L’arrestation à Dakar le 25 août 2017 du nationaliste panafricaniste Kémi Séba accusé d’avoir brûlé en public un billet de 5000 francs CFA (moins de 8 euros), pose d’une manière très médiatisée la question du maintien de cette monnaie créée en 1945 et accusée par l’immense majorité des jeunes intellectuels africains d’être à la fois une survivance de la période coloniale et un moyen pour la France de continuer à exercer une tutelle sur ses anciennes colonies.
Dans une longue analyse intitulée « Franc CFA : “boulet colonial” ou “danseuse” ? » et réservée aux abonnés à L’Afrique réelle ( son résumé a été publié sur ce blog le 6 décembre 2016), j’ai montré que :
1) cette monnaie n’est pas un obstacle au développement des 14 pays africains (plus les Comores), membres de la zone franc pour lesquels elle constitue la monnaie commune ;
2) qu’elle est au contraire un atout pour eux, la France jouant à leur profit le rôle d’une assurance monétaire.
Économiquement parlant, le positif l’emportant sur le négatif, les pays africains concernés auraient donc avantage au maintien du CFA. Mais, avec ce dernier, nous n’en sommes plus au débat économique, mais à la symbolique.
Par ailleurs, contrairement à ce qui est constamment affirmé, la France n’a, quant à elle, aucun intérêt réel au maintien du CFA et de sa zone. Les chiffres publiés par la Direction générale du Trésor (avril 2016 en ligne) tordent en effet le cou à bien des légendes en mettant en évidence trois points importants :
1) En 2015, alors que la totalité de ses exportations mondiales était de 455,1 milliards d’euros, la France a vendu à la seule Afrique sud-saharienne pour 12,2 milliards d’euros de biens et marchandises, soit 2,68 % de toutes ses exportations. Sur ces 12,2 milliards d’euros, la zone CFA en a totalisé 46%, soit environ 6 milliards d’euros, soit à peine 1,32% de toutes les exportations françaises. Pour ce qui est des importations, les chiffres sont voisins.
2) La zone CFA n’est pas non plus cette « chasse commerciale gardée » permettant aux productions françaises de bénéficier d’une sorte de marché réservé comme certains l’affirment. En 2015, la part de la France dans le marché de cette zone ne fut en effet que de 11,4%, loin derrière la Chine.
3) Les détracteurs du CFA disent que les comptes d’opérations étant ouverts auprès du Trésor français, ce dernier bloque des sommes d’environ 14 mds d’euros qui appartiennent aux Africains et dont les intérêts lui profitent. Là encore, sachons raison garder. Que pèsent en effet ces 14 mds d’euros qui servent de garantie aux États africains pour la couverture de leurs achats à l’étranger comparés aux plus ou moins 400 milliards d’euros du budget de la France ?
Conclusion
1) Le poids de la zone CFA étant pour elle anecdotique, l’économie française ne serait donc guère affectée par sa suppression.
2) Politiquement, avec le CFA, nous en sommes davantage aux réactions psychologiques qu’aux analyses argumentées. L’intérêt de la France est donc de le supprimer ainsi que sa zone afin d’en finir une fois pour toutes, sept décennies après les indépendances, avec les lassantes et répétitives accusations de néocolonialisme et de « françafrique ».
Franc CFA : Kémi Séba relaxé par la justice sénégalaise
L’activiste franco-béninois Kémi Séba, qui avait brûlé publiquement un billet de 5.000 F CFA, puis avait été arrêté vendredi dernier, a été relaxé par le tribunal de Dakar.
Le Tribunal des flagrants délits de Dakar a relaxé ce soir l’activiste franco-béninois Kémi Séba, qui avait été arrêté le 25 août à Dakar, suite à une plainte de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), et placé sous mandat de dépôt à la prison de Rebeuss, à Dakar.
Le président de l’ONG Urgences panafricanistes avait brûlé un billet de 5 000 F CFA en public, le 19 août, lors d’une journée « contre la Françafrique ».
À l’audience, le Parquet a requis une peine de prison de trois mois de prison avec sursis contre Kémi Séba. Le tribunal a finalement relaxé le militant, ainsi qu’un membre de l’ONG, Bentaleb Sow, qui avait été arrêté en même temps.
(Source : jeuneafrique.com)