Le petit coin d’E&R
Il fallait que ça arrive. Après les bordées de jurons et les coups de bâton que les migrants de Calais ont reçus sur la tête, voici que le Migrant de Calais devient un artiste. Ça sent le travail d’image, mais on comprend pas bien pourquoi. Certes, il y a du talent parmi tous les hommes, de quelque pays que ce soit. La France n’a pas le monopole du génie. Sauf du génie français, bien entendu.
Toujours est-il que Vanessa, la violoncelliste londonienne, a réussi à transformer des barbares en mozarts en deux coups de cuiller à pot. Maintenant que les assaillants de Calais sont des artistes, pourra-t-on les battre, les humilier, les assassiner comme avant ?
Alain Chouraqui, le président de la fondation du Camp des Milles (attention, Chouraqui n’a pas fondé le camp de concentration français, ce directeur de recherche émérite de la SNCF, pardon, du CNRS, préside la Fondation historique du camp, c’est pas du tout pareil), rappelle à Renaud Dély, le « journaliste » qui voulait envoyer Dieudonné en prison, « que la France n’est pas, et n’a pas été au cours de son Histoire, à l’abri des mécaniques génocidaires ». On le voit avec tous les clandestins fuyant l’Afrique morts en Méditerranée, ou dans le tunnel sous la Manche. France responsable, France coupable, pour l’éternité.
Heureusement, la musique adoucit les mœurs, et donc les instincts génocidaires des Français. Sachant que la solution sera politique et globale, à défaut d’être policière et locale, et que la com n’a jamais rien arrangé, on apprécie quand même le travail de ré-humanisation des migrants, clandestins ou réfugiés, On vous convie donc à découvrir ce petit reportage animalier en musique.
Les migrants arrivés en Europe sont souvent perçus comme peu qualifiés et destinés à des petits boulots. Pourtant, nombre d’entre eux sont diplômés, formés et ont même pour certains un talent artistique. C’est eux qu’est allée chercher notre Observatrice.
Vanessa Lucas-Smith est violoncelliste professionnelle à Londres. Fin septembre, avec plusieurs collègues musiciens, elle traverse la Manche pour se rendre dans la "jungle", ce camp de fortune installé à Calais, dans le nord de la France, d’où les migrants tentent quotidiennement de rejoindre le Royaume-Uni. Son objectif : dénicher des musiciens et les enregistrer sur place.
Extrait d’un documentaire à venir sur "The Calais Session". On y voit Mohealdeen, un chanteur ayant fui la Syrie :
C’est à eux que Vanessa et ses amis a proposé, pendant 48 heures, d’improviser et de se laisser enregistrer. Les morceaux sont actuellement en cours de mixage et se retrouveront sur un album intitulé "The Calais Session" qui sera disponible sur iTunes et dont les bénéfices reviendront aux associations caritatives venant en aide aux migrants.
Au Royaume-Uni, nous avons rassemblé un groupe de musiciens - syriens, roumains, kurdes, nigérians, britanniques - qui jouent du ney, du oud, de la darbouka, du djembé, de l’accordéon, du violon, du violoncelle et toutes sortes d’autres instruments à percussions. On a amené tout ce qu’on pouvait en termes d’instruments africains et orientaux car nous tenions à intégrer dans les ateliers des gens qui n’avaient aucune formation musicale. On n’avait d’ailleurs aucune certitude de trouver des musiciens, mais on s’est dit que dans un camp de 4 000 personnes on avait de bonnes chances !