La mort inattendue de Boris Nemtsov en Russie a fait couler beaucoup d’encre et causé un lourd dommage à l’image de la Russie, la grande majorité des commentateurs n’ayant pu s’empêcher de pointer la potentielle et probable responsabilité des autorités russes dans ce meurtre.
Pourtant, loin de « l’émotionnel-militant » qui a envahi nombre de rédactions, il convient de revenir sur le personnage et sa réelle stature politique en Russie, pour comprendre sa mort dans un contexte politique russe complexe, tant sur le plan intérieur qu’extérieur.
Incarnation d’un modèle politique en faillite
Proche du pouvoir et de la grande mouvance réformatrice qui émana de la fin de l’Union soviétique, Boris Nemtsov est issu d’une famille célèbre en Russie puisqu’il serait le petit-neveu de Yakov Sverdlov, révolutionnaire et homme politique russe qui aurait donné en 1918 l’ordre d’assassiner le tsar Nicolas II et toute la famille impériale.
Boris Nemtsov se lança en politique et bénéficia fortement des chaotiques années 90, puisqu’il fut premier gouverneur de l’Oblast de Nijni-Novgorod de 1991 à 1997 avant d’être ministre de l’Énergie sous Boris Eltsine. À l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999, il s’investit de plus en plus activement dans l’opposition libérale en Russie, une opposition libérale dont le poids politique allait systématiquement et régulièrement s’amenuiser au cours des années qui suivirent.
Les quinze glorieuses russes (2000-2015) ont en effet été marquées par une stabilisation et une normalisation (la stabi-normalisation) de la vie politique russe. Bien sûr, la Russie n’est pas une démocratie comme l’est la Suisse par exemple, mais cette stabi-normalisation a considérablement réduit le fossé entre le peuple russe et les élites, tant sur le plan économique que politique, par rapport notamment aux années 90. Il est clair que cette stabi-normalisation a entraîné un nettoyage politique qui a privé une partie des élites d’accès au pouvoir (et donc aux ressources), que l’on pense à certains cercles oligarchiques ou à la minorité politique libérale dont Boris Nemtsov était un des fers de lance.