Suite au massacre de la rédaction du journal Charlie Hebdo, l’émotion a dominé la ligne éditoriale des médias institutionnels au détriment de l’analyse. Dans votre blog vous avez choisi de rappeler que Charlie Hebdo, qui avait été par le passé un journal qui dénonçait tous les pouvoirs, s’était mué en un organe de presse agissant au profit du « lobby judéo-sioniste [1] ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Tout à commencé avec Philippe Val, qui avait monté une opération financière pour prendre le contrôle de Charlie Hebdo, faisant ainsi une énorme plus-value financière, avec la bénédiction au moins tacite des pouvoirs publics. Val s’était aussi rapproché à l’époque de BHL. Une amitié qui rapporte puisqu’il avait été nommé directeur de France Inter. Depuis, il avait donné des gages. Soutien absolu de toutes les lois « sociétales ». Célébrations tous azimuts de la Shoah. Condamnation sans appel du Hamas et de toute forme de résistance palestinienne. Analyse plus que compréhensive de la politique israélienne. Et surtout dénigrement systématique de la communauté musulmane pour la stigmatiser, l’humilier, lui faire raser les murs. À ce propos je rappellerai comment Siné (un des fondateurs de Hara Kiri) s’était fait éjecter pour une formulation un peu caustique (« il ira loin ce petit ») sur la conversion au judaïsme du fils de Sarkozy pour pouvoir épouser l’héritière Darty. Pour un journal qui a une grande gueule et qui revendique une liberté totale de critique, ce n’était pas une grande preuve de liberté.
Profitant de la vague d’émotion planétaire, Frédéric Haziza n’a pas hésité à pointer du doigt tous ceux qui avaient osé critiquer Charlie Hebdo par le passé et à faire un amalgame entre ces personnes et des actes terroristes [2]. Si vous aviez l’occasion de vous retrouver face à lui, que lui diriez-vous ?
C’est une perspective qui relève de l’utopie. Donc je lui adresserai un message indirect. Frédéric Haziza est dans son rôle. Le fait qu’il se mue en défenseur constant de Charlie Hebdo corrobore dans une large mesure la conviction qu’avaient les judéo-sionistes que le journal était leur allié et qu’ils pouvaient compter sur lui. Par ailleurs, c’est une de leurs constantes que de faire l’amalgame. Le raccourci « musulman-islamiste-terroriste » permet d’installer dans les esprits l’idée que décidément, les musulmans en France ne peuvent ni évoluer ni s’intégrer. L’idéal en fait serait de les rendre indésirables, incompatibles, et d’en chasser le plus grand nombre. Finkelkraut a bien résumé cet état d’esprit : « L’islamisme n’est pas sans lien avec l’islam. » Donc cette religion serait, en elle-même, problématique pour le « vivre-ensemble » en France. Et l’amalgame de Haziza et d’autres tend à cet objectif ultime.
Certains caricaturistes dissidents, comme l’Artiste Mal Pensant, ont mis l’accent sur la responsabilité du gouvernement Hollande dans cette affaire en rappelant le laxisme lié au départ de nombreux jeunes djihadistes français en Syrie [3]. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
Il est certain que les gouvernements français, de Sarkozy à Hollande, ont joué avec le feu en détruisant la Libye, en bombardant l’Irak, et en aidant l’insurrection armée contre le pouvoir syrien. Mais comme souvent, ces calculs ont révélé une faille. Les jeunes qui sont partis en Syrie ont reçu un entraînement qu’ils n’auraient pas pu avoir autrement. Si on prend en compte le fait qu’ils détestent l’Occident et le sionisme, qu’ils ont subi depuis une ou deux générations les discriminations et les harcèlements divers propres aux musulmans, on peut comprendre qu’ils aient envie d’en découdre. On ne peut pas généraliser ce genre de réactions, mais il suffirait de quelques-uns pour déclencher des réactions en chaîne. On peut aussi rappeler que des milliers de jeunes d’origine maghrébine pourraient, pour toutes les raisons que l’on connaît, s’inspirer de ces actions violentes. Il est dramatique de penser que pour complaire à l’Amérique et à Israël le gouvernement français mène une politique irrationnelle et dangereuse.
De nombreux chefs d’État se sont rendus le 11 janvier à Paris pour participer à la « marche républicaine ». Que vous inspire la présence de Benyamin Netanyahou, qui a profité de l’occasion pour appeler les juifs de France à faire leur alya ?
Tout d’abord c’est un ramassis d’hypocrites, de dirigeants sans morale ni intégrité politique. On a assisté à une mascarade qui doit certainement avoir des objectifs inavoués. On ne fait pas tout ce cinéma pour une protestation. C’était un « show » extraordinaire, qui prépare l’opinion, déjà acquise, à des mesures drastiques. La présence de Netanyahou a apporté la touche de cynisme pour compléter le tableau. J’y vois, en dehors du fait que c’est pure abjection qu’un criminel de guerre de cette envergure soit là, une espèce de légitimation du rôle central d’Israël pour combattre « l’hydre terroriste islamique ». Et donc, il ne faudrait plus l’embêter avec les aspects dérisoires de l’occupation et de la colonisation. Qu’il appelle les juifs de France à faire leur alya montre qu’il joue la cassure en toute impunité. Il est sûr de lui. Il vient en France comme en pays conquis.
Les quatre victimes françaises de l’Hyper Cacher seront toutes enterrées en Israëli [4]. Est-ce que cela vous surprend ?
Je reconnais avoir été surpris par la nouvelle, mais beaucoup moins lorsque j’ai appris les modalités par une radio sioniste. En fait, ce n’était pas la volonté des victimes. Ce sont les autorités sionistes qui ont fait pression sur les dirigeants communautaires en France pour qu’ils accèdent à cette exigence. Les sionistes évidemment prenant en charge tous les frais. Mais on peut déjà imaginer une cérémonie en grande pompe, avec les médias et les politiques, pour faire vibrer la corde sensible, le destin tragique des victimes tuées parce que juives, et la nécessité de construire un pays juif solide et invulnérable pour protéger tous les juifs du monde qui se sentiraient en insécurité. Du grand art. Goebbels peut aller se rhabiller. En matière de propagande, les sionistes ont atteint des sommets.
Enfin, croyez-vous qu’il sera plus difficile pour le gouvernement français de s’attaquer à Dieudonné maintenant que le thème de la liberté d’expression a été autant mis en avant à propos de Charlie Hebdo ?
Je ne le crois pas. Ce serait d’ailleurs une erreur de le penser ou de l’espérer. La liberté d’expression, oui, plus que jamais. Mais la liberté dans la dignité et le respect mutuel. Surtout pas la liberté qui appelle à la haine. Vous avez vu ce que cela a donné ? Des attentats monstrueux. Vous voulez que ça recommence ? Pourquoi croyez-vous que les judéo-sionistes, dont l’inénarrable F. Haziza, ont tenté de créer un lien entre les attentats et les leaders de la dissidence ? Ça va être leur cheval de bataille. Il y a deux choses qui ne changeront pas : le cynisme du système et le fameux « deux poids deux mesures ».