Le Second Empire a été marqué par de nombreuses interventions militaires à l’étranger (nos opérations extérieures d’aujourd’hui), que ce soit en Crimée, au Mexique, en Italie et même en Chine. Mais l’une d’entre elles, menée en Syrie, est généralement oubliée des manuels d’histoire malgré son caractère inédit pour l’époque.
Au printemps 1860, des extrémistes druzes s’en prirent à la communauté maronite du Levant, région alors sous domination ottomane, pour plusieurs raisons, parmi lesquelles le refus de tout progrès et de toute influence occidentale, incarnés à l’époque par les chrétiens, une certaine jalousie à l’égard de la prospérité de ces derniers et des motifs religieux.
Les premières exactions contre les chrétiens furent signalées au mont Liban. Et cela, dans une relative indifférence des autorités ottomanes, qui ne se préoccupèrent pas de punir leurs auteurs, même quand ils étaient clairement désignés. Du coup, les maronites finirent par se faire justice eux-mêmes…
En mai, la mort de deux Druzes, tués en représailles, mit le feu aux poudres : plusieurs villes chrétiennes furent pillées et leurs habitants massacrés. Les autorités ottomanes ne se décidèrent à intervenir qu’en juillet, en imposant aux deux communautés du Mont Liban un traité garantissant la paix pour les chrétiens, en échange de l’impunité de ceux s’étant rendus coupables d’exaction et du renoncement à demander la restitution des biens pillés.
Mais, quelques jours plus tard, c’est à Damas que de nouveaux heurts éclatèrent. Du 9 au 18 juillet, 3 000 maisons appartenant à des chrétiens furent pillées et incendiées. Le tout accompagné de massacres… Les bilans parlent de 10 000 à 13 000 tués, voire même plus.
De nombreux chrétiens furent cependant sauvés par l’intervention de l’émir Abd El Kader, alors en exil à Damas avec sa suite, après avoir été vaincu par les Français en Algérie. Plus tard, il se verra remettre la Grand Croix de la Légion d’honneur pour avoir accompli ce geste.
Cela étant, les informations sur les massacres de chrétiens au Levant ayant choqué les capitales européennes, Napoléon III décida d’envoyer un corps expéditionnaire en Syrie pour mettre un terme à ces massacres. Depuis François Ier et les « capitulations », c’est en effet à la France que revenait la responsabilité des chrétiens d’Orient.
Le 3 août, soit deux semaines après les évènements de Damas, il fut décidé, lors d’une conférence ayant réuni la France, la Prusse, le Royaume-Uni, la Russie et l’Empire Ottoman, d’envoyer à Damas un contingent international de 12 000 hommes, pour moitié fournis par Paris.
Le corps expéditionnaire français, commandé par le général Charles de Beaufort d’Hautpoul, débarqua au Levant le 16 août pour une « une mission de police internationale au service de la souffrance humaine », selon les mots de Napoléon III. Il s’agit ainsi de la première intervention militaire à but humanitaire…
Seulement, les soldats français n’eurent plus grand chose à faire une fois arrivés au Levant, les troupes du sultan ottoman, Abdülmecid Ier, ayant rétabli l’ordre à Damas. Aussi, jusqu’en juin 1861 (date de leur retrait de la région), l’inaction leur pèsera… Au point qu’elle fera remettre en cause la vocation du futur colonel Charles Ardant du Picq, pour qui « le combat repose avant tout sur l’être humain et notamment sur son état moral ».
Finalement, le général Beaufort d’Hautpoul décida, en accord avec les autorités sur place, d’occuper la côte. Puis une zone multiconfessionnelle – la province autonome du Mont-Liban – fut créée, avec à sa tête un gouverneur chrétien arménien, Garabet Artin dit « Daoud Pacha ».