Monseigneur Paul Desfarges est l’évêque de Constantine et d’Hippone depuis 2008. Il s’est installé en Algérie dans les années 1970 et obtint la nationalité algérienne en 1982. Après avoir enseigné la psychologie à l’université de Constantine, il assure actuellement l’administration de l’Archidiocèse d’Alger restée vacante depuis le départ de Mgr Ghaleb Bader en mai 2015.
[...] Dans ce contexte marqué par les dernières attaques terroristes, certains politiques de droite et d’extrême-droite pointent du doigt l’islam…
Nous continuons d’affirmer que l’islam que nous connaissons n’est pas comme ça. D’ailleurs, des musulmans pensent qu’il est temps de réfléchir à la façon dont on a laissé s’infiltrer ce courant extrémiste. Le ministre des Affaires religieuses en Algérie, dont je suis très proche, dit publiquement qu’on a laissé rentrer en Algérie un islam qui n’est pas le nôtre. C’est-à-dire le salafisme ou wahhabisme qui, par leur radicalité, imprègnent une mentalité qui peut se laisser prendre. Il faut qu’on révise un peu en France ou ailleurs, comme il se fait ici en Algérie, ce qu’on apprend à nos jeunes et ce qu’on dit dans les mosquées. Ceux qui utilisent tels versets ou de tels préceptes pour justifier ces actes, ce sont des fondamentalistes et les fondamentalistes religieux font du mal à toutes les religions.
Est-ce que les chrétiens pratiquent leur religion en toute liberté en Algérie ?
On peut dire qu’ils pratiquent leur religion en toute liberté. En fait, la grande majorité des chrétiens catholiques en Algérie sont des étrangers au pays et certains d’entre eux ne fréquentent pas de lieux de culte. Mais quelques Algériens de tradition musulmane sont devenus chrétiens et vivent dans une grande discrétion. Cela dit, il faut savoir que nous ne faisons pas de prosélytisme. Après un discernement exigeant de notre part pour vérifier s’il s’agit d’une expérience spirituelle ou d’une recherche d’intérêts (quitter son milieux, fréquenter les Européens…), nous les accompagnons.
Pourquoi vivent-ils dans la discrétion ? Se sentent-ils menacés ?
Ils ne se sentent pas menacés physiquement. Mais ils peuvent avoir des difficultés avec leurs proches notamment en ce qui concerne l’héritage. La conversion de ces personnes n’est pas connue de tous les membres de leurs familles. Cependant, dans la majorité des cas, il y a une certaine acceptation.
Donc, les chrétiens ne se sentent pas menacés en Algérie ?
Ils ne se sentent pas menacés physiquement. Mais ils peuvent être marginalisés dans leur lieu de travail par exemple si leur appartenance religieuse est révélée.