Les manchettes, partout dans le monde, ont présenté des variations sur l’histoire de l’assassinat de Boris Nemtsov. Chacune d’entre elles reprend le récit des faits pertinents : quoi, qui, où, comment… Mais la vraie question est pourquoi. La réponse à cette question, ou plutôt ce que l’Occident prétend avec insistance être la réponse, nous dira beaucoup sur les plans des États-Unis pour intensifier les tensions en Russie, en Ukraine, et au-delà.
Il serait insensé de mettre de côté toute hypothèse liant ce crime à des gens proches de lui, dans le domaine des affaires, de la politique ou de la romance. En ce qui concerne les affaires, nous pouvons rappeler que bon nombre de personnes voulaient sa mort à cause de ses crimes et de sa corruption en tant que directeur de la Banque Neftyanoi – aujourd’hui liquidée – et président de sa société mère Neftyanoi Concern.
De nombreuses polémiques ont fleuri autour de cette affaire en 2006. Bien sûr, dans le domaine des problèmes de cœur, nous avons tous ceux qui entourent la femme avec qui il a été vu la dernière fois. Cette femme, Anna Duritskaya, était également présente lors de la fusillade. Des rumeurs flottent ici et là que cela pourrait être lié à son récent avortement et autres aspects mélodramatiques associés.
Un lien évident avec cette affaire est la crise en cours en Ukraine et, dans cette variante, le meurtre pourrait avoir été motivé par un conflit interne entre factions pro-américaines là-bas. Nemtsov a été actif pendant la Révolution orange de 2004, soutenue par les États-Unis. Victor Iouchtchenko a ensuite été nommé conseiller économique, mais il a quitté son poste dans des circonstances suspectes, laissant derrière lui plus d’ennemis que d’amis.
Parmi ces ennemis, l’un deux pourrait très bien être à l’origine de l’assassinat, ou ceux qui sont derrière lui, mais le moment de cette fusillade et d’autres faits pertinents devraient plutôt nous amener à considérer que c’est politiquement motivé.
Ces complots peuvent effectivement être un peu complexes, c’est souvent le cas lorsque deux oiseaux sont tués avec une seule pierre. Un rival personnel peut recevoir un feu vert pour régler un compte, et ainsi accomplir un acte de plus grande portée géostratégique, comme dans ce cas.
En fait, nous cherchons ici à savoir si cela a été effectué sur les ordres de l’un des principaux acteurs impliqués dans la crise mondiale actuelle. Concrètement, la question est de savoir si cela a été réalisé par les Russes et leurs amis, ou par les États-Unis et leurs amis.
Que la fusillade ait été faite sur contrat ou non n’est également pas très important, sauf si on regarde l’aspect médico-légal et judiciaire du crime ainsi que les circonstances immédiates elles-mêmes. Celles-ci pourraient nous dire certaines choses, sauf que dans des cas comme celui-là, nous devons toujours être conscients que le maquillage en travail non professionnel – comme dans ce cas – serait quelque chose qu’un professionnel pourrait faire pour lancer sur une fausse piste.
Par exemple, il est probable que nous entendrons de la part des amis de la Russie que ce meurtre n’a pas les signes caractéristique d’une frappe professionnelle organisée par un gouvernement. Ils feront évidemment remarquer que si Boris Nemtsov avait été la cible du Kremlin, il serait mort dans un accident de voiture ou d’une crise cardiaque. Ce serait beaucoup trop bâclé pour quiconque au Kremlin de penser à lui tirer dessus en public, avec des témoins.
Ce n’est pas trop convaincant, parce qu’effectivement ces méthodes sembleraient impliquer l’État russe, alors que la façon plutôt bâclée avec laquelle Nemtsov a été tué nous pousse à éliminer cette possibilité. Dans la même logique, si un coup de ce genre devait être réalisé, alors, pour l’État, utiliser une méthode d’amateur prendrait tout son sens. Dans le cas des États-Unis, il faut présenter une autre explication. Si les États-Unis sont derrière tout cela, il doit paraître évident qu’il s’agit d’un assassinat bâclé, affreux, sans laisser aucun doute.
En fait, si les Russes voulaient sa mort, la valeur de l’assassinat serait dans son invisibilité. Mais si les Américains voulaient le tuer, la valeur serait dans le spectacle de l’assassinat lui-même. Cet assassinat est chargé de spectacle.