TEMOIGNAGE – Des centaines d’étudiants chrétiens et yézidis de l’université de Mossoul ont dû abandonner leurs études lorsqu’ils ont été chassés de la région par Daech à l’été 2014. Aujourd’hui réfugiés dans le Kurdistan irakien, nombre d’entre eux ont repris leur cursus à Kirkouk et espèrent obtenir leur diplôme malgré leurs conditions de vie précaires.
Ils se destinaient à devenir médecin, ingénieur, architecte, comptable, et étaient étudiants à Mossoul, la plus grosse ville du Nord-Ouest de l’Irak. Mais leur avenir a volé en éclat à l’arrivée de l’organisation État islamique les obligeant à fuir la région pour se réfugier dans le Kurdistan irakien.
Après plusieurs mois d’interruption, des dizaines d’étudiants, chrétiens et yézidis, ont été accueillis à la rentrée 2015 par le diocèse de Kirkouk afin de reprendre leurs études. L’université de Kirkouk est la seule du Kurdistan irakien où les cours sont dispensés en arabe et non en kurde, permettant aux déplacés arabophones de passer leur diplôme. La plupart des étudiants étant sans ressource – leurs familles ont tout perdu dans leur fuite – Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk, subvient à leurs besoins matériels comme le logement, la nourriture, le transport.
Ronya, 22 ans, 5e année de médecine générale
« Je viens de Qaraqosh, dans la plaine de Ninive, et j’étais étudiante à l’université de médecine de Mossoul. Lorsque Daech est arrivé, nous nous sommes réfugiés avec mes parents dans la ville d’Erbil, au Kurdistan irakien. Je suis arrivée dans le foyer d’étudiantes du diocèse de Kirkouk au début du mois d’octobre pour reprendre mes études. Lorsque je serai interne, j’aimerais me spécialiser en gynécologie. Pour une chrétienne, les études sont très importantes. Je pense qu’elles me permettront d’être utile à mon pays. De façon plus général, le fait que les chrétiens aient un bon niveau d’éducation leur permet d’être un atout pour l’Irak. Toutes les autres communautés le reconnaissent. Plus personnellement, les études sont importantes pour moi car elles me permettront de bien éduquer mes futurs enfants et elles me donnent une certaine reconnaissance sociale. Bien sûr, comme tout le monde je ne suis pas très optimiste sur l’avenir de l’Irak, mais je souhaite rester dans mon pays quoiqu’il arrive. »
Raur, étudiante en chimie
« Je suis yézidie, mais j’ai été accueillie comme les étudiantes chrétiennes par le diocèse de Kirkouk. Je suis originaire de Ba’ashiqa et j’étudiais à Mossoul lorsque Daech est arrivé. Ma famille est réfugiée à Dohuk. Plus tard, j’aimerais être professeur de chimie, mais je veux vraiment quitter l’Irak. Le sort réservé par l’État islamique à notre communauté – des milliers de morts, beaucoup de femmes enlevées pour être vendues – fait que beaucoup d’entre nous veulent partir pour l’Allemagne où vit déjà une important communauté yézidie. Ici à Kirkouk, dans le foyer d’étudiantes, les relations entre chrétiennes et yézidies sont très bonnes car nous avons beaucoup d’activités en commun, comme préparer les repas, chanter et parfois regarder des films ensemble. »