Le vendredi 20 mars 2015 sera jour d’équinoxe. Ce qui, étymologiquement, signifie que la durée du jour égalera celle de la nuit. Pour fêter cela, le Soleil aura furtivement rendez-vous avec la Lune, qui l’éclipsera partiellement quelque temps. Au moment où la lumière l’emporte définitivement pour quelques mois, un baroud d’honneur de l’obscurité qui met en émoi les fournisseurs d’électricité et surtout les journalistes : doit-on s’attendre à un blackout en Europe, faute d’électricité photovoltaïque ?
Totale seulement au large de l’Europe septentrionale, visible des îles Féroé et du Spitzberg (Svalbard, comme on dit désormais), l’éclipse ne sera que partielle vue de France : le disque solaire sera occulté par la Lune dans des proportions variant, du sud-est au nord-ouest, de 58 % à 81 %. À Paris, elle aura lieu de 9h22 à 11h40, avec un maximum d’occultation de 78 % à 10h29.
Il y aura donc en France, et plus généralement en Europe, une baisse momentanée mais importante de luminosité. Or, il est un fait indéniable : il faut un temps ensoleillé pour produire de l’énergie solaire ! La proportion d’électricité d’origine photovoltaïque a considérablement augmenté depuis l’éclipse de 1999. À l’époque, la production n’était que très marginale et sa baisse était presque passée inaperçue. Aujourd’hui, nous assurent les journalistes, il en va tout autrement. Si en France le solaire ne représente qu’environ 1 % de la production d’électricité, cette part est en Allemagne de 7 %, bien plus lorsque le temps est au beau fixe. Il pourrait donc y avoir sur le secteur photovoltaïque une baisse de production non négligeable, assez courte mais rapide, avec une reprise tout aussi soudaine.
La difficulté réside dans le fait qu’il faut maintenir au plus près la production d’électricité au niveau de la consommation pour éviter tout problème dans le réseau. Sans quoi le blackout nous guetterait. À peu près tous les journaux nous le disent : « L’éclipse solaire menace le réseau électrique européen » (Le Figaro), « Éclipse solaire : le spectre de la grande panne » (La Tribune), ou encore « Éclipse du vendredi 20 mars : faut-il craindre un blackout ? » (L’Obs).
Qu’il y ait une configuration particulière à gérer et ce au niveau européen puisque les réseaux nationaux sont interconnectés, c’est une certitude. Qu’il y ait matière à alarmer ses lecteurs, certainement pas, pour plusieurs raisons :
à cette saison, mais aussi à cette heure, le Soleil n’est pas très haut et la production d’électricité photovoltaïque loin de son maximum, même en l’absence de nuages ;
la nébulosité ne sera pas nulle ;
c’est dans le nord que l’éclipse sera la plus aboutie, précisément où l’énergie solaire est la moins efficace ;
la baisse, puis la hausse de luminosité ne seront pas subites, même si ce sera beaucoup plus rapide qu’aux coucher et lever du Soleil ;
l’éclipse est bien sûr prévue de longue date et les personnels des réseaux électriques très compétents. Tout est mis en place depuis longtemps pour gérer cet événement, certes inhabituel, mais ne conduisant pas à des difficultés insurmontables. En France, l’énergie hydroélectrique, rapidement mobilisable, pourra aisément pallier la baisse du photovoltaïque et même être vendue à l’Allemagne en cas de nécessité, bien que l’utilisation des centrales à charbon, construites en nombre suite à la fermeture de centrales nucléaires, doive suffire. C’est avec de telles centrales thermiques que les États-Unis avaient passé sans encombre l’éclipse d’octobre 2014 dans le sud-ouest de leur territoire. Et dans le pire des cas, des industries très gourmandes en énergie pourraient être sollicitées pour lever le pied et donner à leur personnel une longue pause, durant laquelle un salut à notre satellite serait de rigueur...
Il sera en revanche intéressant d’écouter le discours sur cette source d’énergie, dite renouvelable, quand, après avoir crié gare, il s’avérera qu’elle a aisément passé cette difficulté. On voudrait nous amener à penser que le photovoltaïque, c’est du solide, qu’il résiste même à l’absence de Soleil, qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Il est vrai qu’il y a une transition énergétique à vendre. Le retour de bâton pourrait être la prise de conscience du caractère intrinsèquement intermittent de cette source d’énergie, à l’instar de l’éolien.