Destruction du pouvoir central souverain alaouite syrien, destruction de son opposition dite « démocratique », et destruction des destructeurs jihadistes eux-mêmes, financés par le consortium qataro-saoudien et armés par les Américains ?
Destruction de la cible et destruction des destructeurs, dans un mouvement global qui rappelle les éliminations d’Etat des années 1960 (Kennedy 1 et 2), avec la destruction de la cible gênante, et du tueur devenu gênant.
On comprend ainsi mieux la « neutralité » israélienne dans le conflit syrien, pourtant à ses portes, les dirigeants comptant tout simplement les morts dans les deux camps : celui du très honni Assad, et celui des clans jihadistes, spontanés ou fabriqués.
La victoire israélienne qui se dessine est totale, avec le nettoyage de son flanc nord, le plus dangereux. Pour simplifier, l’État d’Israël ou l’entité sioniste, comme dit Damien Viguier, est menacé sur trois flancs : au sud l’Egypte, dont le régime des Frères musulmans a été balayé opportunément par le coup d’État du général al-Sissi (soutenu par l’Amérique), la Jordanie à l’est, conflit éteint depuis un demi-siècle, et enfin, la double menace libano-syrienne au nord. Où l’on se rend compte qu’il ne reste plus qu’une seule menace pour Israël : le Liban, c’est-à-dire le Hezbollah, c’est-à-dire l’Iran.
Dans ces conditions, on a du mal à imaginer que l’Empire, ou l’union israélo-américaine – le plan sioniste avec le bras armé américain – ne se tourne pas ensuite vers le « problème » iranien. Oui mais voilà, il y a la pièce russe, qui vient d’entrer dans le jeu. Une grosse pièce, qui ne vaut pas la dame américaine ni le roi israélien, mais qui ne sera pas facile à dégommer. Et derrière cette tour, une seconde tour se profile : la chinoise. Malgré les Décodeurs du journal Le Monde qui veulent à tout prix prouver que le porte-avion chinois Liaoning n’a jamais évolué « au large de la Syrie », personne n’imagine que les Chinois resteront les bras croisés en dehors du jeu mondial. Ce qui ne les empêche pas de compter les points…
Comme le montrent les Décodeurs, il n’y a pas de présence navale chinoise en Méditerranée, pour la simple raison que la marine chinoise n’est pas encore opérationnelle (son porte-avion n’est qu’une base d’exercices). Cependant, elle s’étoffe, et montre les dents en mer de Chine, en approchant dangereusement des côtes du Japon. Mais le plus intéressant n’est pas sur la mer, mais bien sur la terre, quand on sait que les Chinois ont soutenu les Talibans dans leur guerre contre les Américains, après le 11 Septembre. Parce que les Américains voulaient s’implanter en Afghanistan pour y poser des stations d’écoute, dirigées vers la Chine, et afin d’entretenir la « rébellion » des Ouïghours, situés dans le Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, avec un tout petit couloir qui relie les deux entités islamiques. Et c’est peut-être pour que la Chine ne participe pas au grand jeu géopolitique mondial, que les Etats-Unis ont lancé une attaque financière contre Pékin en 2015. Un grand pays, mais empêtré dans de grands problèmes économiques. Les Chinois semblent privilégier l’axe économique à l’axe militaire : le Liban et la Chine commencent à développer un partenariat économique.
On sent, dans le projet « One belt, one road » de Xi Jinping ("Une ceinture, une route"), qui consiste à développer en dur les infrastructures de l’axe Chine-Russie-Asie centrale-Europe-Moyen-Orient, une certaine volonté d’échapper à l’ogre américain, ou de déplacer son influence. Un axe que les Américains ne veulent pas lâcher, pour des raisons très pragmatiques : pétrole, route du gaz, situation stratégique (surveillance de la Russie et de la Chine, maintien d’une ceinture de « sécurité » autour de la Russie et d’une agitation « islamiste » partout où cela leur est nécessaire).
La question qui se pose : assiste-t-on à une épreuve de force entre l’Empire et une coalition de non-alignés ? Si certains promettent une Troisième Guerre mondiale (voir l’article de Brandon Smith), d’autres pensent qu’elle n’aura pas lieu (lire l’article de Thierry Meyssan sur E&R).