C’est la première fois qu’un président de la République se rend officiellement dans un camp d’internement et de déportation qui était placé durant la Seconde guerre mondiale sous autorité française, en l’occurrence celle du régime de Vichy. Ce sont exclusivement des Français qui ont fait fonctionner le camp des Milles jusqu’à sa fermeture lors de l’invasion de la "zone libre" par les nazis, en novembre 1942, contrairement par exemple au Struthof, en Alsace, qui était placé, lui, sous administration allemande.
La visite de François Hollande est donc un symbole fort. Après le discours du Vel d’Hiv de Jacques Chirac en 1995 sur la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs, c’est un pas symbolique de plus sur le chemin de la vérité sur la tragédie passée et sur les leçons à en tirer.
Depuis plusieurs années, de plus en plus de voix dénoncent une tendance à la repentance permanente…
Mais l’objectif n’est pas de nous culpabiliser comme Français ou de cultiver je ne sais quelle repentance. L’idée, c’est plutôt de montrer que la France n’est pas, et n’a pas été au cours de son Histoire, à l’abri des mécaniques génocidaires. Celles-ci ne sont pas liées à l’Allemagne, c’est dans l’humain que se situe le danger. C’est pourquoi le chef de l’Etat ne vient pas au Camp des Milles à l’occasion d’une commémoration mais pour officialiser, avec Madame Bokova, directrice générale de l’Unesco, la création d’une nouvelle Chaire baptisée "Éducation à la citoyenneté, sciences de l’homme et convergences des mémoires". Cette Chaire de l’Unesco a justement l’ambition de rassembler et de relier très fortement les mémoires du passé à la citoyenneté d’aujourd’hui.
Cet événement a donc une double importance, l’une qui relève de la reconnaissance du passé, l’autre de l’alerte quant aux temps présents. On constate que quelles que soient les génocides, certaines mécaniques qui conduisent au pire, comme les processus de résistance, sont semblables et éclairent donc sur l’homme en général, hier comme aujourd’hui. C’est la portée universaliste du message de la chaire de l’Unesco.
Le drame des réfugiés que connaît l’Europe depuis plusieurs mois a-t-il selon vous quelque chose à voir avec celui des années 30 et 40 ?